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Tendances Récentes Emergentes
et Nouvelles Drogues
Tendances récentes émergentes et nouvelles drogues Marseille 2009 – juin 2010
Présentation du dispositif TREND Marseille 2010 .7
Les espaces étudiés. 7
1.1 Espace urbain et espace festif. 7
1.2 L'expérimentation d'un élargissement du champ d'observation. 7
Les outils de recueil des données. 8
II. Synthèse : les faits marquants et/ou émergents en 2009 . 10
Les observations dans l'espace urbain .10
Les observations dans l'espace festif .11
Les observations dans les quartiers ‘populaires' .11
Les observations sur les produits .12
III. Approche transversale des usages de substances
psychoactives . 14
Les usages dans l'espace urbain .14
1.1Les usagers .14
1.2 Les pratiques d'usage chez les personnes présentant une pathologie
psychiatrique .14
1.2.1 Trajectoires des usages de produits psychoactifs pour les personnes
présentant des troubles psychiatriques. 15
1.2.2 Des prescriptions plus fréquentes de neuroleptiques . 16
1.2.3 Notion de prescription inappropriée et question du double diagnostic . 17
1.2.4 Représentations des médicaments, stratégie identitaire, et vécus antérieurs
de l'institution psychiatrique . 18
1.3 Tendances .19
1.3.1 Une visibilité accrue de certains profils d'usagers . 19
1.3.2 De nouveaux processus de précarisation chez des usagers de cocaïne et de
Ritaline® ? . 22
1.3.3 La diminution du nombre de médecins prescripteurs de TSO . 22
1.4.3 Application de la loi et politique de réduction des risques . 22
Les usages dans l'espace festif .29
2.1Les usagers .29
Tendances récentes émergentes et nouvelles drogues Marseille 2009 – juin 2010
2.2 Caractéristiques des pratiques d'usage en espace festif.30
2.2.1 Une pratique d'usage relativement régulée . 30
2.2.2 Une pratique de polyconsommation plus ou moins étendue . 31
2.2.3 « Le sniff », principale voie d'administration . 32
2.2.4 Les free-partys et teknival : lieu d'accès au matériel stérile pour
les usagers injecteurs les plus isolés . 32
2.3 Rajeunissement des usagers : des spécificités de l'usage chez
les moins de 25 ans ?.33
2.3.1 Retour critique sur les observations des années précédentes . 33
2.3.2 Des modalités d'usage identiques à celles des plus âgés . 34
2.3.3 Des modalités de prises de risques renouvelées. 35
2.2 Tendances .36
2.2.1 Des évolutions divergentes des contextes festifs de consommation . 36
2.2.2 Confirmation de certaines évolutions dans les usages de produits . 37
3 Les usages dans les quartiers ‘populaires' .39
3.1 Le contexte des quartiers ‘populaires' .39
3.1.1 Perte de repères et mésestime de soi . 39
3.1.2 Intériorisation du stigmate et difficulté à se projeter dans l'avenir. 40
3.2.3 Un « cocktail » de pressions sociales . 41
3.2 Les usages du cannabis, des autres produits illicites et des
traitements de substitution .42
3.2.1 La prédominance du cannabis et de l'alcool . 42
3.2.2 Diffusion de la cocaïne. 44
3.2.3 Les traitements de substitution. 44
3.2.4 Elaboration de signifiants et de limites à l'usage et situation
de relégation sociale . 45
3.1 Dynamiques autour de la vente de cannabis et de cocaïne.45
3.3.1 L'implication dans le trafic : source de ressentis paradoxaux . 46
3.3.2 Un rajeunissement des petits revendeurs et des guetteurs ? . 47
IV. Approche par produits psychoactifs . 48
Les opiacés .48
La buprénorphine haut dosage (BHD ou Subutex®) et le générique Arrow®.49
La méthadone .51
Tendances récentes émergentes et nouvelles drogues Marseille 2009 – juin 2010
Les sulfates de morphine (Skenan®, Moscontin®) .51
La codéine (Néocodion®) .52
2. Les stimulants .52
Le crack/ free base.54
L'ecstasy/ MDMA.55
Les amphétamines .55
3. Les hallucinogènes .56
La kétamine .56
Les champignons et plantes hallucinogènes .57
4. Les médicaments psychotropes non opiacés .58
Le tribexyphénidyle (Artane®) .58
L'oxazépam (Seresta®) .58
Le méthylphénidate (Ritaline®).58
5. L'alcool et le cannabis .59
6. Les produits rares et les nouveaux produits.60
Le 2-CB est il vraiment rare ? .60
« Paradise », méthylone, MDEA et McPP .60
Bibliographie . 61
Lexique . 62
Tendances récentes émergentes et nouvelles drogues Marseille 2009 – juin 2010
Contributions à TREND Marseille en 2009
Chargée d'étude et de coordination
HOAREAU Emmanuelle, Association Méditerranéenne de Prévention et de Traitement des Addictions
(AMPTA) – Centre d'Information Régional sur les Drogues et Dépendances (CIRDD PACA)
Responsables d'observation
BLANC Dominique (espace urbain), AMPTA
GRIMAUD Camille (espace festif), Groupe de Recherche sur la Vulnérabilité Sociale (GRVS)
Conseil scientifique
Pr THIRION Xavier, Laboratoire de Santé Publique (LSP), Centre d'Evaluation et d'Information sur la
Pharmacodépendance (CEIP, centre associé Marseille)
ZURBACH Etienne, AMPTA –CIRDD PACA
SANTUCCI Jean Jacques, Directeur de l'AMPTA
Professionnels des institutions et services de santé publique
FRAUGER Elisabeth, CEIP - OPPIDUM
MORACCHINI Christophe, CEIP – OPPIDUM
NORDMAN Sandra, CEIP – OPPIDUM
FRAPPAS Mylène, Ville de Marseille, Direction de la santé publique
Dr PADOVANI, Ville de Marseille, adjoint au maire, délégué toxicomanie et SIDA
PORHET Emmanuelle, chargée de mission auprès du chef de projet MILDT
Professionnels de la prévention
ADDAP (Association Départementale pour le Développement des Actions de Prévention)
Centre social La Renaude
Centre social La Marie
Centre social du Grand St Antoine
Centre social La Savine
Maison des familles, les Flamants
Mr MICELLI, Coordinateur des animateurs de prévention du nord est de Marseille, Maison de la Solidarité
Professionnels de la réduction des risques
ASUD Mars Say yeh ! (Auto-support des Usagers de Drogues, CAARUD Marseille)
Bus 31/32 (CAARUD, Marseille)
Le TIPI (Tous Impliqués Pour Innover, CAARUD Marseille)
L'Elf (Egalité, Liberté, Fraternité – CAARUD Aix en Provence)
Tendances récentes émergentes et nouvelles drogues Marseille 2009 – juin 2010
Médecins du Monde Marseille, Mission rave
Sos-Drogue International Marseille, le Sleep'in (CAARUD Marseille) dont Equipe de Prox'
Professionnels de la prise en charge
Dr RIBAUTE Alain, CSST Villa Floréal, ELSA Hôpital nord
Dr ALBERTINI Christophe, CSST Corderie Intersecteur des pharmacodépendances
Dr BARTOLO Karine, Addiction sud
Dr BOULANGER Christophe, Addiction sud
FRAPPAS Mylène, DSP Ville de Marseille
FRAUGER Elisabeth, CEIP - OPPIDUM
LE BRUN Maëla, Bus 31/32
MONIER Sylvie, CSSD Baumettes
MORACCHINI Christophe, CEIP - OPPIDUM
NOEL Benoit, Villa Floréal
Dr ROQUE Brigitte, AMPTA
TIZI Djemila, CSST Corderie
TOMAS Sylvianne, Réseau Cannebière
Professionnels de l'application de la loi
Capitaine BABOLAT, Gendarmerie départementale
Lieutenant ROLLAND, Brigade des Stupéfiants
SANCHEZ Claude, formateur Police au CNFPT
RIPOLL Gérard, chef de la section Prévention Urbaine et Politique de la Ville, DDSP
Nous remercions ces personnes ainsi que les personnes usagères de produits
psychoactifs, rencontrées de façon formelle (en tant qu'observateur clé) ou
informelle, qui ont permis la rédaction de ce rapport.
Nous remercions l'équipe du CIRDD-PACA, Bernadette BAUDET, Béatrice BESSOU, Malika BURLES,
Anne FERENCZI, Isabelle ROBERT, Raphaële VERDIER.
Nous remercions pour les relectures
CADET TAÏROU Agnès, OFDT
GANDILHON Michel, OFDT
REYNAUD-MAURUPT Catherine, GRVS, Nice
Pr THIRION Xavier, CEIP, LSP Marseille
ZURBACH Etienne, CIRDD PACA
Tendances récentes émergentes et nouvelles drogues Marseille 2009 – juin 2010
I. Présentation du dispositif TREND Marseille 2010
Ce rapport présente les principaux résultats recueillis dans le cadre du dispositif Tendances
Récentes et Nouvelles Drogues (TREND) sur Marseille et sa région en 2009. TREND est un dispositif d'enquête annuelle conduit par l'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies depuis 1999, actuellement dans sept grandes villes en France.
Son objectif est de « fournir aux décideurs, professionnels et usagers, des éléments de connaissance
sur les tendances récentes liées aux usages, essentiellement illicites, de produits psychotropes et d'identifier d'éventuels phénomènes émergents. Ceux-ci recouvrent soit des phénomènes nouveaux, soit des phénomènes existants non détectés ou documentés par les systèmes d'observation en place. La mise à disposition précoce d'éléments de connaissance doit permettre aux différents acteurs (…) d'élaborer des réponses en terme de décisions publiques (et) d'activité » (CADET-TAIROU A., GANDILHON M., TOUFIK A., EVRARD I., 2008).
Pour ce faire, ce dispositif articule un recueil de données auprès de personnes utilisatrices de
substances psychoactives licites et illicites, et de professionnels du champ sanitaire et de réduction des risques, ainsi que du champ de l'application de la loi. Deux types d'espaces sont investigués : l'espace festif électro techno dont les participants sont, pour leur très grande majorité, en situation d'insertion sociale stable, et l'espace des structures bas seuil et de soins spécialisés qui accueille des personnes généralement – mais pas seulement – en situation de précarité et vulnérabilité sociale.
Se concentrant « sur des groupes de populations (plus consommateurs) de produits psychotropes
que la population générale d'âge équivalent », ces observations « ne peuvent être généralisées à l'ensemble de la population française » (OFDT, Tendances n°58). Néanmoins, elles permettent d'identifier les pratiques d'usage de produits, les prises de risques et conséquences liées à l'usage, et les situations sociales et sanitaires des utilisateurs, et de mettre au jour des évolutions éventuelles.
1. Les espaces étudiés
1.1 Espace urbain et espace festif
Concernant l'espace urbain, les données ont été recueillies dans les agglomérations marseillaise et
aixoise. Les personnes rencontrées sont des professionnels des CAARUD, des CSST, ainsi que des personnes fréquentant ces structures.
Concernant l'espace festif, ce sont des professionnels de CAARUD intervenant dans les évènements
festifs électro techno et/ou accueillant des participants à ces soirées dans leurs locaux, ainsi que des utilisateurs qui ont été rencontrés, fréquentant ou non ces CAARUD.
La distinction des utilisateurs entre espace urbain et espace festif et au sein de ces deux espaces
s'appuie sur leurs caractéristiques socio-démographiques, leur situation sociale et leurs usages des produits psychoactifs. Cependant, cette typologie ne prétend ni à l'exhaustivité, ni à la pérennité, et ne donne qu'une représentation figée des utilisateurs, ne rendant pas compte de l'évolution de leur pratique d'usage dans le temps.
1.2 L'expérimentation d'un élargissement du champ d'observation
La répétitivité du dispositif TREND constitue à la fois une force (recueil de données sur plusieurs années
et les mêmes profils d'usagers), mais suscite la lassitude des informateurs habituellement sollicités ou la
tentation d'attribuer un caractère de nouveauté à des phénomènes qui ne le sont pas et sur lesquels
l'observation ne s'était pas attardée jusqu'à présent. D'autre part, TREND n'observe pas des types
Tendances récentes émergentes et nouvelles drogues Marseille 2009 – juin 2010
d'usages et d'utilisateurs en dehors de ceux de l'espace festif techno et de ceux des structures spécialisées de RDR ou de soin. Aussi, en 2008, nous avions choisi d'élargir le champ d'observation selon trois modalités : un élargissement sociologique, en s'intéressant aux usages dans les quartiers populaires de Marseille, un élargissement géographique, en investiguant les usages dans les départements plus ruraux (Alpes de Haute Provence, Hautes Alpes, Var), enfin, un élargissement thématique en incluant dans le rapport les réflexions et questionnements dont les professionnels font part lors du recueil de données. Plusieurs éléments exposés dans le rapport justifiaient ces choix. En 2009, cet élargissement n'a pas été reproduit tel quel pour diverses raisons. D'une part, l'investissement supplémentaire en terme de temps que cela suppose, n'a pas permis de reconduire l'observation sur les zones rurales. D'autre part, le rythme d'évolution des usages et des usagers ne nécessite sans doute pas un recueil annuel mais plutôt bisannuel sur ce même espace. Par contre, l'observation sur les quartiers populaires étant à peine initiée et l'absence de données récentes au niveau local sur les usagers qui y résident invitaient à la prolonger. Enfin, cette année, les réflexions des professionnels ont été incluses dans le corps du texte, notamment à propos de la Ritaline® et des usagers présentant une pathologie psychiatrique.
2. Les outils de recueil des données
Le recours à différents outils de recueil permet de croiser les données et de s'adapter aux conditions
de faisabilité de l'enquête. Les responsables d'observation recueillent les données auprès des utilisateurs
et la coordinatrice auprès des professionnels des structures. Nous avons donc utilisé :
• Quatre notes ethnographiques semestrielles, deux dans chaque espace – festif et urbain
• Deux notes thématiques :
Les pratiques d'usage d'utilisateurs présentant des troubles ou pathologies psychiatriques de l'espace urbain
L'usage de produits psychoactifs chez les utilisateurs âgés de moins de 25 ans de l'espace festif
• le groupe focal sanitaire était constitué de professionnels de CSST, du CSSD Baumettes et d'un
CAARUD hospitalier, du CEIP de Marseille, ainsi de la Direction de la santé publique de la Ville de
Marseille.
• Le groupe focal application de la loi, organisé en décembre, a été annulé faute de participants. Trois
entretiens individuels ont donc été réalisés, avec un capitaine de gendarmerie, l'autre un lieutenant de la
brigade des stupéfiants, et le responsable de l'Unité de prévention de la DDSP.
• Quatre questionnaires qualitatifs auprès de CAARUD :
Protox – Addiction sud (Urbain, Marseille)
L'Elf (Urbain, Aix)
Le Tipi (Festif, Marseille)
Bus 31/32 (Festif, Marseille)
• Entretiens avec des travailleurs sociaux intervenant auprès des jeunes des quartiers populaires :
Responsable de l'association Réseaux 13 (13eardt.)
Educatrices de l'association ADDAP 13 (15e et 16e ardt.)
• Restitution des données TREND Marseille 2008, laquelle a donné lieu à des échanges riches entre
professionnels de CSST, du CEIP, et de la Ville de Marseille. Contrairement à l'année précédente, la
présence a été peu élevée ; ceci a été expliqué par la fatigue des professionnels et des associatifs, du fait
d'une charge de travail accrue sur le plan administratif et de l'accueil des usagers.
Tendances récentes émergentes et nouvelles drogues Marseille 2009 – juin 2010
Nous avons conduit une mission d'accompagnement à la mise en œuvre de projets de réduction des
risques sous forme de quatre ateliers de travail réunissant des professionnels de CAARUD. Cette
mission a été l'occasion de recueillir des données sur les usagers et les problématiques qu'ils rencontrent,
ainsi sur les usages de produits.
• Enfin, nous avons également intégré des données issues de conversations informelles avec des
utilisateurs et des intervenants associatifs et d'observations faites lors de la participation bénévole à des
actions de RDR conduites par la Mission RDR Méditerranée de Médecins du Monde.
Précision épistémologique
« Les données TREND rendent compte de discours ponctuels, divers et parfois contradictoires sur
l'usage et les usagers de substances psychoactives. Elles ne couvrent pas l'ensemble des discours, des interprétations et des faits » (CHATOT F., 2006). Les données présentées ne sont pas d'un statut égal en terme de fidélité au réel, entre celles rapportées par une ou deux personnes, celles constatées par plusieurs, par des usagers ou/et des professionnels.
En outre, les informations recueillies dépendent étroitement d'une part, du réseau d'informateurs
mobilisé par les responsables d'observation, celui-ci n'étant pas toujours représentatif de la diversité des utilisateurs et des usages, et, d'autre part, du réseau relationnel, de l'ancienneté dans la fréquentation d'un espace, des pratiques d'usage et de la subjectivité des informateurs rencontrés.
De plus, comme d'autres discours sur d'autres pratiques, les discours des utilisateurs sont ‘habités' de
représentations et de ressentis modifiant la réalité, comme peuvent le faire les miroirs magiques. Ils sont aussi traversés par des processus de transfert et contre transferts entre l'observateur et l'informateur qui influent sur le type, le contenu et la ‘coloration' des données.
Il reste que ces données ont un intérêt heuristique dans la compréhension des usages de substances
psychoactives, des prises de risques liées à ces usages et de leurs évolutions. La méthodologie sur laquelle repose TREND (constance dans les thèmes et les espaces observés, séparation et croisement des différentes sources de recueil) permet une continuité dans l'observation, l'évaluation de la marge de généralisation des données et le repérage de tendances émergentes.
Tendances récentes émergentes et nouvelles drogues Marseille 2009 – juin 2010
II. Synthèse : les faits marquants et/ou
émergents en 2009
1. Les observations dans l'espace urbain
Nous repérons les mêmes profils d'usagers qu'en 2008 : « les flamboyants », les injecteurs
stabilisés, les injecteurs de tous produits, « la triste génération », les jeunes errants, les jeunes en situation de risque de bascule, les étrangers. On assisterait à des processus de précarisation chez des anciens injecteurs stabilisés qui ont perdu la maîtrise de leur usage de cocaïne ou de Ritaline®. Il est observé une diversification des profils socio économiques des usagers venant faire une demande de sevrage aux opiacés, l'arrivée d'usagers problématiques de cocaïne issus de quartiers populaires (jusqu'alors il s'agissait d'usagers issus de milieux plus aisés). La mise à disposition de kit crack permet de repérer trois profils d'usagers : des usagers de l'espace festif, insérés ou précarisés, des injecteurs qui ne peuvent plus injecter, et des non injecteurs initiés à cette pratique en prison. Ont été évoqués plusieurs fois les mineurs étrangers isolés, usagers de cannabis et de benzodiazépines. Les personnes présentant des pathologies psychiatriques ou une souffrance psychique seraient de plus en plus nombreuses dans les files actives des structures spécialisées. Chez ces usagers, on peut repérer trois logiques dans l'usage de produits illicites et de médicaments, pouvant se superposer :
usage d'un produit qui ‘substitue' un produit les ayant rendu dépendant (héroïne, cocaïne),
usage pour contenir des angoisses liées à des hallucinations et un sentiment de persécution,
usage pour se désimpliquer affectivement et psychiquement de problèmes affectifs et de difficultés relationnelles – généralement avec des proches.
Ainsi, chez ces usagers, l'usage de substances illicites ou l'abus de substances médicamenteuses serait généralement lié à l'absence ou à l'insuffisance de prise en charge psychologique ou psychiatrique. Cette finalité d'automédication éclaire sous un autre jour les observations faites en 2008 de personnes se retrouvant dans un état apathique et de stupéfaction : celui-ci peut être induit par des prises abusives de médicaments qui ne reflètent pas nécessairement la prescription médicale. Quant aux représentations des benzodiazépines, elles se situent dans une zone où s'interpénètrent le champ thérapeutique et celui de l'usage à des fins de « défonce ». Ces représentations s'enchâssent aussi vraisemblablement à la fois dans l'impossibilité pour la personne de nommer sa souffrance et/ou pathologie et dans une stratégie identitaire de rester « toxicomane » plutôt que devenir « fou ». Or, la reconnaissance médicale des troubles et de la souffrance à partir d'un double diagnostic (et non d'un diagnostic privilégiant soit l'usage, soit la santé mentale) se traduirait inversement par une diminution progressive des prises de produits illicites ou médicamenteux à des fins de défonce. Enfin, la présence policière dans le centre ville et la crainte d'une interpellation qui en découle aurait plusieurs effets : un éloignement des lieux de consommation du centre ville et donc des structures spécialisées, l'abandon plus fréquent des seringues sur la voie publique, y compris celles non utilisées. Il a également été souligné que la fermeture des squats, espaces de consommations de drogues, est aussi une fermeture d'espaces relais dans la mise en oeuvre de la politique de réduction des risques, dans la mesure où s'y mettent en place des programmes d'échange de seringues (PES) in situ et autogérés par les occupants du lieu.
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2. Les observations dans l'espace festif
Les pratiques d'usage dans l'espace festif se caractérisent par leur régulation relative aux autres
sphères de la vie quotidienne et sociale, une pratique de polyconsommation plus ou moins étendue (panel de produits utilisés) et plus ou moins fréquente, et la prédominance de la voie nasale pour la prise de produits (ce qui, selon nous, n'était pas le cas dans les années 90). L'espace festif représente un lieu d'accès au matériel d'injection stérile pour les personnes vivant dans des régions où cet accès est difficile (éloignement, risque de stigmatisation) ou vivant à proximité de structures fournissant ce matériel mais qui craignent d'être repérées comme pratiquant l'injection. Pour les personnes qui ne fréquentent pas les structures de réduction des risques, il représente aussi un lieu de sensibilisation aux risques de transmission du VHC et du VIH et de mise à disposition gratuite de matériel d'inhalation et de préservatifs. En terme de tendances, le rajeunissement et la féminisation du public par rapport aux années 90 se confirment. Les usagers de l'espace festif ne sont ici pas catégorisés, contrairement à ceux de l'espace urbain – deux typologies complémentaires sont proposées par l'OFDT (COSTES J-M (dir.), 2010). Nous pourrions réaliser cette catégorisation en ajoutant aux critères proposés en 2008 - la période socio historique de socialisation à l'usage et le contexte festif privilégié – ceux de l'étendue de la pratique de polyconsommation, des voies d'administration utilisées et de la fréquence d'usage. Néanmoins, le rajeunissement des participants n'est pas nécessairement synonyme d'amplification des prises de risques. La présence de personnes de 15-16 ans ne dit rien d'un rajeunissement de l'expérimentation des produits et du polyusage. Les usagers les plus jeunes rencontrés ont entre 17 et 21 ans et leurs modalités d'usage de produits sont similaires à celles des plus âgés. Leur usage se caractérise par le noviciat dans l'expérience et une logique d'expérimentation de soi et du rapport au monde - avec laquelle les plus âgés se sont distanciés. Ceci se donne à voir dans un discours de justification de la pratique peu élaboré de recherche de « défonce », car encore peu socialisés par leurs pairs aux signifiants culturels de l'usage, et dans leur difficulté à maîtriser les dosages et les effets, faute d'avoir acquis suffisamment de connaissances sur les produits et leurs réactions. Comme dans les générations précédentes et chez leurs pairs plus âgés, les jeunes usagers (moins de 25 ans) ayant un rapport problématique aux produits ne représenteraient qu'une infime minorité. Néanmoins, il nous semble que la situation de grande précarité de certains d'entre eux représente, pour le coup, un phénomène nouveau des dernières années de cette décennie : jusqu'alors, les usagers problématiques et en grande précarité étaient généralement plus âgés.
3. Les observations dans les quartiers ‘populaires'
Au niveau du contexte d'usage, il est souligné la dégradation de la situation socio économique
d'un nombre croissant de familles, notamment les familles monoparentales, et, chez une partie des jeunes habitants (13-25 ans), une difficulté de la projection dans le réel et d'élaboration de la limite. Parmi eux, beaucoup souffrent ou ont souffert de l'absence, de la négligence, du manque de respect, voire de violences de la part d'adultes. Pour la plupart, l'école ne se représente plus un outil d'insertion socio professionnelle et d'épanouissement personnel, mais une source de souffrance et de mésestime de soi. La disqualification sociale des quartiers où ils vivent participe également de cette mésestime et de l'intériorisation d'une sorte de stigmate de l'incapacité à s'insérer socialement. Nombre d'entre eux perçoivent l'existence à travers un prisme de la précarité socio économique et existentielle qui prive de sens l'élaboration d'un projet de vie. Parmi les facteurs associés à l'entrée dans la revente de produits illicites et/ou leur usage, est également identifié l'exposition à un ensemble de pressions et de prescriptions sociales qui font obstacle à la réalisation de projets personnels et favorise le passage à l'acte déviant.
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L'usage de cannabis « concerne principalement des jeunes hommes âgés entre 16 et 30 ans, et, dans une moindre mesure, des femmes, des adolescents (13-15 ans) et des hommes de plus de 30 ans ». Différents profils d'usagers se distinguent selon les fréquences et temporalités d'usage, et le fait d'associer ou non d'autres produits : alcool principalement, et depuis quelques temps, cocaïne. Dans certains quartiers, les jeunes consommateurs (14-16 ans) représenteraient la minorité la plus fragile des gens de cet âge ; dans d'autres, plus paupérisés, ils représenteraient une majorité. Parmi ceux qui ont un usage quotidien, certains ne mesurent plus l'altération de leurs capacités physiques et mentales induite. Comme en 2008, les informateurs évoquent un rajeunissement de l'âge d'expérimentation et de l'usage régulier chez certains jeunes déscolarisés (et de l'âge des vendeurs), qui n'apparaît pas dans ESCAPAD. Néanmoins l'hypothèse peut être faite d'un phénomène restreint aux quartiers paupérisés de Marseille, corrélé, entre autres, à un phénomène de décrochage scolaire particulièrement important dans les Bouches du Rhône et, en l'occurrence, à Marseille. Enfin, la consommation d'alcool, surtout de bière, mais aussi, chez les plus jeunes, d'alcools forts, parfois associés à des energy drink augmenterait, principalement chez des hommes. Le développement, ces dernières années, de la vente de cocaïne aux côtés du cannabis dans certains réseaux, se traduit par une expansion de son usage dans ces quartiers, qui reste limitée du fait de sa perception « comme beaucoup plus mortifère et risqué en terme de marginalisation sociale ». Là encore, sont repérés trois profils d'usagers : des personnes âgées entre 20 et 35 ans, insérées socialement et qui en ont un usage festif ; des personnes souvent plus jeunes, impliquées dans le trafic de cannabis et, parfois, de cocaïne ; des personnes rencontrées dans les structures bas seuil du centre ville. La consommation de cocaïne chez les plus jeunes (16-18 ans) sans activité professionnelle pose toutefois plusieurs questions. Une caractéristique de l'usage dans les quartiers populaires est le fait que nombre d'usagers sont dépourvus de référents symboliques, culturels ou personnels, mais également de projet et d'activités sociales qui permettent de donner sens à l'usage et à sa maîtrise. En outre, ces usagers sont rarement en contact avec des acteurs spécialisés dans la réduction des risques liés à l'usage. De fait, leur perception des risques s'élabore plus dans les interactions entre pairs, dans l'observation d'usagers plus âgés et/ou d'autres espaces de consommation (quartiers du centre ville, raves), et dans ce que leur donnent à voir les médias, que sur la base d'informations objectivées. Toutefois, le fait que le « travail » soit distingué du « charbon » (trafic) et que les jeunes parlent rarement de leur usage illustrent sans doute le conflit de valeurs qu'ils génèrent.
4. Les observations sur les produits
En espace urbain, si la disponibilité de l'héroïne reste réduite, des indicateurs font supposer sa
légère augmentation. Elle reste consommée dans des cercles restreints, notamment dans les squats. En espace festif, son usage serait plus visible, concernant différents profils socio économiques, mais son approvisionnement se ferait en ville. Sa perception varie selon les générations des usagers. Concernant le Subutex®, sont distingués différents profils d'usagers selon leur observance du cadre de prescription, la finalité de leur usage et la place de ce produit dans la trajectoire d'usage. L'enquête Subazur de l'ORS PACA permet de mieux comprendre les pratiques d'injection et de sniffing de ce traitement en repérant les facteurs associés. Quant à la méthadone, aux côtés des usagers ‘habituels', on voit apparaître des usagers plus jeunes, insérés socialement et sans difficultés majeures. Généralement, ceux qui sont maintenus avec le galénique sirop sont les plus fragiles et dans les situations les plus précaires, et ont des comorbidités psychiatriques. La méthadone sèche est perçue comme un gain en terme de confort de vie et le symbole d'un passage à une autre étape dans le traitement et d'une autonomisation par rapport à la structure ; le passage à la forme sèche est valorisant pour les personnes. Il est rapporté quelques cas d'usage en sniff.
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Depuis trois ans, le trafic de cocaïne se développe beaucoup dans les quartiers paupérisés, même s'il ne concerne pas tous les réseaux. Ce qui implique un développement de sa consommation en sniff chez ses vendeurs. Dans l'espace festif commercial, elle est devenue le principal produit après l'alcool - dans l'espace alternatif ce n'est pas le cas. Les témoignages de ressenti du craving sont plus nombreux qu'auparavant dans l'espace alternatif ; des professionnels de santé constatent l'arrivée dans leurs services de consommateurs insérés qui fréquentent l'espace festif commercial. La pratique du free base concerne généralement des teufers précarisés et des punks de plus de 30 ans, plus rarement des teufers bien insérés socialement. A propos de son expansion, les avis divergent ; d'autant qu'il s'agit souvent d'une consommation occasionnelle ou cyclique et qui reste perçue comme très addictogène. La disponibilité de l'ecstasy (comprimé) et du MDMA (poudre ou cristal) a été particulièrement aléatoire cette année. La forme poudre est plus disponible ; mais cela varie selon les soirées. Les ecstasy « bien dosés » seraient encore présents mais rares. Le prix des amphétamines aurait légèrement augmenté depuis deux ans et la qualité est perçue comme se dégradant, et aussi aléatoire que celle de la cocaïne. Le mélange speed/ kétamine est observé chez des jeunes usagers. La métamphétamine est perçue comme une amphétamine plus forte mais non comme un produit spécifique. Les prix de la kétamine auraient augmenté par rapport à quelques années en arrière. En même temps, la présence de produits de coupe serait plus fréquente et plus importante, ceci étant déduit de la grande variabilité de l'intensité des effets à quantité égale. Si le noyau dur des usagers reste ceux de l'espace festif alternatif, son usage s'étendrait à des personnes, en insertion ou en précarité, qui ne le fréquentent. Selon le TIPI, si « tout le monde en parle, tout le monde n'en prend pas, ni dans les mêmes proportions ». Quant à la perception des risques, « il y a toujours des gens qui s'effraient de l'état dans lequel ça peut mettre à certaines doses » ; et, d'autre part, le coma est tellement fréquemment vécu ou observé qu'il n'est pas perçu comme un risque. Suite à la mise en place d'un contrôle de la CPCAM, la disponibilité de Ritaline® aurait fortement baissé. OPPIDUM 2009 souligne que l'usage de ce médicament reste un phénomène local, et met en exergue qu'il concerne les usagers les plus précarisés. Chez les personnes les plus consommatrices, associé à une nutrition et un sommeil insuffisants, il induit à la fois une grande faiblesse physique et une hyperactivité psychique. Dans l'espace urbain, l'alcool reste parmi les produits qui préoccupent le plus les professionnels avec le Subutex®, la Ritaline® et l'Artane®. Les plus grandes consommations s'observeraient souvent chez des personnes ayant des problèmes psychiatriques. Dans l'espace urbain, le cannabis est plus considéré comme un extra que comme un « vrai produit » par certains ; pour d'autres, il est fumé comme on fume des cigarettes. Dans les quartiers du nord est de Marseille, l'usage serait plus visible qu'auparavant ; plusieurs profils sont distingués. Cet usage peut être un facteur d'intégration mais facteur d'exclusion du groupe de pairs. Quant aux produits rares, le 2-CB (vendu comme tel) a été particulièrement disponible pendant une courte période pour des usagers de l'espace festif alternatif et commercial. Auraient également été disponibles, du méthylone et de la MDEA. La McPP est parfois encore vendue, comme ecstasy.
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III. Approche transversale des usages de
substances psychoactives
1. Les usages dans l'espace urbain
1.1 Les usagers
Dans la mesure où les caractéristiques des usagers qui fréquentent les structures dites ‘bas seuil'
ont peu évolué depuis 2008, nous reprenons la description que nous en faisions. Nous distinguions alors trois profils socio économiques – très grande précarité, précarité, situation sociale stable (HOAREAU E., 2009). L'enquête nationale sur les CAARUD (OFDT, Enquête ENa-CAARUD 2008) objective cette distinction à partir du croisement de cinq variables : logement, revenus et ressources, couverture sociale, situation professionnelle, situation scolaire. Ainsi, on peut distinguer chez les personnes enquêtées dans le cadre de l'activité des CAARUD : 22,9% en situation « non précaire », 41,6% en situation de « précarité modérée » et 35,4% en situation de « précarité forte ». On note que les femmes sont généralement dans des situations plus précaires puisqu'elles sont moins nombreuses à être en situation non précaire (20,8% vs 23,5% des hommes) et plus nombreuses à être en situation de précarité forte (43,2% vs 33,4% des hommes). D'autre part, nous proposions en 2008 de croiser trois paramètres permettant de distinguer les profils d'usagers : caractéristiques socio démographiques, caractéristiques des pratiques d'usage, et génération en terme de période de socialisation à l'usage (contexte socio historique et marché des produits). Nous repérions ainsi sept profils (HOAREAU E., 2009) : « les flamboyants »1, les injecteurs stabilisés ou en cours de stabilisation, les injecteurs de tous produits, « la triste2 génération », les jeunes errants, les jeunes en situation de risque de bascule (du fait d'une consommation élevée et quotidienne et d'une relative précarité), les étrangers. Les trois premiers profils d'usagers représentent la majorité des files actives des structures de première ligne. Enfin, les acteurs de RDR sont également revenus sur les conséquences sanitaires et les stratégies mises en œuvre par les personnes en situation de grande précarité pour bénéficier d'une prise en charge hospitalière, de type somatique ou psychiatrique. Les décès ne sont ainsi pas seulement liés à des pathologies non soignées, notamment le VHC, mais à une fragilisation physique accrue due à la dénutrition, au froid, à un mode de vie irrégulier et à la rue. Outre l'induction d'états de décompensation par des prises massives de produits (HOAREAU E., 2009), les mutilations et les tentatives de suicide font partie des stratégies pour accéder aux services de soins et à un hébergement.
1.2 Les pratiques d'usage chez les personnes présentant une
pathologie psychiatrique
Il s'agit ici de poursuivre les observations que faisaient certains professionnels de la RDR et du
soin spécialisé en 2008 quant à des pratiques de prescription, de la part de certains médecins, perçues comme incompréhensibles et inadaptées aux besoins de certains patients. La restitution du rapport TREND 2008 a en effet suscité de nombreuses réactions de la part des professionnels venant compléter,
1 Le terme de « flamboyants » utilisé par le Sleep'in exprime qu'ils ont survécu malgré tout aux produits, à la vie à la rue, à la malnutrition, aux manque de soins, aux hépatites.
2 « Triste », également utilisé par le Sleep'in, décrit une génération qui n'a pas connu les sensations particulières induites par les opiacés et a du « se contenter » des médicaments dans un contexte de baisse de disponibilité de l'héroïne en fin des années 90
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relativiser et complexifier les premières observations. Des entretiens individuels auprès de patients reçus par le CSST Puget Corderie (Intersecteur des pharmacodépendances) ont également été conduits. En termes de tendances, d'une part, les professionnels des structures du soin spécialisé observent une augmentation des patients de leur file active présentant des pathologies psychiatriques. D'autre part, ces constats semblent alimenter un renouvellement de la réflexion des professionnels sur la prise en charge de personnes usagères de substances psychoactives et présentant une pathologie psychiatrique, et sur le travail partenarial entre structures de soins spécialisés en addictologie et services de soins psychiatriques.
1.2.1 Trajectoires des usages de produits psychoactifs pour les
personnes présentant des troubles psychiatriques
Cette investigation a été conduite par la responsable d'observation auprès de patients reçus par le
CSST Puget Corderie, rattaché à l'hôpital psychiatrique d'Edouard Toulouse, et qui reçoivent à la fois un TSO et un traitement pour des troubles ou une pathologie psychiatrique. L'axe de cette investigation était de « déterminer si, malgré les 2 traitements intégrés (TSO + traitement psychiatrique), il y avait toujours consommation d'autres substances ; si oui, lesquelles et pourquoi d'après la personne usagère ». Les citations d'usagers sont issues de ce travail.
Cinq personnes ont été rencontrées : une femme et quatre hommes, âgés d'une quarantaine d'années sauf une (36 ans). Elles ont ou ont eu des difficultés familiales majeures et/ ou des parcours de vie difficiles dans l'enfance (vie en foyer, parents inconnus, pathologies lourdes ou deuils violents dans la fratrie, difficultés relationnelles et conflits familiaux de l'ordre du harcèlement ou du rejet). Tous ont été incarcérés à un moment ou à un autre, certains avec de lourdes peines. Il s'agit d'anciens usagers d'héroïne et/ou de cocaïne, qui en ont cessé un usage addictif. Les périodes de consommation cumulées excédent plusieurs années. Les parcours d'arrêt et de rechute sont variables. Ils expliquent leur entrée dans la pratique d'usage sous plusieurs angles : une dynamique imitative de l'entourage déjà consommateur, une logique de performance dans l'activité professionnelle, des difficultés affectives et relationnelles - les produits « permettent de tout supporter » : le conflit et l'affrontement ou le deuil et la douleur. Ils suivent actuellement un traitement de substitution : trois avec Méthadone, deux avec Subutex®. Ils ont également un traitement neuro-psychiatrique, qui comporte des anti-psychotiques (trois personnes sur cinq) et des sédatifs (tous). Tous, en plus de leur traitement prescrit, absorbent d'autres substances régulièrement. Trois consomment essentiellement de l'alcool de manière addictive. Deux prennent des benzodiazépines (Rivotril® et Séresta® 50 essentiellement) ; ceux-là ont arrêté le « rup » (Rohypnol®) devenu plus difficile à se procurer, et associé à la défonce. Certains consomment occasionnellement des produits récréatifs (cocaïne ou cannabis). Ces personnes expliquent la poursuite d'une consommation hors prescription selon trois axes :
ils ont développé une addiction à un produit et ont du mal à contenir leur envie d'en reprendre, ils développent un usage de remplacement d'un produit par un autre perçu peut être comme moins dangereux « tu consommes de l'alcool pour t'enlever l'envie de l'héroïne » ;
l'usage permet de contenir des angoisses liées à un sentiment de persécution qui est alimenté et se traduit par des hallucinations auditives. Deux personnes parlent des voix qu'elles entendent : celles-ci peuvent être étrangères et venir de l'environnement physique, ou familières et naître dans la tête, sans que la personne parvienne à y associer un visage connu. « J'ai peur de mes voisins, c'est pour ça que j'ai besoin d'être avec quelqu'un : je les entends dans ma chambre, ils parlent et j'entends leurs voix menaçantes à travers le mur, ou des fois à travers les canalisations (…) Une fois j'ai fait une crise, je suis tombée contre la porte de ma chambre et je suis restée là je ne sais pas combien de temps ; quand je me suis réveillée, j'étais très mal, j'ai pris des rivo pour me calmer » ; « J'entends cette voix familière mais sans visage, et je continue à me parler seul et je me sens angoissé, alors je bois et je sur-consomme le sub ». Ces deux personnes
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questionnent en même temps la réalité de ces voix, « n'empêche que je les entends » et la peur qu'elles induisent est insupportable.
les produits aident les personnes à mettre à distance des problèmes souvent affectifs et relationnels, à s'en désimpliquer affectivement et psychiquement, en quelques sortes, parce qu'elles n'arrivent pas à les gérer et à contenir le mal être et l'anxiété qu'ils induisent : « quand trop de problèmes tu consommes pour oublier ». Cette anxiété liée à un évènement affectif (trop) fort peut également induire des hallucinations auditives : « j'ai compris qu'il y avait vraiment un problème quand en 2006, après une dispute violente avec mes 2 frères, j'avais l'impression de me battre à 4 et qu'après je me suis rendu compte que j'étais tout seul (…) J'entends cette voix familière mais sans visage (…) je me sens angoissé, alors je bois et je sur-consomme le sub ».
Dans les deux derniers cas, la consommation de Rivotril® et du Subutex® associé à une prise d'alcool s'inscrit dans un moment d'angoisse insupportable induite par des troubles (anxiété) ou une pathologie psychiatrique (souvent la schizophrénie) non soignés et face auxquels la personne se sent complètement démunie. A l'inverse, la prise en charge adéquate de ces troubles ou/et pathologie favoriserait une réduction voire un arrêt des prises de produits et/ou médicaments hors AMM ou de façon abusive. Un des interviewés note que s'il consomme encore des benzodiazépines, son traitement Abilify®3 s'est accompagné d'une diminution considérable de ses consommations ; par exemple, il est passé de trois paquets de cigarettes par jour à un seul et envisage un arrêt total du tabac. De même, il prend pratiquement les doses prescrites de ses médicaments avec de rares excès. D'après lui, le médicament a fait baisser la sensation de manque et d'énervement. Il semble également avoir réduit un sentiment de mal être et/ou de désarroi : avant sa mise sous traitement, l'homme a fait une tentative de suicide au Valium® après le suicide de sa sœur. Ainsi, ce témoignage « suggère que le ré-équilibrage des troubles antérieurs a permis un quasi arrêt des produits hors prescription, et que la surconsommation antérieure était investie comme une auto-médication d'angoisses » et/ou d'un mal être (devenu) ingérable pour la personne. Il apparaît donc que la prise de médicaments hors AMM ou l'association de produits psychoactifs à un traitement psychiatrique aurait une finalité d'automédication chez des personnes dont la pathologie psychiatrique et la souffrance psychique et/ou affective ne sont pas prises en charge ou ne le sont pas assez. « Les personnes rencontrées ne sont pas suffisamment outillées (psychologiquement) pour affronter les problèmes relationnels, notamment les conflits » et les souffrances affectives, apparemment souvent d'origine intrafamiliale, qu'ils induisent. Pour ces personnes, la prise de substances permet de vivre avec des conflits affectifs et/ou d'altérer la perception des symptômes d'une pathologie psychique, en atténuant leur ressenti. L'association de produits ou l'abus de médicaments prescrits aide ainsi à « retrouver une paix intérieure ».
1.2.2 Des prescriptions plus fréquentes de neuroleptiques
Les psychiatres rencontrés dans le cadre du recueil de données parlent d'une tendance à
prescrire de plus en plus souvent des neuroleptiques, corroborant ainsi les constats que faisaient les professionnels de RDR en 2008. Une psychiatre souligne que les neuroleptiques de seconde génération « tassent » moins les personnes ; par contre, le fait que certaines se retrouvent dans un état d'apathie physique et intellectuelle est généralement dû à la difficulté de trouver le dosage qui convienne à la personne. D'après elle, cette apathie ne s'observe qu'en début du traitement, le temps de trouver le bon dosage pour la personne, qui la stabilise sans l'inhiber et lui évite de consommer des médicaments ou des produits pour ne pas être mal. Elle invite les acteurs RDR à faire retour lorsqu'ils observent de tels états chez les usagers afin d'accélérer l'administration du bon dosage ; invitation à laquelle répondent les acteurs RDR qu'il est rare, lorsqu'ils font ce retour, que les médecins acceptent de recevoir l'avis d'une personne qui n'est pas du corps médical.
3 A partir de d'une molécule d'aripiprazole, classe des neuroleptiques, traitement de la schizophrénie et des troubles bipolaires
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Cette tendance accrue à la prescription de neuroleptiques n'est pas tant expliquée par un changement de paradigme dans l'appréhension des pathologies mentales et/ou par une stratégie de contrôle social de personnes dont la situation de grande précarité induirait une colère ou une détresse difficile à contenir par le personnel soignant (HOAREAU E., 2009). Il est aussi question des conditions de prise en charge des personnes et de l'évolution des profils cliniques des patients. D'une part, le nombre de patients ayant des troubles psychiatriques a tendance, lui aussi, à augmenter. L'augmentation de la prévalence de problèmes psychiatriques chez les usagers de TSO, en lien avec la dégradation socio économique des conditions de vie, est ainsi considérée comme un phénomène nouveau. D'autre part, est mis en avant, au moins dans un hôpital, l'absence de formation psychiatrique du personnel infirmier et le nombre de patients par professionnel – ou, dit autrement, l'importance numérique des équipes. Ainsi, lors d'une hospitalisation il serait difficile d'obtenir des informations sur l'état d'une personne, non seulement car il est difficile de trouver le professionnel qui connaît la personne mais aussi qui, en outre, a eu le temps de l'observer et de discuter avec elle. Ceci aboutit à une insuffisance du travail relationnel et à une réduction de la relation thérapeutique à l'administration de médicaments. En outre, les personnes seraient d'autant plus en crise à leur arrivée, que sa prise en charge serait médicamenteuse et qu'il y aurait peu de travail thérapeutique.
1.2.3 Notion de prescription inappropriée et question du double
diagnostic
Quelle soit recevable ou non, la notion de prescription inadaptée ou abusive de médicaments
psychotropes et de neuroleptiques a au moins eu le mérite de stimuler les échanges entre professionnels quant à cette dimension de la prise en charge d'une partie des personnes usagères de drogues. L'existence de prescriptions inappropriées aux besoins des patients dans le cadre de prise en charge hospitalière ou en médecine de ville est reconnue par des acteurs du soin comme de la RDR. Par exemple, une psychiatre se sent « désemparée » face à des confrères qui prescrivent encore des neuroleptiques de première génération qui inhibent plus l'activité physique et psychique, sans que les besoins thérapeutiques de la personne justifient leur administration. Elle s'étonne également que le Rivotril® soit toujours prescrit alors qu'il n'a pas d'indication psychiatrique. Pour réduire les risques de surconsommation et d'association, le service dans lequel elle travaille a ainsi mis en place un partenariat avec certaines pharmacies. Ainsi, lorsqu'une ordonnance contient un trop grand nombre de substances et/ou dont les effets peuvent interférer avec les autres usages du patient, un signalement est fait à la pharmacie ; inversement lorsque la pharmacie est surprise par le contenu d'une ordonnance, elle alerte le centre de soin (réduction de la quantité et/ou de la variété des médicaments). Toutefois, ces pratiques prescriptives restent difficiles à estimer en termes de nombre de praticiens concernés. En outre, il n'y a pas de lien particulier remarqué entre ces prescriptions et l'usage de drogues de personnes, remettant ainsi en cause l'hypothèse d'une stratégie de contrôle social des conduites dans un contexte d'effectifs insuffisants dans les services psychiatriques – bien que ce contexte soit réel4. Elles concernent toujours des personnes ayant de réelles pathologies psychiatriques et qui sont souvent dans une situation d'exclusion et de grande pauvreté, donc de détresse et d'anxiété. D'autre part, ces prescriptions doivent être considérées comme une avancée dans la prise en charge des usagers dans la mesure où il y aurait une meilleure prise en compte de la pathologie psychiatrique de ces patients par rapport aux années précédentes. Il arrive cependant encore qu'un intervenant de RDR essuie un refus de
4 « Il existe déjà dans les hôpitaux français plus de 1 000 postes de psychiatres vacants, des milliers de postes d'infirmiers et d'infirmières non occupés, et on en supprime dans certains services. Il n'est pas rare dans les services de psychiatrie de maintenir en chambre d'isolement des patients plus que nécessaire, faute de personnel suffisant pour les encadrer, en opposition à toutes les règles de soins et éthiques », La Croix, « Pas une semaine sans que l'on parle, sous une forme ou une autre, de psychiatrie », 29 mars 2010.
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prise en charge psychiatrique pour un usager ; les troubles psychiatriques de ce dernier sont expliqués par « la toxicomanie ». De plus, la tendance à une prescription plus fréquente de neuroleptiques retard concerne surtout les patients connus depuis longtemps et elle est mise en relation avec le vieillissement des usagers de drogues qui accroîtrait les risques d'apparition d'une psychose. Enfin, selon une psychiatre, les pratiques de prescriptions abusives au regard des besoins des patients seraient plutôt de moins en moins fréquentes du fait des contrôles de la sécurité sociale par les médecins conseil. Ces observations conduisent à questionner le double diagnostic de comorbidité, de trouble psychiatrique et d'usage de drogues, qui, selon certains acteurs, est parfois posé un peu trop rapidement. Les usagers seraient plutôt conscients de la relation qui existe entre leur usage de produits et leur pathologie psychiatrique (fonction d'automédication). Par contre, les professionnels auraient tendance à choisir entre l'un ou l'autre symptôme au lien d'établir un traitement prenant en compte cette relation entre abus de médicaments et souffrance psychique. Ils décideraient de traiter la comorbidité soit sous l'angle de la pathologie psychiatrique (prescription de médicaments) sans considérer ou en décidant de traiter dans un second temps la pratique d'usage problématique. Soit ils la traitent sous l'angle de la pratique d'usage (prescription de TSO) en considérant que la souffrance ou la pathologie psychiatrique est induite par la pratique d'usage. Dans les deux cas, le traitement ne correspond pas tout à fait à la situation de dépendance au(x) produit(s) de la personne ni à sa souffrance ou pathologie mentale ; il est donc probable que la personne mésuse du traitement pour automédiquer l'une ou l'autre problématique. Dans le second cas, il n'y a en outre généralement pas d'attention de type RDR sur les risques pris par la personne dans l'usage et les pratiques sexuelles. Ceci laisse supposer que les états de « zombie » décrits l'an dernier ne sont pas seulement induits par les pratiques prescriptives, mais peuvent l'être également par des prises de médicaments supérieures aux doses prescrites et/ou associées à d'autres produits. En l'occurrence, des symptômes « de somnolence, d'apathie et de ralentissement des réflexes (peuvent se manifester) chez des usagers d'anxiolytiques » (RICHARD D., SENON J.L., 1999) – soit les symptômes décrits par les professionnels pour décrier l'état de « zombie » de certains usagers. Par contre, il est remarqué que l'observance d'un type de traitement et la stabilisation psychique qu'il induit favorise l'observance de l'autre traitement. Le Bus 31/32 montre ainsi l'intérêt d'une co-prise en charge psychiatrique sur le bus : les personnes reçoivent leur traitement de substitution et leur traitement psychiatrique le même jour, l'observance de l'un et l'autre se renforcent mutuellement.
1.2.4 Représentations des médicaments, stratégie identitaire, et
vécus antérieurs de l'institution psychiatrique
Par rapport aux neuroleptiques où le risque de détournement serait faible, la question de l'usage
de benzodiazépines est plus délicate. D'une part, il existe un risque d'accident, létal ou psychotique, lié à l'abus et à la polyconsommation de benzodiazépines. D'autre part, comme le Subutex®, autant elles sont prescrites dans une visée thérapeutique et autant elles font partie des substances consommées à finalité de ‘défonce'. Elles se situent dans une zone de représentations où s'interpénètrent le champ thérapeutique et le champ de l'usage de drogues. Cette confusion des champs de référence chez les usagers est alimentée en pratique par la prescription de benzodiazépines par certains médecins qui savent que le patient peut en abuser alors que ce patient sait que le médecin connaît ce risque d'abus. Ces représentations des médicaments s'enchâssent vraisemblablement aussi non seulement dans une situation de défaut de prise en charge de type psychiatrique ou psychologique de pathologies ou de souffrances, qui permettrait à la personne de nommer celle-ci, et de modifier sa conduite en conséquence. Elles s'enchâssent aussi dans une stratégie identitaire de rester « toxicomane » plutôt que devenir « fou ». Le stigmate de la folie serait encore perçu comme moins enviable que celui de la toxicomanie qui contient un signifiant implicite de mise à distance des valeurs et normes dominantes (CASTEL R. et al., 1999) et d'initié à un mode de vie à part. En tous cas, alors que la toxicomanie renvoie à une activité du sujet en lien avec son environnement, la folie exprime une situation subie et de perte d'autonomie. La réticence de certains usagers de drogues à bénéficier d'une prise en charge psychiatrique n'est pas seulement liée à cette opposition entre registre pathologique et registre déviant, mais également à une
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appréhension de la rencontre avec l'institution psychiatrique. Selon une psychiatre de CSST, ils ne sont pas tant dans une position de refus de se soigner que dans la méconnaissance et l'incompréhension du dispositif de soin et de l'intérêt d'y entrer, surtout s'ils ont eu des expériences antérieures dont ils ont parfois plus souffert que retiré des bénéfices thérapeutiques. Par contre, une fois prises en charge, les personnes ont le sentiment que leurs troubles sont reconnus et cette reconnaissance, ainsi que les effets propres des médicaments, ont pour effet de les apaiser. Selon la psychiatre, alors que les usages de produits, notamment les psychostimulants (Ritaline®, cocaïne), tendent à renforcer « l'identité pour soi » comme toxicomane et à ‘alimenter' les troubles psychiques ; le bien être ressenti et la nomination médicale des troubles se traduiraient inversement par une diminution progressive des prises de produits psychotropes à des fins de défonce. Ainsi, elle observe également que lorsque la psychose est bien traitée, la personne sort d'une « représentation de soi comme une proie » et cesse le TSO. La prise en charge adéquate de leur souffrance psychique et le bien être qu'ils en retirent leur permettent aussi de ré-envisager comme possible leur place dans l'espace social. Cela conduit les professionnels à souligner l'importance de travailler avec les personnes sur les représentations qu'elles ont des effets des produits sur leur pathologie psychiatrique, à commencer par les TSO, sur leur rapport aux médicaments et sur les risques liés à leur prise abusive. On peut faire l'hypothèse en effet que la prise de médicaments de substitution ou de benzodiazépines a une fonction anxiolytique pour les personnes dont la pathologie psychiatrique n'est pas prise en charge, sans pour autant avoir une véritable efficience thérapeutique. Selon les professionnels de RDR, il est nécessaire d'accompagner les personnes dans une réflexion sur leurs représentations des médicaments comme n'étant pas les seuls à agir sur leur bien être/ mal être – représentation qui favorise les usages abusifs dans les moments de grande anxiété ou de grande détresse. Il est important que les personnes se rendent compte que leur mal être peut passer avec autre chose que les seuls médicaments, que le fait d'avoir une sociabilité, des activités sportives ou culturelles, de vivre des choses qui ne soient pas seulement liées à leur usage de drogues ou à leur difficultés sociales ou de santé. Les professionnels soulignent également que les prescriptions de type psychiatrique se réfèrent au cadre général des personnes qui ne sont pas usagères de drogues et qui ont un cadre de vie stable. La question de la prise en charge des comorbidités psychiatriques chez les personnes usagères de drogues revient encore et toujours au problème de l'accès au logement et de la stabilité des revenus. La précarisation des conditions de vie se traduit par une instabilité et une mobilité des personnes dans la ville qui rend difficile la prise de contact avec elles, l'initiation d'une prise en charge et leur suivi. Ceci les conduit à mettre en exergue l'intérêt des équipes mobiles de psychiatrie mais également la mise en place de modalités de travail partenariales, reposant sur le croisement des compétences respectives dans la prise en charge psychiatrique et l'accompagnement des personnes usagères de substances psychoactives.
1.3 Tendances
1.3.1 Une visibilité accrue de certains profils d'usagers
Les jeunes usagers d'opiacés dans des situations sociales variées Différents professionnels soulignent la présence nouvelle dans leur structure de personnes âgées de 17 à 25 ans, majoritairement des hommes, gravitant autour de l'espace festif techno. Ils sont dans des situations sociales variées : issus de milieux sociaux intermédiaires ou de milieux paupérisés, en situation d'insertion sociale ou, plus souvent, en situation de précarité et de désaffiliation sociale. Ils sont usagers d'opiacés principalement et consomment également ecstasy, champignons, mélanges d'herbes hallucinogènes ou planantes. Herbe (cannabis), champignons et mélanges de plantes hallucinogènes sont achetés sur Internet ou à des connaissances qui en cultivent ; s'ils sont appréciés pour leur origine naturelle (synonyme de ‘pureté' et de moindre dangerosité (REYNAUD-MAURUPT C., 2006), ils ne font pas partie des consommations quotidiennes.
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Deux profils d'usagers sont distingués :
• Ceux dénommés « jeunes errants », âgés principalement entre 18 et 25 ans, parfois un peu plus,
qui sont souvent en situation d'itinérance5, et vivent en squat (souvent les personnes venues d'autres villes ou régions qui sont de passage dans les squats). Ils fréquentent l'espace festif, consomment en sniff et en injection différents produits. Ils sont rencontrés dans les free partys par le Bus 31/32, dans les squats marseillais par Asud, par les CAARUD Protox et le Sleep'in dans leurs locaux, ainsi que dans les centres villes d'Aix en Provence et, a priori, de Gap (Alpes de Haute Provence) (HOAREAU E., 2009).
Ce seraient souvent des jeunes issus de placements en institution ou famille d'accueil, souvent suite à des violences et/ou à des séparations familiales, qui n'ont aucune ou très peu de relations familiales depuis longtemps. Ils vivent souvent dans - ou viennent - des zones rurales (Alpes, Var) où se situent généralement les lieux de placement. Le Sleep'in décrit des jeunes qui viennent souvent du nord de la France (au dessus de Paris), qui viennent à Marseille pour le soleil, par le biais de la série télévisée « Plus belle la vie », et parce qu'en tant que grande ville, elle est perçue comme offrant de nombreuses opportunités ; certains fuient aussi des « embrouilles » qu'ils ont chez eux. Ils ont débuté les consommations à 12-13 ans, d'alcool et de médicaments, souvent dans des moments de désoeuvrement hors des temps d'école et dans les lieux publics. Ils sont méfiants par rapport aux institutions parce qu'ils les ont toujours connues. De fait, il est particulièrement difficile de les accompagner dans l'accès aux droits. Contrairement à ceux qui n'ont pas connu de rupture de liens familiaux, ils ont tendance à s'identifier aux toxicomanes plus âgés. Ils sont peu observants des TSO. Il s'agit donc d'une nouvelle génération de jeunes très fragiles pris dans des processus d'exclusion sociale, qu'ils mettent en scène dans des prises de risque, et développant une défiance vis-à-vis des institutions et des professionnels de la relation d'aide. Ceux reçus à Protox sont décrits comme consommant du Subutex® depuis quelques années (entre 3 et 6 ans), parfois ont débuté leur consommation aux alentours de 16 ans. Ils en prennent dans une recherche de « défonce » et disent ressentir le flash. Les professionnels tentent de leur faire comprendre qu'il s'agit d'un traitement médical qui n'induit pas de sensation de flash. Il semble donc qu'ils ne font pas la différence entre les effets du Subutex® et ceux de l'héroïne, voire qu'ils méconnaissent la sensation réelle de flash – autrement dit, il existe un hiatus entre leur représentation du « flash » et son ressenti. Certains consomment quasi exclusivement du Skénan® en dehors de l'alcool et du cannabis, ils sont plus nombreux en été dans les structures (itinérance), venant pour obtenir une prescription. Il y a quelques cas de dépendance à l'opium. Ceux reçus au Sleep'in, par contre, seraient plutôt injecteurs d'amphétamines. Ceux reçus à Protox n'ont pas de pathologie psychiatrique et viennent pour se faire prescrire Subutex® ou Skénan® mais ne sont pas dans une démarche d'arrêt de l'usage ; d'autres en revanche, reçus à Puget Corderie, viennent d'abord pour une demande de stabilisation au Subutex®, mais révèlent ensuite des troubles psychiatriques.
• Depuis peu, sur le Bus 31/32, apparaissent également des jeunes du même âge (18-25 ans)
plutôt issus des classes moyennes, qui sont partis du domicile parental, ont un logement personnel et travaillent ou suivent des études. Ils consomment depuis quelques mois du Subutex® et/ou de l'héroïne, parfois ils débutent une consommation de Skénan®. Ils consomment en injection ou en sniff. Ils ont un discours simple sur leur consommation et viennent avec une demande de substitution à la méthadone.
5 On peut sans doute préférer le terme d'itinérance à celui d'errance, connoté plus péjorativement. L'errance renvoie à la notion d'anomie, d'absence de but et de rationalité dans la mobilité spatiale, et d'une mobilité permanente qui empêche toute construction de repères. Le terme d'itinérance renvoie plutôt à l'alternance de phases de sédentarité et de mobilité, au gré de rencontres et d'opportunités saisies par le sujet ou dont il est soudainement privé ; ces rencontres, cette mobilité et les espaces traversés et investis sont aussi au cœur de processus de socialisation et d'apprentissages sociaux. Ce terme prend également en compte - au lieu de l'occulter -, le sens que les sujets donnent, selon une tonalité plus ou moins poétique et politique (choix d'un mode de vie « nomade »), à cette stratégie d'adaptation à la difficulté d'insertion sociale et professionnelle.
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Le Bus 31/32 reçoit aussi quelques jeunes de 19-20 ans expulsés du CSST la Corniche parce qu'ils ont consommé des produits illicites ; venant souvent d'autres villes, ils se retrouvent à la rue sans aucune ressource et viennent au Bus avec une demande de TSO. Toutefois, déjà inscrits dans une démarche d'arrêt de l'usage, ils rechignent à venir au Bus du fait de la présence d'usagers plus âgés, avec lesquels il n'y a pas d'identification. L'équipe du Bus propose alors de passer à une délivrance au local tous les deux jours et les réoriente rapidement vers d'autres structures où ils côtoieront moins les usagers en grande difficulté. Quant à l'hébergement, ils refusent souvent de fréquenter le Sleep'in pour les mêmes raisons.
Il reste difficile d'avoir une représentation nette des profils et des pratiques d'usage. On observe cependant une distinction entre ceux qui viennent pour une demande de soin et d'arrêt de l'usage d'opiacés, et ceux qui viennent pour une demande de prescription afin de pallier au manque des autres produits, dans une finalité de modification de l'état de conscience. Cette distinction semble souvent, mais pas toujours, symétrique à une autre distinction selon la dynamique d'insertion sociale (originaire des classes moyennes et en insertion sociale) ou de désaffiliation sociale (origine de milieux sociaux paupérisés, rupture de liens familiaux, précarité) dans laquelle ces personnes sont inscrites. Les usagers injecteurs issus de l'espace festif Ce profil n'est pas tant nouveau qu'il n'avait pas été décrit dans les rapports TREND Marseille précédents. Il s'agit de personnes âgées entre 28 et 35 ans, qui ont souvent vécu plusieurs années selon le mode de vie travellers, en camion ou à pied et vivant en squat, alternant période d'activité professionnelle précaire (emplois en CDD, saisonniers, intérimaires, « petits boulots ») et période de festivités l'été. Aujourd'hui, ils se sont souvent sédentarisés, soit dans un logement personnel, soit dans un squat d'habitation. Ils ont une trajectoire d'usage marquée par la consommation des produits psychostimulants et hallucinogènes de l'espace festif techno, et par la pratique d'injection d'héroïne et/ou de psychostimulants (amphétamines et cocaïne principalement). Avec les jeunes en situation d'itinérance, ce sont quasiment les seuls usagers des structures bas seuil qui consomment des produits de l'espace festif. Les jeunes des milieux populaires Jusqu'à présent, dans le cadre des consultations jeunes consommateurs, le centre Puget Corderie accueillait des jeunes issus des milieux populaires orientés par la justice pour un usage problématique de cannabis. Depuis quelques temps, une problématique d'usage de cocaïne est également de plus en plus parlée. Selon une médecin, « ce sont beaucoup des jeunes en grande souffrance et qui portent le mal être de leurs parents, qui consomment alcool, cannabis, cocaïne, mais qui ont aussi de mauvais comportements alimentaires avec une addiction au sucre et qui se nourrissent de compléments alimentaires et de sandwiches ». Les mineurs étrangers isolés Les mineurs étrangers isolés sont présents depuis longtemps à Marseille, mais leur consommations de produits psychoactifs n'avaient jusqu'à présent pas été décrites dans TREND Marseille. Il s'agit souvent d'adolescents venus du Maghreb, ainsi que, de plus en plus, du Kurdistan et d'Afghanistan6 ; ils sont envoyés par leur famille pour trouver une source de revenus supplémentaire sur le territoire français. Ils n'ont souvent pas ou très peu de connaissances (famille, voisins) et sont contraints de se débrouiller par eux-mêmes. Ils peuvent se retrouver sous la « protection » d'une personne qui, en échange de menus larcins ou de courses liés au trafic de produits illicites, les héberge et leur donne de quoi se nourrir.
6 Lors du groupe focal sanitaire, un médecin fait remarquer la nécessité d'élaborer un discours de prévention qui prenne en compte l'appréhension culturelle de la notion de santé et des usages de produits psychoactifs.
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La plupart sont des Marocains qui arrivent avec une consommation de cannabis et de benzodiazépines. De ces jeunes seraient impliqués dans un trafic de benzodiazépines entre les pays du Maghreb et la France. Certains auraient également recours à la prostitution pour survivre. Lorsque la mise à disposition d'un nouvel outil rend visibles des profils d'usagers de free base Cette année, le Bus 31/32 a mis à disposition des kit base après avoir fait le constat d'une augmentation du nombre de personnes qui basaient dans la file active. Réciproquement, ceci a eu pour effet de donner une visibilité nouvelle, accrue des personnes qui recourent à cette pratique. Il est repéré différents profils d'usagers :
des personnes, peu nombreuses, qui ne peuvent plus injecter la cocaïne à cause de leur état veineux trop abîmé,
des personnes âgées entre 25 et 35 ans qui fréquentent l'espace festif techno,
des personnes qui ont été initié à cette pratique en prison.
Les personnes parlent de leur pratique sous l'angle d'une recherche d'amplification des effets, d'une sensation équivalente à un flash, et sous l'angle de la ritualisation, contenant une dimension technique, la maîtrise d'un certain nombre de gestes qui permet de limiter les pertes de produits actifs durant « la cuisine », et qui s'inscrit, souvent, dans la sociabilité d'un groupe d'initiés.
1.3.2 De nouveaux processus de précarisation chez des usagers de
cocaïne et de Ritaline® ?
Il est signalé des processus de précarisation et de désaffiliation chez des anciens injecteurs stabilisés au TSO qui ont une consommation régulière de cocaïne en injection. Il est possible que ces processus ne soient pas seulement liés à l'usage de cocaïne, mais également à celui de Ritaline® que certains médecins continuent de prescrire en substitution de la cocaïne. Ce médicament serait notamment lié à la résurgence de phénomènes de délinquance pour obtenir de l'argent (vol de sac à l'arraché, vol aux distributeurs de billets).
1.3.3 La diminution du nombre de médecins prescripteurs de TSO
Selon différents acteurs, que ce soit dans le centre ville ou dans les quartiers nord, il est de plus en plus difficile de trouver des médecins de ville qui prescrivent du Subutex®. Ces médecins prescripteurs sont entourés de médecins qui refusent de prendre en charge des toxicomanes ; ils se retrouvent donc avec des files actives élevées de personnes usagères de drogues. Ce qui les expose d'autant plus aux pressions de la part de certains usagers qui demandent des prescriptions plus importantes de Subutex® ou des prescriptions de benzodiazépines.
1.4.3 Application de la loi et politique de réduction des risques
Présence policière et interpellations dans le centre ville Cette année encore, les contrôles et les interpellations policières des usagers ont été évoqués par les professionnels de santé et les usagers, tant sur le thème de la surveillance permanente quand bien même la personne n'est pas en infraction que sur celui de l'impact en terme de réduction des risques. Les usagers les plus exposés sont ceux qui sont à la rue toute la journée ; ceux qui bénéficient d'un logement ou d'un squat sont moins affectés par les contrôles et les arrestations. Pour éviter ces contrôles, certains usagers confient leur approvisionnement à d'autres qui acceptent de prendre le risque en échange d'une commission prélevée sur le produit ; ces derniers sont sans doute ceux qui ont le moins de possibilité financière pour s'approvisionner par eux-mêmes. Ainsi, l'activité policière tend à être accrue à l'égard des usagers les plus pauvres qui sont les plus visibles.
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Les motifs d'interpellation ne concernent pas seulement des ILS ‘classiques'. Des personnes seraient aussi interpellées pour « possession de substances illicites » car elles étaient en possession de seringues usagées – mais pas de produits illicites. Pour défaut de présentation d'ordonnance en possession de médicaments, il est rapporté des cas d'emprisonnement de plusieurs mois. L'importance quantitative de ces faits reste toutefois difficile à estimer. Enfin, en octobre, dans le cadre d'une affaire de stupéfiants, des agents de police nationale ont procédé à des contrôles de papiers d'identité et d'ordonnance à une dizaine de mètres du Bus 31/32, sur un emplacement occupé depuis plusieurs années. Si le bien fondé de cette intervention n'est pas remis en cause, la pertinence du lieu et du moment choisi peut être questionnée. Les acteurs de la RDR observent que le risque d'interpellation produit plusieurs effets. Comme l'an dernier, il est constaté une baisse nette de la prise de matériel d'injection (Steribox® et containers), qui est d'autant plus marquée chez les personnes sans logement. La Direction de la Santé Publique de la Ville de Marseille relève d'une part que le nombre de seringues ramassées en centre ville augmente (augmentation expliquée par l'usage de Ritaline® et non par l'augmentation du nombre d'usagers), et
d'autre part, que le ramassage tend à se déplacer du 1e ardt. vers le 2 et le 3 : « Ainsi, de début juillet à fin 2008, la présence de seringues dans l'espace public du 2e ardt. est signalée une seule fois (45 seringues) ; en 2009, il y a eu six signalements (59 seringues) » (HOAREAU E., 2010). Ce déplacement serait moins le fait d'un déplacement des lieux de trafic, que d'un éloignement des usagers par rapport à l'hyper centre (quartiers de la Gare St Charles, de Noailles) où ils sont plus exposés à l'activité policière. Le Sleep'in observe également qu'il arrive fréquemment que les usagers abandonnent l'autre seringue non utilisée du Steribox® ou une partie du sac de dix seringues. Cette volonté de se débarrasser au plus vite du matériel d'injection peut expliquer aussi que le nombre de seringues ramassées avec aiguilles soit en augmentation - une moindre intégration par les usagers et une moindre diffusion par les acteurs RDR du message de RDR (casser l'aiguille) n'étant peut être pas les seules explications possibles. Le CAARUD Protox pourtant très excentré et situé dans les quartiers sud remarque également une baisse de la prise de Kap. Toutefois, l'activité policière n'est pas nécessairement plus concentrée sur les personnes usagères de drogues : la mise en œuvre de la sécurité publique expose au contrôle des personnes pauvres, qui pratiquent la mendicité dans l'espace public et/ou consomment des produits psychoactifs et/ou sont susceptible d'être en situation d'irrégularité administrative sur le territoire français. La fermeture de certains squats : la disparition de lieux relais de la politique de RDR Un bilan a été établi par l'association ASUD Mars say yeah ! quant aux fermetures de squats qui ont eu lieu au cours des deux dernières années (depuis 2007). Les occupations illégales de lieux d'habitation (maison, immeuble, appartements) ou de friches industrielles sont diversifiées à Marseille :
lieux occupés par des personnes en situation de grande précarité – parfois revendiquée comme un mode de vie alternatif inspiré des travellers techno – et utilisatrices de produits psychoactifs,
lieux habités par des personnes en insertion sociale stable (activité professionnelle et/ou de création artistique, activité associative et/ou militante) pouvant avoir des usages régulés de produits psychoactifs et qui investissent ces lieux pour organiser des évènements festifs et artistiques ; l'occupation s'inscrit également dans une revendication politique et une remise en question de la politique du logement, nationale et locale ;
lieux occupés par des personnes étrangères issues de la communauté européenne et ayant des consommations importantes de produits psychoactifs (Allemands, Polonais, Russes…) (CHATOT F., 2006),
lieux occupés par des personnes étrangères n'ayant pas la possibilité (financière, refus des propriétaires, absence de droit de séjour) d'occuper légalement un logement (Roms, jeunes migrants isolés, adultes venant d'Afrique et du Moyen Orient).
L'association ASUD intervient principalement dans les deux premiers types de squat. La distinction des squats a déjà été décrite dans le rapport de 2008 entre des squats où la vie collective n'est pas organisée selon des règles, où vivent des personnes en grande précarité, ayant des pratiques de consommation
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particulièrement à risque (polyconsommation, usage quotidien et élevé, injection, free base), et, d'autre part, des squats où sont mises en œuvre des règles de vie collective, où les personnes ont souvent une activité socio professionnelle riche qui soutient la régulation de leurs usages de produits, usages qui sont le plus souvent restreints aux évènements festifs7. Les besoins les plus importants en terme de réduction des risques concernent les squats occupés par les personnes jeunes (moins de 25 ans), en grande précarité et injectrices de produits. Que ce soit par le biais des visites de l'association ou de l'approvisionnement par des « usagers relais », ces squats sont des « lieux relais » dans la politique de réduction des risques en permettant l'accès au matériel et information de réduction des risques à des personnes qui ne fréquentent pas les structures de première ligne et sont les plus éloignés du dispositif spécialisé, notamment les plus jeunes. En effet, il peut y être stocké du matériel de réduction des risques (seringues de couleurs, petit matériel d'injection, préservatifs), s'y mettre en place un Programme d'échange de seringue ‘décentralisé', autogéré par les usagers, et s'y accumuler un certain nombre de connaissances et de compétences de RdR. Depuis deux ans, ces squats sont régulièrement fermés par les forces de l'ordre ; les habitants changent de lieu et selon ASUD, il est de plus en plus difficile de les trouver et d'y apporter matériel, information et dialogue autour de la réduction des risques liés à l'usage. En outre, dans un contexte de présence policière accrue dans le centre ville (où se situent les structures de RdR), où la possession de matériel d'injection accroît apparemment le risque d'interpellation pour ILS de la part de certains agents de police, les usagers sont d'autant plus réticents à s'approvisionner en matériel auprès des structures. Pour ASUD, la fermeture de ces « salles de consommation » non officielles, se traduit, de fait, par une exposition accrue des usagers aux risques infectieux. Nombre de professionnels rencontrés s'accordent à dire que la politique de réduction des risques a toujours été difficile à faire accepter par les acteurs de l'application de la loi, mais depuis 3-4 ans la cohabitation entre ces différents acteurs serait plus difficile qu'auparavant, avec l'impression d'un « retour en arrière, au moment de la mise en place de la RDR ». Autrefois, le manque d'acceptation de la politique de RDR était lié à sa méconnaissance et à l'absence de résultats d'évaluation. Or, si cette méconnaissance s'observe encore chez certains acteurs de l'application de la loi (lors de la réunion du Contrat local de sécurité en automne 2009, les policiers présents ignoraient l'existence de la loi de 2004), le bilan principalement positif de la RDR est connu des acteurs politiques. Les professionnels de santé et de structures de première ligne ont également conscience de la situation compliquée dans laquelle ceux de l'application de la loi se trouvent : entre la (re-)connaissance de la pertinence de la politique de RDR et leur propre prescription de répression de l'usage de substances illicites. Les acteurs de la RDR s'accordent également sur l'intérêt à échanger avec les services de police dans le cadre d'espaces de travail communs.
7 Bien entendu, la réalité est plus complexe : des personnes en très grande précarité peuvent habiter les squats où règne une importante organisation de la vie collective ; les lieux occupés par des personnes en grande précarité peuvent aussi être gérés par un minimum de normes plus ou moins explicites.
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Les résultats de l'enquête nationale sur les CAARUD en région Provence
Alpes Côte d'Azur (2008)
« L'enquête ENa-CAARUD 2008 est la seconde édition de l'Enquête Nationale qui vise à décrire les
usagers des Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues
(CAARUD). Elle interroge, une semaine donnée (du 24 au 30 novembre pour l'exercice 2008), au sein des
CAARUD toute personne usagère de drogues reçue ou rencontrée par un membre de l'équipe du
CARRUD (…) Au final, l'analyse statistique porte sur 3 138 usagers des CAARUD qui ont répondu à la
totalité du questionnaire et 1 349 usagers des CAARUD à qui le questionnaire n'a pas pu être administré
(partie « Encadré non-répondants » du questionnaire). (Enquête ENa-CAARUD 2008, OFDT).
Nous présentons ici les résultats concernant les usagers des CAARUD de la région Provence Alpes Côte
d'Azur, par comparaison avec les résultats nationaux. La répartition des réponses par département est la
suivante : 93 personnes dans les Alpes Maritimes, 133 personnes dans les Bouches du Rhône, 39
personnes dans le Var et 45 personnes dans le Vaucluse.
« Aucun test statistique n'a été réalisé attestant de différences significatives entre la France entière et la
Région ». Néanmoins, il semble que l'on puisse repérer quelques différences entre les caractéristiques des
usagers et des usages en région par rapport au national :
concernant le public : en région PACA, les moins de 25 ans sont moins rencontrés ; les personnes ont plus souvent une CNI valide et une couverture sociale ; elles sont plus nombreuses à percevoir des prestations sociales ou à n'avoir aucune ressource ;
concernant les traitements de substitution : en région PACA, les personnes bénéficient moins souvent d'un TSO ; elles ont plus souvent un traitement à la méthadone ou aux sulfates de morphine ;
concernant la sérologie du VIH et du VHC : en région PACA, les personnes sont plus souvent séropositives ;
concernant l'injection et le partage du matériel d'injection : en région PACA, les personnes ont plus souvent utilisé l'injection mais pas dans les 30 derniers jours (plus souvent anciens injecteurs ou injecteurs occasionnels ?) ; parmi celles ayant pratiqué l'injection au cours des 30 derniers jours, elles sont moins nombreuses à avoir partagé le petit matériel ;
concernant les produits utilisés au cours des 30 derniers jours : en région PACA, les personnes sont plus souvent utilisatrices de benzodiazépines, de Moscontin®/ Skénan®, d'amphétamines, MDMA/ecstasy, LSD, plantes hallucinogènes et kétamine – on peut penser que ces cinq derniers produits rendent visible le fait que les CAARUD de la région reçoivent plus souvent des usagers fréquentant l'espace festif techno ; par contre, elles sont moins souvent utilisatrices d'héroïne et de crack ;
concernant les produits posant le plus de problème aux usagers : en région PACA, les personnes citent plus souvent les sulfates de morphine et moins souvent l'héroïne ; elles citent moins souvent un produit en particulier ;
concernant l'hospitalisation et l'accueil en CSST au cours des douze derniers mois : en région PACA, les personnes ont plus fréquemment été hospitalisées et reçues dans un CSST.
• Variables socio démographiques
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Situation administrative actuelle
Carte d'identité ou passeport français valide
Carte de séjour ou papiers étrangers valide
Papiers perdus, volés à refaire, en cours
Sans papier (étranger en situation irrégulière ou papiers refusés)
Autorisation provisoire de séjour
Affilié Sécurité sociale (CMU / ALD / avec couverture complémentaire)
Autre ou ne sait pas
Non affilié avec AME
Non affilié sans AME
Durable - (Indépendant / Chez des proches / Institution)
Provisoire en institution ou hôtel / Chez des proches
Origine principale des ressources
Revenus d'emplois sociaux (RMI / Allocation adulte handicapé / Autres prestations sociales)
Pas de revenus officiels (ressources provenant d'un tiers / autres ressources y compris illégales ou
non officielles / sans revenu y compris mendicité)Revenus d'emplois (y compris retraites / pensions invalidité)
Source : ENa-CAARUD 2008 / OFDT, DGS
• Traitement de substitution aux opiacés (avec prescription et suivi médical en cours)
Traitement de substitution aux opiacés
Oui à la BHD (Subutex, Buprénorphine générique: Arrow/Merck)
Oui à la méthadone
Oui aux sulfates de morphine
Oui avec un autre médicament
Source : ENa-CAARUD 2008 / OFDT, DGS
• VIH et VHC : sérologies
N'a pas fait le test
Résultat - VIH
N'a pas fait le test
Résultat - VHC
Source : ENa-CAARUD 2008 / OFDT, DGS
• Utilisation de la voie intraveineuse et partage du matériel d'injection
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Utilisation de la voie intraveineuse
Oui au cours des 30 derniers jours
Oui dans le passé mais pas dans les 30 derniers jours
Si utilisation de la voie intraveineuse dans les 30 derniers jours, partage des seringues
Si utilisation de la voie intraveineuse dans les 30 derniers jours, partage du petit matériel *
Source : ENa-CAARUD 2008 / OFDT, DGS
*Partage du petit matériel : partage d'au moins un matériel parmi l'eau de préparation, l'eau de rinçage, les cuillères ou les cotons/filtres
• Produits consommés au cours des 30 derniers jours
Produits consommés au cours des 30 derniers jours
Buprénorphine, Subutex, etc
Cocaïne ou Free base
Amphétamine (speed)
Plantes Hallucinogènes
Source : ENa-CAARUD 2008 / OFDT, DGS
• Produit posant le plus de problème (point de vue de l'usager)
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Produits posant le plus de problème (point de vue de l'usager)
Sulfates de morphine
Autre médicament
Plusieurs produits
Source : ENa-CAARUD 2008 / OFDT, DGS
• Incarcération, hospitalisation et passage en CSST
Incarcération/passage en prison au cours des 12 derniers mois
Hospitalisation au cours des 12 derniers mois
Au cours des 12 derniers mois, l'usager a-t-il été reçu par un intervenant en CSST
Source : ENa-CAARUD 2008 / OFDT, DGS
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2. Les usages dans l'espace festif
Les observations sur l'espace festif alternatif8 concernent les usages de produits dans les free parties,
les ‘petites teufs', les teknivals, légaux et illégaux, et les squats ; celles sur l'espace festif commercial concernent les usages dans les raves parties, les festivals électro et les discothèques. Les citations d'usagers sont extraites d'entretiens conduits par la responsable d'observation.
2.1 Les usagers
Dans les deux types d'espace, on observe une grande latitude des âges, de 16 à 50 ans ; la
plupart ayant entre 20 et 30 ans. On estime que plus de la moitié est âgée de 20 à 24 ans, un peu moins d'un tiers est âgé de 25 à 29 ans, deux minorités équivalentes rassemblent les plus de 30 ans et les moins de 20 ans. Cette répartition des âges peut varier selon la musique diffusée, ainsi que la localisation de l'évènement – la facilité d'accès de ceux du centre ville ou qui en sont peu éloignés favorise la présence de personnes de moins de 20 ans ou mineures. Une légère différence réside dans la proportion hommes/ femmes entre espace commercial, où la présence masculine est souvent à peine plus grande et parfois équivalente à celle des femmes, et espace alternatif où elle est nettement plus importante – même si la présence des femmes augmente constamment depuis quelques années. Par contre dans les deux espaces, il semblerait que l'on assiste à une nette féminisation dans la tranche d'âge des 18-25 ans.
La grande majorité est dans une situation sociale et sanitaire satisfaisante, du moins stable : études et/ou activité professionnelle, logement personnel ou parental, couverture sociale. L'activité professionnelle peut être discontinue du fait de l'occupation d'emplois à durée relativement courte (CDD, intérim, saisonnier, intermittent). Dans l'espace alternatif, les travellers représentent un petit nombre de personnes, âgées entre 25 et 35 ans pour la plupart et qui alternent le plus souvent des périodes d'activité professionnelle et de chômage. Dans l'espace commercial, le public semble relativement plus hétérogène sur le plan social et culturel que dans l'alternatif : on rencontre plus souvent des personnes issues des milieux les mieux pourvus en capital culturel et économique et des milieux les moins bien pourvus. De même, la diversité des origines géographiques et des orientations sexuelles y semble plus grande. Dans l'espace alternatif, dont l'accès est plus facile du point de vue financier et vestimentaire, on rencontre plus souvent des personnes, principalement des hommes, en situation de précarité sociale et sanitaire. Les structures de première ligne de l'espace urbain peuvent les rencontrer dans leurs locaux, en free-partys ou en squat ou dans la rue. Agées de plus de 25 ans, ils vivent des minima sociaux et de petits boulots ; souvent injecteurs ou anciens injecteurs, ils suivent parfois un traitement de substitution. Agées de moins de 25 ans, n'ayant donc pas accès au RSA et ayant rarement droit à des allocations chômage du fait qu'elles n'ont pas ou pas assez travaillé, elles sont souvent en rupture de liens familiaux, sans logement fixe et ont généralement des pratiques d'usage très à risques (polyconsommation, injection, free-base, usage quotidien) – elles sont désignées par le terme de « jeunes errants ».
8 Le terme « alternatif » n'est pas équivalent à « illégal » : nombre d'espaces festifs urbains très actifs y compris pour des festivités non liées au mouvement techno (type Docks des Sud, ou Friche Belle de Mai) accueillent des évènements qui attirent essentiellement le public des free parties et des soirées en squat. De même, le terme « commercial » n'est pas équivalent à « légaliste » : nombre d'évènements commerciaux accueillent à la fois le public de discothèques et celui des free parties, et nombre d'évènements s'inscrivant dans une logique commerciale s'organisent dans un respect incomplet de la législation sur la sécurité et l'hygiène.
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2.2 Caractéristiques des pratiques d'usage en espace festif
2.2.1 Une pratique d'usage relativement régulée
Les usages dans l'espace festif se distinguent de ceux de l'espace urbain par leur contexte de consommation et la façon dont ils s'insèrent dans un mode de vie. Les usages quotidiens, en quantité élevée qui tendent à organiser la journée autant que les autres activités (‘petits boulots', mendicité, démarches, fréquentation des structures ‘bas seuil'…) caractérisent plutôt les personnes observées dans et/ou par les structures de première ligne, le plus souvent en grande précarité - « jeune errants », travellers. Les usagers de l'espace festif restreignent généralement leurs usages de produits autres que l'alcool et le cannabis à des évènements festifs de plus ou moins grande ampleur (d'une centaine à plusieurs milliers de participants) ou, de façon plus occasionnelle, à des soirées privées de type anniversaire, jour de l'an, fin de la période scolaire, ou soirée en petit comité (apéritif qui s'étire) de fin de semaine. Ces consommations se font également dans le cadre d'un certain nombre de limites (quantité, type d'association, produits utilisés, voie d'administration, moments dans la vie personnelle…) que les personnes définissent, acquièrent, et adoptent au cours des interactions entre pairs, à partir d'un certain savoir collectif sur les produits et en fonction de leurs expériences personnelles des produits (HOAREAU E., 2005). Cette pratique d'usage a généralement peu d'impact sur la vie sociale et professionnelle des personnes, et, réciproquement, une vie sociale et professionnelle stable les soutient dans la gestion de leur pratique d'usage. Cette régulation de l'usage apparaît notamment dans une périodicité que l'on peut décliner selon deux temporalités. On observe une périodicité de l'usage dans la vie quotidienne, au cours d'une année par exemple : augmentation des consommations en période de fin d'année civile, de fin d'examens scolaires et de vacances, au printemps, ou en fin de période d'emploi, et arrêt, ou fort ralentissement des consommations à la rentrée scolaire, en période de révision d'examens, ou d'occupation d'un nouvel emploi. On observe également que l'usage occupe une certaine période dans la vie équivalente à une durée moyenne de fréquentation de l'espace festif techno qu'Etienne Racine évaluait en 2000 à trois ans (RACINE E., 2001); soit une période de consommation festive de produits relativement régulière (mensuelle ou pluri mensuelle) à laquelle fait suite une période d'arrêt ou de diminution de plus en plus marquée de la fréquence d'usage (jusqu'à 5-6 fois par an). Toutefois, concernant les personnes qui ont une insertion sociale stable et riche, la régulation de l'usage n'a pas la rigueur d'une ascèse, mais reste relativement souple si l'on considère certaines micro dynamiques dans la prise de produits. En effet, il n'est pas rare que les consommations se fassent à l'opportunité des produits disponibles à la vente et circulant dans le groupe de pratique. Dans ces cas, les personnes consomment des produits qu'elles n'auraient pas spontanément pris si d'autres produits, qu'elles privilégient, avaient été disponibles ou si les personnes dont elles sont entourées n'en avaient pas consommés. Il s'agit moins là de l'expression d'une envie de consommer un produit, que d'un faisceau de dynamiques pouvant se juxtaposer : contraintes du marché, envie de ne pas se distinguer de ses amis (qui vraisemblablement s'estompe avec l'avancée en âge et la prise de confiance en soi), difficulté de refuser un don (transgression des règles de politesse dans la commensalité qui ne sont pas spécifique à la sociabilité autour des usages de drogues), relâchement vis-à-vis des limites fixées dans son usage, effets peu marqués, voire nuls, des produits déjà pris, évènement biographique, positif ou négatif, qui motive l'expérimentation ou l'association de produits… On peut considérer qu'une minorité d'usagers, dont la proportion, selon nous, va croissant avec l'avancée en âge, reste fidèle à un produit ou une classe de produits - LSD et champignons, cocaïne, kétamine, speed – qui seront rarement associés à d'autres produits hors alcool et cannabis.
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2.2.2 Une pratique de polyconsommation plus ou moins étendue
Du fait notamment d'un panel de produits disponibles sur le marché plus ou moins large, les usages se caractérisent par la polyconsommation. Cette polyconsommation s'est accrue au fur et à mesure de la présence croissante de nouveaux produits sur le marché autres que l'ecstasy, le LSD et les amphétamines qui dominaient les consommations dans les années 90 : la kétamine à la fin des années 90, la cocaïne au début des années 2000, le GHB et les molécules imitant les effets du MDMA à la fin des années 2000. Si pendant longtemps, l'espace festif alternatif offrait un panel plus diversifié de produits, ces dernières années, l'offre dans l'espace commercial, autrefois centrée sur la cocaïne et le MDMA, semble également s'être diversifiée dans certains évènements. Ainsi, en janvier 2009, lors d'une rave organisée dans l'agglomération marseillaise et qui a accueilli environ 5 000 personnes, majoritairement participantes de l'espace festif commercial, étaient vendus et/ou consommés de l'ecstasy (comprimés), du MDMA, des amphétamines, de la cocaïne, du GHB, de la kétamine (plus d'une dizaine de malaises) et du LSD (buvards). Les poly usagers réguliers décrivent la dimension ludique et exploratoire qu'est le ressenti des effets induits par les différents produits. Il s'agit là d'une « logique des sensations » (BOUHNIK P., TOUZE S., VALLETTE-VIALLARD C., 2002) que l'on pourrait décrire à travers la métaphore du manège du grand huit : chaque montée, descente, boucle, inclinaison, virage, induit des sensations spécifiques dont l'alternance, la répétition et la succession forme un tout que recherche l'usager sans savoir vraiment au préalable ce qu'il va ressentir. Le polyusage n'est donc pas forcément le signe d'une surenchère dans la prise de produits, d'une envie de tout mélanger pour induire un état de défonce particulier ou plus intense (même si cette optique concerne effectivement certaines personnes), mais la conséquence du fait de ne pas ressentir l'ivresse (entendue ici au sens large) recherchée, d'avoir pris - ou d'avoir eu l'impression de prendre - des produits faiblement dosés ou des arnaques. Inversement, plus la personne ressent les effets d'un produit, notamment lorsqu'il s'agit de celui qui est privilégié, moins elle aura tendance à en consommer d'autres. La représentation actuelle d'une offre de produits peu dosés dans leur grande majorité alimente l'impression d'avoir été arnaqué sur la qualité, et rend peut être moins patient les usagers dans l'attente de la manifestation des effets. Cela favorise la multiplicité des prises, au risque de se retrouver surpris par une manifestation tardive des effets. Or, ce polyusage a pour effet d'appauvrir le savoir individuel et collectif sur chaque type de produits et sur les dommages et risques, puisque la personne ne sait pas ce qui est dû à tel ou tel produit dans ce qu'elle ressent, qu'il s'agisse des effets positifs recherchés ou des effets non recherchés, voire dangereux. Toutefois, cette polyconsommation n'est pas seulement un effet du marché de produits, qui illustrerait son déterminisme sur les modalités d'usage, ni des représentations que les usagers en ont. En effet, elle est liée à l'expérience et aux goûts acquis à travers elle pour tel ou tel produit. Tous les usagers n'utilisent pas tous les produits disponibles lors d'une occasion : ils préfèrent tel ou tel produit ou classe de produits ; ils peuvent exclure certains produits et voie d'administration de leur pratique. Ils ont tendance à privilégier certaines associations, à en exclure d'autres, parfois de façon systématique, parfois ponctuellement. Après une ou plusieurs mauvaises expériences, certains usagers peuvent ne plus en utiliser certains : « Je consomme de tout (cannabis, cocaïne, héroïne, MDMA, 2CB, kétamine), excepté un ou deux trucs que je ne prends plus (LSD, plantes hallucinogènes). Je mélange souvent aussi; ça dépend de ce que j'ai ou ce qu'on m'offre. ». Ces choix sont liés à la connaissance que les personnes ont des produits et à leur perception des prises de risques, mais également à leur état d'esprit du moment, aux personnes dont elles sont entourées à ce moment là, aux évènements biographiques auxquels elles sont alors confrontées, ou au laps de temps qu'elles ont avant de remplir des obligations sociales (HOAREAU E., 2005). La perception que les sujets ont des caractéristiques physiques et sociales du contexte de consommation influe aussi sur leur choix des produits utilisés. Par exemple, une mauvaise ambiance peut décourager de nouvelles prises de produits ; les lieux fermés et confinés sont perçus comme inadéquats à la prise d'hallucinogènes. « Dans
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les bars clandestins9 on consomme plus de la coke qu'autre chose. C'est des lieux trop confinés pour prendre des hallucinogènes. » (Hugo, 24 ans). Enfin, cette polyconsommation semble moins s'inscrire dans une logique de défonce au sens d'altération maximale de la conscience que dans une logique de façonnage des effets recherchés « (La kétamine) avec le MDMA j'étais encore plus perchée, j'étais à fond et j'ai eu plein de sensations physiques, quelques bonnes hallus… J'ai pas dormi. par contre c'est vrai que le lendemain j'étais vraiment cassée. » (Louise, 19 ans). Ainsi, si l'on voulait identifier plusieurs sous groupes d'usagers comme on peut le faire dans l'espace urbain, les critères de distinction utilisés pourraient être, d'une part, ceux de la polyconsommation, soit l'étendue du panel de produits, et les voies d'administration utilisés, en général et au cours d'une session de consommation, ainsi que la fréquence d'utilisation. D'autre part, ils pourraient également être ceux proposés en 2008, à savoir la période socio historique de socialisation à l'usage, qui peut correspondre à une tranche d'âge particulière, et le contexte festif privilégié – toutefois, ce dernier critère ne semble plus avoir l'impact sur les pratiques d'usage qu'il avait jusque dans la première moitié de la décennie 2000 (HOAREAU E., 2005) du fait de la mobilité accrue des utilisateurs entre les différents espaces festifs.
2.2.3 « Le sniff », principale voie d'administration
Contrairement aux années 90, où c'était l'ingestion qui était la voie d'administration la plus répandue du fait, entre autres, de la galénique des produits les plus utilisés (LSD, ecstasy), depuis quelques années c'est la voie nasale qui est devenue la principale voie d'administration dans cet espace. Cette évolution est alimentée par la progression de la galénique poudre des produits avec les disponibilités de MDMA en gélule ou en cristaux (ou de comprimés d'ecstasy pilés), de kétamine et de cocaïne qui se sont accrues.
2.2.4 Les free-partys et teknival : lieu d'accès au matériel stérile pour
les usagers injecteurs les plus isolés
La pratique d'injection est toujours aussi peu visible et d'ampleur difficile à estimer. L'on peut raisonnablement penser que moins une pratique est visible, moins elle est répandue – la visibilité étant un signe d'acceptation sociale d'une pratique qui constitue elle-même un indice de sa diffusion. Par exemple, le Bus 31/32 qui affiche une pancarte signalant un PES, distribue un kit dans une free party sur trois. Certains usagers arrivent avec leur matériel, ne sollicitent pas les stands de RdR, et se cachent dans les camions ou dans la nuit pour injecter. Le coordinateur souligne que les interventions en teknival peuvent donner l'impression d'une expansion de la pratique dans la mesure où les personnes pratiquant l'injection - de même que les autres profils d'usagers - sont proportionnellement plus nombreuses que sur des petits évènements : ces évènements attirent un public plus diversifié, venant parfois en touriste, et, en étant souvent situés dans des zones rurales, des injecteurs partis « se mettre au vert » (HOAREAU E., 2009). D'après le coordinateur du Bus 31/32, l'injection dans l'espace festif concerne des groupes très particuliers, c'est-à-dire des usagers qui généralement ont le même profil que les très précaires plus âgés que l'on retrouve dans l'espace urbain. Ce sont souvent des personnes isolées, venant de régions rurales où l'accès au matériel de RDR est difficile ou des personnes vivant sur un mode itinérant – travellers, « jeunes errants ». Il s'agit souvent de travailleurs saisonniers et intérimaires. Cette pratique concerne aussi mais plus rarement des personnes bien insérées socialement, de plus d'une trentaine d'années, chez lesquelles le recours à cette voie d'administration peut être occasionnel (quelques fois par an) ou régulier (quelques fois par semaine). Les produits injectés le plus souvent sont l'héroïne et la cocaïne. Cette explicitation des profils d'usagers concernés conduit à relativiser l'idée d'expansion de la pratique d'injection dans la région marseillaise : cette pratique concerne les mêmes profils que ceux croisés dans l'espace urbain, à savoir une majorité de personnes en grande précarité et souvent isolées socialement.
9 Ces lieux fonctionnent vraisemblablement dans une semi légalité ; par exemple, ils ont les autorisations nécessaires pour vendre de l'alcool jusqu'à une certaine heure, au-delà de laquelle ils sont hors la loi et l'interdiction sur la consommation de tabac dans les lieux publics n'y est pas respectée.
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Trois rencontres faites par le Bus 31/32 illustrent la diversité des profils d'injecteurs sur l'espace festif selon leur rapport au dispositif de RDR :
un homme qui a une connaissance relativement complète des risques liés à la pratique, qui est précautionneux et a un bon état veineux après quatre ans d'injection, mais n'a jamais été vraiment en contact avec une structure de RDR ;
un homme sans logement et en errance, qui n'a aucun endroit pour se poser, et qui vient demander un endroit pour injecter dans des conditions d'hygiène et de sécurité relativement bonnes. Il a déjà été accompagné dans sa pratique d'injection par un professionnel, il est en contact avec différents CAARUD ;
une femme avec un état veineux catastrophique, incapable de trouver une veine, tente à plusieurs reprises d'injecter, en vain. Elle est suivie par un CAARUD mais connaît mal les techniques d'injection à moindres risques.
Parmi les injecteurs nomades et isolés, certains sont suivis en CAARUD ou CSST, et d'autres non. Pour ces derniers, selon le coordinateur, « l'espace festif devient un lieu d'accès au matériel et à l'information de RDR » et de prise de contact avec le dispositif spécialisé.
2.3 Rajeunissement des usagers : des spécificités de l'usage chez
les moins de 25 ans ?
2.3.1 Retour critique sur les observations des années précédentes
En 2007 et 2008, nous évoquions une proportion plus importante de jeunes de moins de 20 ans et de
jeunes mineurs par rapport à la décennie 90 et au début des années 2000 dans l'espace festif techno. Nous présentions cette évolution comme liée à la moindre présence des générations de participants précédentes (la trentaine et plus), qui se traduit par une diminution des interactions entre usagers ayant des niveaux différents de connaissance des produits et des risques. Ce phénomène est alimenté, à la fois, par une recherche, de la part des plus âgés, d'évènements diffusant une musique moins structurée par la rythmique des basses et où le risque d'une intervention policière est moindre (évènements rassemblant moins de 500 participants), et par le fait que, dans l'espace festif commercial et situé en zone urbaine, les plus jeunes évoluent plus souvent qu'auparavant entre eux et non accompagnés par des pairs plus âgés. Ces évolutions ne sont pas récentes, les prémisses datant, selon nous, des années 2003-2004.
Nous faisions également l'ébauche de différents phénomènes que nous déduisions de ces évolutions : la dilution du discours collectif (normatif) sur le sens « festif » de l'usage dans le mouvement techno (HOAREAU E. 2004) au bénéfice de la diffusion d'un discours sur l'usage à visée de « défonce », caractérisé par une réorientation de l'usage vers l'exploration de la vie intérieure (et non plus l'exploration d'un autre rapport à l'autre et au monde) et un recul de la référence aux notions de réduction des risques et de santé communautaire qui participent de la sécurisation des usages de produits. Or, nous ne disposons pas de données suffisantes qui permettraient de les vérifier et de les étayer, aussi nous n'y reviendrons pas cette année. Néanmoins, elles restent des hypothèses et des pistes dans l'observation et la compréhension des évolutions des usages et des rapports à l'usage.
S'il est donc difficile d'envisager leurs implications en termes de prise de risques, il est probable que ces évolutions (rajeunissement, accroissement de la proportion de jeunes de moins de 20 ans, diminution des interactions entre usagers de niveaux d'expérience différents) ne soient pas anodines. En effet, à notre sens, ces dynamiques de type générationnel (période socio historique de socialisation à l'usage) et intergénérationnel (modalités d'interaction entre différentes générations d'usagers) et de type socio géographique des contextes festifs d'usage (usagers en présence, produits disponibles, accessibilité aux interventions de réduction des risques, importance restreinte versus importance massive des évènements de ce style), influent sur les rapports à l'usage, en l'occurrence sur l'élaboration de ses significations, de ses modalités et sur les prises de risques. La responsable d'observation a donc conduit une investigation sur les possibles spécificités des usages de produits chez les moins de 20 ans ou âgés d'une vingtaine d'années.
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2.3.2 Des modalités d'usage identiques à celles des plus âgés
Les modalités d'usage de produits des usagers les plus jeunes sont similaires à celles des plus âgés,
avec des spécificités liée au noviciat dans l'expérience et à une logique d'expérimentation de soi et du rapport au monde avec laquelle les usagers plus âgés se sont distanciés. Ceci se donne à voir dans un discours de justification de la pratique peu élaboré de recherche de « défonce », car ils sont encore peu socialisés par leurs pairs aux signifiants culturels de l'usage, et dans leur difficulté à maîtriser les dosages et les effets, faute d'avoir acquis suffisamment de connaissances sur les produits et leurs réactions aux produits. Après les premières expérimentations, la polyconsommation (hors alcool et cannabis) est une pratique dominante comme chez les plus âgés. Par exemple, Louise, 19 ans, consomme la kétamine en association avec d'autres produits, la plupart du temps alcool et cannabis, parfois du speed ou du MDMA. Autre exemple : « La dernière grosse soirée que j'ai faite, on était une trentaine, y'avait des champignons (pris en infusion) et de la coke à gogo. sans oublier alcool et shit. Tout le monde a pris les deux. on était tous défoncés; mais j'pense pas qu'il y ait eu de bad trips. » (Ludivine, 20 ans).Comme dans les générations précédentes au même âge, ce sont les stimulants (speed et, dans une moindre mesure, cocaïne) et le MDMA ou les ecstasy qui sont privilégiés ; tandis que le LSD est moins consommé essentiellement par peur d'un bad trip ou d'une décompensation psychiatrique. L'héroïne, perçue péjorativement et restreinte, à Marseille, à des cercles d'initiés serait peu consommée, sinon par des personnes en contact avec des usagers plus âgés qu'elles (25 ans et plus). La voie d'administration majoritairement utilisée reste la voie nasale pour la plupart des produits. L'ingestion est moins répandue et concerne le LSD, le MDMA ou le speed lorsque la prise de ces deux derniers produits est jugée trop douloureuse par voie nasale. De même que chez les usagers plus âgés, on observe une diversité de rapports individuels à l'usage avec la prédominance d'une conception récréative de l'usage : restreinte à un espace temps festif, la prise de produit est plus perçue comme un moyen d'amplifier, d'enrichir, de désinhiber, de prolonger le vécu du temps festif et la sociabilité festive. Comme dans les générations précédentes, l'usage est également investi comme une expérience collective partagée entre pairs, et notamment avec ses amis ; l'usage solitaire et de « défonce » (recherche de l'altération de la perception du réel, de soi et de l'autre, se traduisant par une détérioration momentanée des capacités cognitives et communicationnelles) est plutôt stigmatisé (HOAREAU E., 2004). « L'alcool j'en bois tous les week-ends, l'été peut-être même un peu plus. Le shit et la beuh ça dépend des périodes et des plans. » (Adrien, 21 ans). Sa consommation de produits de synthèse se résume à une prise de cocaïne de temps à autre, et de MDMA lorsqu'il en trouve. Il justifie ainsi son usage : « C'est pas dans un but de se déchirer le crâne ; c'est plus pour passer une bonne soirée, délirer entre potes… C'est vraiment dans un but de partager quelque chose ; en prendre seul, je ne vois pas l'intérêt. » (Adrien, 21 ans). Si l'usage est régulier, il n'est pas systématiquement associé à la sortie festive, et si la polyconsommation est courante, elle n'inclut pas tous les produits disponibles. « Je ne consomme pas à chaque fois, c'est que quand on me propose… ou par moments avec mes potes on achète un truc, quand il y a une occaz'. » (Thomas, 17 ans). Comme dans les générations précédentes également, une minorité de personnes de cette tranche d'âge serait investie dans un rapport problématique au produit caractérisé par des prises de produits en quantité et en fréquence élevées (hors contexte festif de fin de semaine), par le recours à des voies d'administration plus à risques (free base, injection). Les quatre usagers rencontrés dans le cadre cette investigation évoquent des usages plus à risques chez une minorité d'usagers de leur âge, par contre, ils n'en connaissent aucun dans leur entourage. Ce discours « c'est les autres qui prennent plus de risques » est récurrent dans le champ des conduites à risques – du moins en ce qui concerne celui des usages de substances psychoactives. Le fait que, malgré tout, aucun informateur ne connaît des personnes ayant des pratiques d'usage très à risques indique d'une certaine manière qu'elles concernent toujours une minorité de personnes qui évolue peu dans le temps.
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Enfin, comme chez les usagers observés en 2003-2004 (HOAREAU E., 2005), on observe d'une part la même logique d'évaluation de la prise de risque. Ils ne se sentent pas directement concernés par les risques induits par les produits dans la mesure où ils en ont un usage occasionnel (quelques fois par mois ou par trimestre) et ne semblent pas réaliser qu'une consommation occasionnelle peut induire des risques lors de la prise elle-même et qu'elle peut devenir régulière, voire problématique. D'autre part, on note les mêmes processus d'apprentissage collectif et individuel des effets des produits, recherchés, désagréables ou perçus comme dangereux, et de mise en oeuvre de précautions individuelles et collectives (quantité individuelle restreinte, prise en groupe), qui indique une attention aux risques pris. « Mais on en prend de la kétamine que quand on est plusieurs. Et maintenant on fait des petites traces (.) au début on en faisait des aussi grosses que pour le speed ou la coke. Y'a eu 2, 3 bads trips quand même. Mon pote savait plus où il était. il pensait qu'il allait crever et ça nous a un peu fait flipper. » (Louise, 19 ans).
2.3.3 Des modalités de prises de risques renouvelées
Il nous semble que la tranche d'âge des 16-20 ans est concernée par des prises de risques qui ne
sont pas tant nouvelles que renouvelées du fait de l'évolution du marché des produits et des dynamiques d'entrée et d'évolution dans le contexte festif de consommation. Selon une intervenante RDR, « on ne peut pas parler de net rajeunissement des participants : depuis 3-4 ans, il n'y a pas d'évolution majeure. Par contre, le rajeunissement est marqué par rapport à la décennie précédente ». Le rajeunissement relatif des usagers réside plutôt dans une augmentation de la proportion de plus jeunes qui ont toujours été présents dans les espaces festifs techno qui est liée, selon nous, à leur autonomisation par rapport aux participants plus âgés. Cette autonomisation est liée à l'évolution de l'accessibilité à ces contextes d'usages festifs : multiplicité du nombre d'évènements, notamment dans les lieux festifs ordinaires des centres urbains, accès à l'information sur le lieu et la date par internet – sites ou réseaux sociaux - (et non plus par bouche à oreille entre initiés) et par flyers disponibles dans divers magasins généralistes (et non plus dans des boutiques spécialisées). Elle est sans doute également liée à une sorte de vulgarisation de la musique électro techno dans les médias pour divers usages (spots publicitaires, génériques, films, jingle, rubriques et émissions spécialisés sur les fréquences radios ou les journaux les plus utilisés) qui réduit la crainte des plus jeunes – et de leurs parents – à fréquenter ces espaces. En janvier, lors d'une rave où sont présents un grand nombre de mineurs, le régisseur explique que pendant la semaine, plusieurs parents ont appelé pour se renseigner sur le type de soirée et s'il convenait à leurs enfants. Enfin, des lieux, investis régulièrement depuis des années par des organisateurs de free partys ou de raves, sont connus des personnes résidant à proximité ; il n'est donc pas nécessaire aux profanes de connaître des initiés pour s'y rendre. Ainsi, comme le remarque un intervenant de RDR, « Aujourd'hui par rapport aux années 90, n'importe quel ado connaît l'existence des free-party : ça ouvre le champ des sorties possibles à des plus jeunes ». Cette ouverture du champ des sorties possibles pourrait se traduire par des prises de produits chez des novices qui ne sont pas initiés et encadrés par des personnes qui en ont déjà fait l'expérience. Deux exemples sont donnés par les intervenants du TIPI lors de free-partys organisées sur un site utilisé depuis longtemps. Quatre jeunes filles de 13-14 ans, sont venues en stop d'une petite agglomération à proximité ; d'après elles, leurs parents le savaient (le fait qu'elles soient venues en stop en fait douter). L'une d'entre elle a pris pour la première fois de la kétamine ; elle était très agitée, tenait des propos incohérents. Ces trois copines n'ont rien pris, elles pouffaient - comme des ados peuvent pouffer face à un adulte qui leur parle sérieusement - quand le médecin de MDM leur expliquait ce dont il s'agissait. Elles n'ont pas donné de réponse à la question sur la façon dont elles ont appris la tenue de l'évènement. Ces jeunes filles étaient une exception dans la teuf : la plupart des participants ayant entre 17 et 40 ans. L'association a rencontré une situation similaire dans une autre fête où un groupe de quatre garçons de 15-16 ont été accompagnés par le père de l'un d'eux, qui est venu les chercher en fin de nuit. L'un d'entre eux, qui apparemment n'avait jamais expérimenté autre chose qu'alcool et cannabis, a pris ce soir là de la
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kétamine, des amphétamines et du LSD. L'évolution de jeunes non accompagnés d'usagers plus expérimentés s'observe également dans des soirées commerciales. Toutefois, ces observations sont à prendre avec précaution dans la mesure où la présence d'usagers plus jeunes, ne signifie pas nécessairement un rajeunissement équivalent de l'âge d'expérimentation des produits et que ces très jeunes, même s'ils semble plus visibles qu'auparavant, restent très peu nombreux. En effet, lors d'une rave organisée dans l'agglomération marseillaise, une proportion étonnante de mineurs était présente, très peu présentaient des signes d'une prise de produits, sinon d'alcool et de cannabis. Concernant plus spécifiquement la kétamine et la cocaïne, on observe par contre une augmentation de la proportion d'usagers de moins de 20 ans par rapport aux générations précédentes. Chez les générations précédentes de moins de 20 ans, le premier produit était plus stigmatisé et plutôt utilisé par les usagers les plus expérimentés. Du fait d'une moindre stigmatisation et d'une logique de substitution du LSD dont la qualité est perçue comme trop aléatoire, ces dernières années, l'usage de kétamine s'est diffusé dans l'espace festif alternatif et commercial chez les jeunes usagers. Généralement, il semble que cet usage reste dans la limite où la personne est encore en capacité de communiquer et de se mouvoir normalement. « La kéta, j'en prends quasiment à chaque fois que je me perche. Ça me booste, j'ai la tchatche et ça me met super à l'aise. Généralement on finit vraiment perchés ». (Louise, 19 ans). De même, il semble également que l'usage de cocaïne soit plus fréquent qu'auparavant dans cette tranche d'âge. Quelques années avant, son coût réservait plutôt son usage aux usagers les plus âgés et/ou ayant une activité professionnelle régulière. Il semblerait qu'aujourd'hui ce ne soit plus tout à fait le cas. Toutefois, ceci concerne apparemment plutôt les usagers de l'espace festif commercial et leurs consommations ne seraient pas systématiquement associées à la sortie festive. Enfin, la voie nasale serait plus utilisée chez ces jeunes usagers que dans les générations précédentes. L'analyse en terme de prise de risque de contamination au VHC est difficile : si cela souligne la nécessité d'une information précoce sur ce risque, on remarque que les ‘roule ta paille' mis à disposition sur les stands de RDR et leur finalité sanitaire sont bien connus et recherchés par ces usagers.
2.2 Tendances
2.2.1 Des évolutions divergentes des contextes festifs de consommation
Dans l'espace alternatif, on assisterait à un retour de soirées de taille importante avec des free-partys
accueillant plus de 2000 personnes. Ces fêtes illégales d'une telle ampleur avaient quasiment disparu dans les années qui ont suivi l'amendement Mariani (2001) ; le nombre de participants avoisinant plutôt au maximum les 1000 personnes. Cette hypothèse d'un retour de ‘grosses teufs' repose sur deux interventions du Bus 31/32 où étaient présentes environ 3 000 personnes dans chacune. Elles se sont organisées sur des lieux après négociation avec le propriétaire. Elles proposaient une grande diversité musicale, d'où la hardtek était absente (dub, dubstep, drum'n bass, reggae, breakbeat), une décoration avec une grande créativité et l'absence de mur d'enceintes, qui étaient éparpillées autour du dance floor – organisation sonore qui se faisait au début des années 90 et qui a eu tendance à disparaître. Participants et organisateurs étaient principalement âgés de plus 25 ans, voire la trentaine ; selon le coordinateur du Bus 31/32 les plus jeunes en étaient absents car ils ne sont pas attirés par les styles musicaux proposés et/ou n'ont pas eu accès à l'information qui a circulé seulement par le bouche à oreilles – donc entre cercles sociaux des mêmes âges. D'autre part, différents informateurs font état d'une multitude de ‘petites soirées' tous les week-ends ou presque, réunissant entre 100 et 300 personnes. Elles ne sont pas qualifiées de « soirées entre potes » mais de « teuf » dont l'information sur le lieu et la date est diffusée par internet. Certaines d'entre elles, sont organisées par « des petits jeunes », avec un matériel et une technicité médiocre (chaîne hi-fi et enceintes d'ordinateur par exemple), et diffuse une musique de tout aussi piètre qualité. Les personnes qui ont justement connu « la grande époque » des free-partys de plus de 1000 personnes, sont
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consternées de voir de tels évènements annoncés sur Internet comme s'il s'agissait d'une « vraie » free-party. Enfin, selon les intervenants de l'ELF, la consommation de produits se développerait dans des contextes plus intimistes, en appartement ou en pleine nature. Ces moments sont distingués des « apéro » de la semaine où peuvent être consommés d'autres produits que l'alcool et le cannabis en quantité restreinte (souvent pour finir « les restes du week-end »), ainsi que des « before » préalables à une sortie dans un lieu festif. Ainsi, les usages de produits y seraient identiques à ceux pouvant avoir lieu dans des évènements festifs de type rave, free-party, discothèques, concerts. Cet usage dans un entre soi se développerait notamment dans un contexte où la sortie festive est perçue comme trop chère au regard de ses ressources financières. Il reste cependant difficile ici de savoir s'il s'agit d'une tendance émergente ou d'un phénomène qui n'avait pas été observé jusqu'à présent.
2.2.2 Confirmation de certaines évolutions dans les usages de produits
Nous pouvons d'abord revenir sur les évolutions qui semblent concerner les plus jeunes usagers, à
savoir les 17-20 ans, si on les compare aux usagers du même âge des générations précédentes (première moitié de la décennie 2000). Nous avons noté qu'une proportion plus importante de ces usagers consomment de la kétamine et de la cocaïne régulièrement, même si ce n'est pas sur un rythme hebdomadaire. Ceci est lié à un moindre attrait pour le comprimé d'ecstasy et pour le LSD, produits perçus comme étant souvent de mauvaise qualité ou de qualité aléatoire – synonymes de perte d'argent et de risque d'être surpris par les effets - et, concernant le second, comme trop difficile à gérer. Ils recourent également plus au sniff et moins à l'ingestion que ceux des générations précédentes. Enfin, c'est dans cette tranche d'âge que l'on assiste à un retour de l'injection chez des personnes qui sont en situation de grande précarité et de désaffiliation sociale. D'autre part, on assisterait actuellement à une nouvelle étape dans le processus de disparition de la notion de fidélité à un produit ou classe de produit à cause d'un « effet galénique » et d'un « effet qualité perçue » des produits – cependant, la fidélité à une classe de produits s'observe toujours chez les plus âgés et peut s'observer dans quelques années chez ces jeunes observés aujourd'hui. Cette nouvelle étape serait caractérisée par une indifférenciation des classes d'effets dans un contexte à la fois de progression de la galénique poudre, et d'une raréfaction des produits perçus comme induisant suffisamment d'effets pour être appréciés par les utilisateurs. La domination de la galénique poudre et le recul de l'ingestion aurait pour conséquence, au niveau des représentations des utilisateurs les plus jeunes et les plus visibles sur les stands de RDR (17-25 ans), d'englober tous les produits consommables par voie nasale dans un ensemble homogène – estompant ainsi la spécificité des risques qu'ils induisent. De plus, les produits sont perçus comme étant, dans leur grande majorité, de qualité mauvaise et très aléatoire, perception alimentée par le phénomène d'accoutumance, ces usagers seraient aujourd'hui moins dans la recherche d'un type d'effet que d'un produit qui fasse de l'effet. Aussi, la pratique de polyconsommation chez ces jeunes générations serait moins inscrite dans une logique de « défonce » ou de « recherche d'intensité » que dans une stratégie de prise de n'importe quel produit qui puisse modifier l'état de conscience10. Les jeunes usagers décrits en 2008, notamment par l'ELF, comme étant dans une recherche de « défonce », de « se mettre minable », représentaient selon l'association un groupe précis et restreint de dix personnes. Ceci tend à relativiser la tendance évoquée dans le rapport en 2008 quant à la substitution d'une logique festive de l'usage par une logique de défonce, entendue au sens d'altération maximale de la perception du réel. Il n'empêche que le développement, chez les plus jeunes, de l'usage de kétamine et, dans une moindre mesure, de GHB et l'augmentation, certes restreinte, du nombre d'injecteurs et de la visibilité de personnes qui basent la cocaïne posent la question d'une possible évolution du sens de la pratique. En effet, même si l'évolution du sens de l'usage ne se donne pas seulement à voir dans l'évolution des produits consommés, il ne s'agit pas de produits et de pratiques qui stimulent le rapport au monde, mais plutôt la sensation intérieure, le rapport à soi.
10 C'est d'ailleurs un phénomène identique à celui observé chez une grande partie des usagers de l'espace urbain.
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Un autre questionnement concerne l'importance d'une population cachée d'usagers dont la bonne insertion sociale dissimule parfois des pratiques d'usage problématiques et qui recourent plus à la médecine de ville qu'au dispositif spécialisé. Il semble qu'il commence à apparaître dans certaines structures ce type de profil d'usagers qui « n'ont aucun problème » (cf supra p.20). Par exemple, le coordinateur du Bus 31/32 évoque un jeune homme de 20 ans qui consomme de l'héroïne en sniff depuis deux ans ; cet usage s'élève actuellement 5 g par jour. S'il est maçon intérimaire, il gagne 1500 € par mois, il est parfois endetté ; mais n'estime pas avoir de problème avec sa consommation. D'ailleurs, il perçoit le Subutex® comme convenant seulement aux injecteurs. De même, depuis deux ans, sont repérés également des usagers qui fréquentent l'un ou l'autre espace et sont dans des situations sociales instables ou stables, mais qui risquent de basculer dans la grande précarité faute de revenus suffisants et qui, souvent, ont un usage problématique d'un ou de plusieurs produits (usage hors contexte festif de fin de semaine, quotidien ou pluri hebdomadaire). Sont décrits ainsi, des usagers polyconsommateurs, en situation d'insertion sociale, qui ne s'identifient pas particulièrement au mouvement techno et qui peuvent avoir des consommations d'héroïne en soirée dans la semaine. Ces deux types d'observation ne renvoient pas tant à des phénomènes émergents qu'à des phénomènes cycliques, qui sont liés au renouvellement des générations. Toutefois, le contexte actuel de précarisation des jeunes de moins de 25 ans (taux de chômage plus élevé que dans les tranches d'âge supérieures et accru depuis 2008, absence de droit à prestation sociale du type RSA, entraînant des difficultés à se loger et avoir un mode de vie stable) pourrait se traduire par un accroissement du nombre de jeunes usagers cumulant difficultés sociales et usage problématique des produits. Enfin, il nous semble que les participants dansent moins sur le dance-floor ; ce constat est partagé par une vidéaste qui filme les free-partys depuis quelques années. Il est possible que cela soit lié à une offre de produits dominée par les stimulants qui favorisent plutôt la conversation, et non plus par ceux qui amplifient les sensations physiques et sensorielles induites par la musique (MDMA, ecstasy, LSD). Effectivement, il nous semble que les interactions de conversation nous semblent plus fréquentes sur le dance-floor qu'auparavant – les autres espaces de la fête (zone du dance-floor ou de la fête plus éloignée des enceintes, bar, chill-out, véhicules et alentours) ayant toujours été très investis par et pour ces interactions.
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3 Les usages dans les quartiers ‘populaires'
Les données recueillies sur cet espace l'ont été auprès de travailleurs sociaux de l'Association
départementale pour le développement des actions de prévention (ADDAP) intervenant dans les 15e et les 16e arrondissements et de l'association Réseau 13 située dans le 13e ardt. La difficulté majeure dans l'analyse de ces données réside dans le fait qu'une partie des observations concernent les mineurs âgés entre 15 et18 ans. Toutefois, un état des lieux des usages de drogues dans les quartiers du nord est de Marseille réalisé pour le Sleep'in du Groupe SOS, permet de compléter ces données (HOAREAU E., 2010).
3.1 Le contexte des quartiers ‘populaires'
L'exploration du contexte de vie des usagers résidant dans des quartiers paupérisés aide à la
compréhension des signifiants de l'usage et de ceux de l'implication dans la vente de produits psychoactifs illicites. La consommation et le deal de produits concerneraient principalement des jeunes en situation de déscolarisation, de désoeuvrement, qui ont des difficultés à se projeter dans l'avenir et sont peu entourés et suivis par leurs parents.
Les éducatrices rencontrées soulignent à la fois la situation de misère économique et culturelle qui
concerne un nombre croissant de familles et une difficulté de la projection dans le réel chez une partie des jeunes habitants (15-25 ans). Selon l'une d'entre elles, qui exerce depuis 7 ans, cette dégradation de la situation sociale et sanitaire des habitants de ces quartiers est notamment lisible dans l'allongement des durées de suivis individuels, passé d'une moyenne d'un an à plusieurs années. C'est dans cette minorité de jeunes, généralement déscolarisés ou qui ont peu de formation professionnelle et qui peinent à se projeter dans le temps, que l'on rencontre ceux qui sont les plus vulnérables au risque d'entrée dans un usage abusif de produits et/ou dans des activités illicites (deal, vol).
3.1.1 Perte de repères et mésestime de soi
Avant d'être dans ces pratiques, ces jeunes sont souvent déphasés par rapport à la réalité à force de
vivre toutes leurs activités sociales et sociabilité dans le même cadre de vie de la cité ou du quartier, d'avoir un rythme quotidien décalé (fréquentation irrégulière ou nulle de l'établissement scolaire, coucher et lever tardifs, alimentation à des heures irrégulières, pas d'activités), et de manquer de parole de l'adulte qui donne du sens et des limites à ce qu'ils vivent, ce qu'ils voient. Certains jeunes à 15-17 ans ne savent plus lire à force de ne plus le faire et/ou du fait de carences anciennes dans les apprentissages scolaires. Certains ados n'ont pas de repère en terme de limites et d'évaluation des effets bénéfiques ou nocifs sur la santé des consommations (nourriture, boisson, vêtements, ou ‘drogues'), de distinction entre bien être et mal être. Certains ne s'alimentent qu'avec des aliments de restauration rapide, certains ne boivent jamais d'eau mais des boissons gazeuses - certains se disent « allergiques » à l'eau. Il s'agit surtout d'enfants issus de familles monoparentales. Les difficultés socio économiques de ces familles, l'anxiété, la fatigue, le décalage des horaires de travail et des administrations avec ceux des enfants (départs tôt et/ou retours tardifs au domicile, structures administratives et lieu de travail éloignés du domicile), le fait pour certains parents d'être insuffisamment outillés et mal à l'aise dans leur rôle socio éducatif font qu'ils n'arrivent pas assurer complètement ce rôle auprès de leurs enfants. Souvent, c'est d'un autre adulte que le parent (instituteur, directeur d'école, professeur, travailleur social, voisin) que vient cette parole éducative sur les valeurs, les limites et les règles dans le rapport à autrui et le rapport à soi – « à t'alimenter ainsi, à fumer autant tu te fais mal », « si tu es comme ça c'est parce que tu as fumé », « si il a réagit ainsi, c'est parce que tu as fait ça ». La télévision, qui pour beaucoup a été et est encore un loisir majeur dans leur vie quotidienne, joue également un grand rôle dans cette panne de la représentation du réel. Ils « se font des films » sur de
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nombreuses choses sans rapport avec la réalité, par exemple sur les moyens de gagner de l'argent. Si les apprentissages scolaires et les diplômes professionnels ne sont plus synonymes pour beaucoup de réussite sociale à force de voir des adultes au chômage, qu'ils soient peu ou prou qualifiés, le trafic est perçu comme un moyen d'avoir un revenu et un statut dans le quartier. Parmi eux, beaucoup souffrent ou ont souffert de l'absence, de la négligence, du manque de respect, voire de violences physiques ou psychologiques de la part des adultes, qu'ils s'agissent des parents, de grands frères, de la famille adoptive, d'enseignants. Quelques uns, par exemple, ont été adoptés suite au décès des parents ou à leur incapacité économique d'élever tous leurs enfants ; certains parents adoptifs négligent leur éducation, peuvent les maltraiter, ne pas régulariser leur situation en France. La plupart de ces jeunes ont fait l'expérience d'une cassure de la représentation de l'école en tant qu'institution conduisant vers l'insertion socio professionnelle et participant de l'épanouissement personnel. Ils n'ont généralement pas rencontré quelqu'un qui leur ait transmis le goût d'apprendre, la curiosité, le sens de l'effort. Ils ont souvent été confrontés à l'avis défaitiste, dénigrant, culpabilisant et décourageant de certains instituteurs et professeurs, et ont finalement intégré l'image que ceux ci leur renvoyaient comme étant incapables de réussite scolaire, sociale et de « faire quelque chose de bien » dans leur vie. Cette représentation de soi a souvent été confortée par l'incapacité des parents à les aider et les accompagner dans ces apprentissages. Il résulte, chez nombre d'entre eux, une perte de confiance en soi, les rendant souvent méfiants, agressifs, sur la défensive vis-à-vis des adultes. Chez certains, ce sentiment de manque de valeur personnelle est exacerbé lorsqu'ils sortent de leur espace de sociabilité quotidien, et se retrouvent dans l'anonymat de l'espace public ; il s'exprime alors sous forme de bravades lorsqu'ils sont en groupe, sous forme d'un profond mal être lorsqu'ils sont seuls.
3.1.2 Intériorisation du stigmate et difficulté à se projeter dans
l'avenir
Une éducatrice évoque chez ces jeunes le « complexe du pauvre ». Tout ce qui va leur rappeler
leur origine sociale, y compris des acteurs politiques qui pourraient susciter une révolte par rapport à leur situation de difficultés/ exclusion sociale, ils vont le discréditer, s'en méfier. A l'inverse, tout ce qui va représenter l'opposé de leur ‘condition' - la richesse, le pouvoir, la réussite - va les fasciner au lieu de susciter la colère et des revendications de l'ordre de dispositifs d'aide à l'insertion socio économique. Selon l'éducatrice c'est ce complexe, l'image dévalorisée qu'ils ont d'eux-mêmes, de leur famille, de leur quartier, de leur milieu social, qui empêchent l'appropriation de leur existence, la projection positive de soi dans l'avenir et l'élaboration de projets de vie. Elle souligne également que les dynamiques d'intériorisation des stéréotypes et du stigmate collectif finissent par atteindre l'estime de soi et déstabiliser les relations avec celui qui n'est pas concerné/ victime de cette stigmatisation. Dans les services et les institutions, les habitants sont confrontés au regard de professionnels n'habitant pas le quartier, regard souvent très stéréotypé par exemple sur la négligence des parents, l'incapacité à la réussite scolaire des enfants, l'indifférence de tous à l'apprentissage scolaire et à l'insertion professionnelle, l'implication généralisée dans des trafics illicites… De même, la présence et les nombreuses interventions de la police, comme les arrestations fréquentes d'habitants du quartier ou d'autres quartiers identiques, renforcent ces stéréotypes aux yeux des habitants. Ces interactions renforcent, pour une partie des habitants de ces quartiers, le sentiment d'appartenance à une identité collective à part et inconciliable avec une insertion personnelle conforme aux normes sociales. Nombre de jeunes ont ainsi une image très négative, voire honteuse, des habitants de leur quartier ou d'autres quartiers similaires – et donc d'eux mêmes. Par exemple, des garçons disent que lors de rapports sexuels avec des personnes issues de l'immigration et vivant dans le même type de quartier qu'eux, ils mettent le préservatif parce que, dans leur famille, il y aurait sûrement quelqu'un qui est mort du sida ou qui a été « tox ». Par contre, lors de rapports avec des « franco-françaises », ils ne se protègent pas car « chez les franco-français » on parlerait plus de prévention, il n'y aurait pas de « tox » ou de gens qui sont morts du sida ou de l'usage de drogues.
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Cette intériorisation du stigmate de l'incapacité à s'insérer socialement est alimentée en amont par les difficultés rencontrées dans l'apprentissage scolaire, souvent tout au long de la scolarité. A la sortie du collège, nombre de jeunes, soit n'ont pas le niveau pour aller en lycée, soit ont suivi un BEP dans un champ professionnel peu valorisé et dans lequel ils n'ont pas de désir de travailler. Une éducatrice décrit des situations paradoxales où des jeunes demandent à faire des formations qui ne les intéressent pas, mais pour lesquelles ils ont l'impression d'avoir les capacités puisqu'elles sont perçues comme peu difficiles. En outre, ces formations se passent parfois mal du fait de leurs difficultés relationnelles avec l'adulte, confortant l'idée qu' « ils n'y arriveront pas ». L'absence de goût pour une orientation qu'ils ont plus subie que choisie n'est ni favorable à la réussite de l'apprentissage, ni favorable à une perception positive du monde du travail puisqu'ils ont l'impression qu'ils ne peuvent y avoir de place qu'à des niveaux dévalorisés car peu qualifiés. La mésestime de soi et des apprentissages scolaires et professionnels souvent insuffisants ou perçus comme tels font ainsi obstacle à la projection dans un avenir acceptable en terme d'épanouissement personnel et de reconnaissance sociale. Ces « jeunes » percevraient en outre l'existence à travers un prisme de la précarité socio économique et existentielle. Emergerait ainsi un discours des plus jeunes (13-15 ans) qui n'existait pas avant « je n'ai pas d'avenir ». Le « spectacle » de la misère, du chômage et de l'instabilité sociale et économique, leur fait percevoir la précarité et le désoeuvrement comme expérience normale dans l'existence, du moins pour les habitant des quartiers dont ils sont issus. Ce prisme de la précarité est aussi lié au spectre de la mort brutale dans l'histoire des familles dont un grand nombre a un voire plusieurs de ses membres décédés de l'usage de produits, du sida, dans un braquage ou un règlement de compte. Dans ces espaces urbains où l'interconnaissance est élevée, ces histoires de familles font aussi l'histoire du quartier (ou de la cité) et sont un élément dans l'identité collective qui y est attachée, notamment lorsqu'elle se croise avec certaines identités culturelles fortes (Comoriens, Gitans).
3.2.3 Un « cocktail » de pressions sociales
Une éducatrice décrit comment un « cocktail » de pression sociale favorise les passages à l'acte
chez des personnes qui n'avaient jusqu'à présent pas commis d'actes de délinquance. Cette pression sociale se décline tant dans les normes de réussite sociale (activité professionnelle régulière, mobilité résidentielle, fondation d'une famille), que dans la pesanteur du regard des autres habitants (exposition permanente au risque de jugement d'autrui du fait de la configuration architecturale et de l'interconnaissance depuis de nombreuses années), et les obligations plus ou moins explicites envers la famille et la fratrie cadette notamment (participation à l'économie familiale, à l'éducation des plus jeunes, aux démarches). Elle évoque ainsi la situation schizophrénique dans laquelle certains jeunes, les aînés notamment et plus particulièrement dans les familles monoparentales, sont pris, entre d'une part, la vie dans le quartier, les difficultés socio économiques et la nécessité d'aider leur famille, et d'autre part, leur vie à l'extérieur de la cité, leurs projets personnels et leurs expériences sociales qui se distinguent de celles de leurs proches. Elle donne ainsi l'exemple d'un jeune homme qui vient de réussir son BTS, souhaite devenir comédien à Paris et à débuté à l'Opéra : son projet de vie est atypique au regard de celui de ses pairs, mais il est également en décalage avec la prescription qui lui est faite de subvenir aux besoins de la famille. Cet ensemble d'impératifs sociaux, de contraintes familiales, de contrôle social des conduites et de limites objectives dans la possibilité d'épanouissement personnel aboutit chez certaines personnes à des « court circuits ». Autrement dit, certains en viennent à des conduites incohérentes au regard de leur personnalité, de leur parcours et de leur situation, mais qui sont symptomatiques d'une crise de sens et/ou d'une décompensation induite par leur contexte de vie. Pour exemple, un jeune homme qui travaillait au centre social en tant qu'animateur, n'avait jamais fait de « bêtises », dont le salaire était une ressource pour l'ensemble de la famille, et qui assurait un rôle éducatif auprès de ses jeunes frères, a commis un braquage dans le supermarché du quartier.
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Les situations où de jeunes adultes se trouvent ainsi coincés par la prescription qui leur est faite et son intériorisation d'aider leurs parents, notamment leur mère, à subvenir aux besoins de la famille, sans qu'il y ait de place pour leur épanouissement personnel, sont ainsi fréquentes dans ces quartiers pauvres. Dans cette situation, la participation au trafic est une façon de se dégager d'une situation perçue comme enlisée et d'assurer son rôle social au sein de la sphère familiale, de façon plus stable qu'en alternant périodes de chômage et périodes d'emploi.
3.2 Les usages du cannabis, des autres produits illicites et des
traitements de substitution
L'importance du nombre d'usagers et les niveaux de consommation varient d'un quartier à l'autre.
Dans certains, les jeunes consommateurs (14-16 ans) représentent la minorité la plus fragile des gens de cet âge (avec une majorité pour qui tout va bien tant sur le plan familial, économique, scolaire), dans d'autres quartiers, plus paupérisés, ils représentent une majorité. Les « séjours » en prison généralement pour des petits actes de délinquance, auraient pour effet, à la sortie, d'accélérer l'entrée dans l'usage, de quelque produit qu'il s'agisse – illicite ou médicamenteux - ou d'augmenter le niveau d'usage antérieur.
3.2.1 La prédominance du cannabis et de l'alcool
Le cannabis C'est ce produit qui reste apparemment le plus utilisé dans ces quartiers, vraisemblablement après le tabac mais avant l'alcool. Comme dans d'autres milieux sociaux, son usage « concerne principalement des jeunes hommes âgés entre 16 et 30 ans, et, dans une moindre mesure, des femmes, des adolescents (13-15 ans) et des hommes de plus de 30 ans » (HOAREAU E. 2010). Toutefois, différents profils d'usagers se distinguent, bien qu'il reste difficile d'estimer leur importance quantitative respective. Il peut d'agir d'une consommation quotidienne seulement de fin de journée après le travail (une majorité des fumeurs quotidiens) ou tout au long de la journée, y compris pendant le travail. Ce peut être une consommation quotidienne et tout au long de la journée pour faire face au désoeuvrement, notamment pour ceux qui jouent un rôle dans le réseau de trafic – en attendant le client ; consommation qui peut être restreinte à la soirée en période d'emploi. Il peut s'agir aussi d'une consommation occasionnelle, en contexte festif, chez des personnes ayant une activité professionnelle régulière. Certains fument seulement du cannabis. D'autres l'associent à de l'alcool. Depuis peu, certains l'associeraient également à de la cocaïne. Parmi ceux qui ont un usage quotidien tout au long de la journée et une absence quasi-totale d'activités autres que la sociabilité entre pairs et quelques sorties dans le centre ville, certains ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas fumer dans le cadre d'une activité professionnelle ou des chantiers d'insertion proposés par les travailleurs sociaux. Les effets du cannabis sont tellement un état permanent, qu'ils ne s'aperçoivent plus de l'altération de leur capacités physiques et mentales. Sur les chantiers d'insertion, certains sont tellement « enfumés » qu'ils sont rapidement fatigués (« tenir un pinceau plus d'une heure les épuise »), n'arrivent pas à rester concentrés longtemps et à travailler 7h dans la journée. Les travailleurs sociaux qui connaissent parfois ces jeunes – et moins jeunes – depuis des années, observent que cet usage quotidien déconnecte encore plus de la réalité, ceux qui manquent déjà de repères dans le rapport à soi, à l'autre, à la vie collective, du fait de carences affectives et dans l'apprentissage, d'une souffrance psychique et d'un décrochage scolaire ancien. Les travailleurs sociaux ont évoqué, comme ceux rencontrés en 2008, un rajeunissement général de l'usage : rajeunissement de l'âge d'expérimentation de cigarette et du cannabis dès la 6e (11-12 ans) et de l'entrée dans un usage quotidien de cannabis à 14-15 ans. Se pose ici la question du rapport entre la visibilité et l'attention donnée à un phénomène, et d'autre part son ampleur réelle. En effet, l'enquête ESCAPAD (LEGLEYE et al., 2009), par exemple, ne rend pas compte de ce rajeunissement de l'âge
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d'expérimentation11 et le discours sur le rajeunissement est un poncif chez les observateurs des usages
de produits – nous n'y échappons sans doute pas. Il reste que l'on peut également faire l'hypothèse d'un
micro phénomène restreint aux quartiers paupérisés de Marseille, pouvant être corrélé, entre autres, à un
phénomène de décrochage scolaire12 particulièrement important dans les Bouches du Rhône et, en
l'occurrence, à Marseille.
Ainsi, pour l'année scolaire 2007-2007, sur l'ensemble des établissements publics du second degré en
France métropolitaine, « le taux d'absentéisme moyen reste relativement stable » et « les collèges
connaissent presque deux fois moins d'absentéisme que les lycées d'enseignement général et
technologique et quatre fois moins que les lycées professionnels ». Il est souligné également que les taux
d'absentéisme varient de moins de 2% à 15% selon les établissements (DEPP, 18 juin 2009). Par contre,
selon un document non officiel de l'inspection académique daté du 30 juin 200913, dans les Bouches du
Rhône, « ce sont plutôt des collégiens qui sont absentéistes » et « 75,8% (d'entre eux) sont scolarisés à
Marseille ». Contrairement au niveau national, cet absentéisme des collégiens « s'inscrit dans un cycle
d'aggravation régulière depuis 4 ans » : « 1073 absents en 2005/2006, 1307 en 2006/2007, 1285 en
2007/2008, 1564 en 2008/2009, la part du hors Marseille étant stabilisée autour de 450 par année ». En
fait, « la diminution est constante si l'on considère (les quatre) types d'absentéismes14 » mais pour les
types A3 et A4 – les plus lourds – « les données (de 2008-2009) révèlent une augmentation nette de
19,8% par rapport à l'année 2007-2008 et de 37,6% par rapport à l'année 2005-2006 ».
Durant ces temps, où ils sont hors des établissements scolaires, à l'instar des jeunes adultes sans
emplois, les jeunes sont particulièrement vulnérables à la sollicitation par d'autres déjà impliqués dans le
trafic, parce qu'ils sont désoeuvrés, s'ennuient car leurs copains sont restés dans l'établissement et que
c'est l'occasion de « se faire quatre sous » en échange d'un menu service (guetter, aller chercher une
boisson, un sandwiche, rabattre les clients). La Brigade des stupéfiants rapportent deux cas où les jeunes
interpellés avaient été forcés de participer au trafic (une paire de claques, menaces). ESCAPAD repère ce
lien entre situation scolaire et usage de produits psychoactifs – bien qu'il s'agisse de jeunes âgés de 17
ans : « les jeunes en apprentissage et ceux qui sont sortis du système scolaire sont plus nombreux que
les jeunes élèves en filière générale, technique ou professionnelle à déclarer fumer quotidiennement,
boire régulièrement de l'alcool, connaître des ivresses répétées, fumer du cannabis ou avoir pris de la
cocaïne au cours de la vie » (LEGLEYE et al., 2009).
L'alcool
Les informateurs rencontrés sont également préoccupés par l'impression d'une élévation de la
consommation d'alcool, principalement chez des hommes. Elle concerne des pères de famille (25-40 ans)
et des jeunes hommes (16-25 ans). Chez ceux qui ont une activité professionnelle l'usage est parfois
quotidien mais réservé à la soirée. Par contre, chez une partie de ceux qui sont désoeuvrés, l'usage se
ferait dans la journée, en association parfois avec le cannabis. Certaines femmes, généralement mères de
famille, seraient également concernées.
L'alcool le plus consommé serait la bière ; par contre les plus jeunes privilégieraient les alcools forts,
parfois mélangés à des energy drink.
11 L'enquête ESCAPAD est conduite annuellement par l'OFDT auprès d'adolescents de 17 ans lors de la journée d'appel à la préparation à la défense (JAPD). A partir de 2000, les âges moyens d'expérimentation de tabac (13,8 ans pour les garçons ; 13,6 ans pour les filles) et de cannabis (15,2 ans pour les garçons ; 15,4 ans pour les filles) ont diminué jusqu'à 2005. Ils ont ensuite augmenté jusqu'en 2008 : 13,7 ans chez les garçons et 13,4 ans chez les filles pour le tabac ; 14,9 ans chez les garçons et 15,1 ans chez les filles pour le cannabis. (LEGLEYE et al., 2009) 12 Le décrochage scolaire définit la situation où un « élève quitte l'institution scolaire, abandonne ses études, arrête le cursus en cours avant qu'il ne soit terminé. (Ce terme est utilisé notamment) lorsqu'il est question d'élèves ayant dépassé l'âge de la scolarité obligatoire », CRDP de Grenoble, www.educasources.education.fr 13 Cité par P. Wallez, journaliste à La Provence et commenté par Jean-Luc Bénéfice, inspecteur d'académie en poste depuis octobre 2009 – nous n'avons pu avoir accès au document. « 250 000 familles privées d'allocations familiales ? », provenceducation.com 14 Quatre types d'absentéisme : A1, moins de 15 demi journées d'absence ; A2, entre 15 et 30 demi journées ; A3, de 40 à 74 demi journées ; A4 plus de 74 demi journées.
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3.2.2 Diffusion de la cocaïne
Le développement de la vente de cocaïne aux côtés du cannabis dans certains réseaux de vente
ces dernières années, se traduit par une expansion des usages dans les quartiers populaires. Cette expansion de l'usage reste cependant bien en deçà de celui de cannabis et il est fort probable que, même chez les usagers les plus assidus de cannabis, il y persiste un fort rejet de la cocaïne. « Perçu comme beaucoup plus mortifère et risqué en terme de marginalisation sociale, l'usage de cocaïne, de même que sa vente, ne sont pas valorisés comme ceux du cannabis – qui ont, en outre, un ancrage culturel pour ces populations principalement originaires du Maghreb et des Comores » (HOAREAU E., 2010) Là encore, sont repérés trois profils d'usagers pour lesquels l'usage n'est pas synonyme des mêmes prises de risques : - des personnes âgées entre 20 et 35 ans, ayant une activité professionnelle et des revenus réguliers, qui le consomment par voie nasale et dans un contexte festif (soirées privées, sorties en boîte) ; - des personnes souvent plus jeunes, impliquées dans le trafic de cannabis et, parfois, de cocaïne – produit parfois proposé lors de l'achat de cannabis – qui la consommeraient de façon occasionnelle grâce à la rémunération du trafic. Des informateurs font cependant l'hypothèse que certains commencent à la consommer en journée « pour s'occuper » et qu'ils pourraient s'impliquer d'avantage dans le trafic pour pouvoir en consommer ; - des personnes rencontrées dans les structures bas seuil du centre ville, qui suivent, régulièrement ou pas, un traitement de substitution aux opiacés et consomment la cocaïne, le plus souvent, en injection et seulement dans les premiers jours du mois. Parmi les deux premiers profils, sont également repérées des personnes qui associent usage de cocaïne et jeux d'argent dans des établissements spécialisés, et des personnes qui l'associent à des sorties dans des maisons closes à la frontière espagnole. La consommation de cocaïne chez les plus jeunes (16-18 ans) sans activité professionnelle pose toutefois plusieurs questions :
celle des ressources financières : cela signifierait que la rémunération du rôle dans le deal est soit suffisamment élevée pour acheter de la cocaïne et les autres biens de consommation courantes (y compris ceux à destination de la famille) qui motivent, entre autres, l'entrée dans le trafic, soit que les personnes font des choix entre ces biens de consommation et la consommation de cocaïne au bénéfice de celle-ci ;
celle de l'attitude des plus âgés et impliqués dans le réseau face à l'usage de cocaïne par les plus jeunes : aux dires de travailleurs sociaux ayant résidé ou résidant dans ces quartiers depuis longtemps, à l'époque du trafic d'héroïne, les vendeurs et les consommateurs « de poudre » (par distinction avec le cannabis) éloignaient les plus jeunes et les novices ; il semblerait qu'aujourd'hui ces précautions ne se prennent plus ;
celle – qui peut fournir un élément de réponse à la question précédente - de la fonctionnalité de la cocaïne en situation de travail que peut représenter le trafic : stimulation de la communication avec le client (confiance en soi, logorrhée) et de la vigilance aux alertes ;
celle, enfin, de l'application de stéréotypes (la ‘coke' induit la surexcitation, la difficulté à se concentrer, l'agressivité) par les informateurs sur des conduites qui peuvent être symptômes d'autre chose que l'usage de cocaïne (soucis personnels et familiaux, mal être, anxiété).
Une dernière question, et non la moindre, est celle de l'ampleur et de la vitesse de cette diffusion de l'usage de cocaïne. S'il reste délicat, en l'état actuel de nos connaissances de l'évaluer, les différents interlocuteurs rencontrés sur les quatre arrondissements des « quartiers nord » s'accordent sur une expansion de cet usage au cours des deux dernières années.
3.2.3 Les traitements de substitution
Ces substances sont principalement utilisées par des personnes fréquentant les structures bas
seuil et les CSST du centre ville. Il s'agit des anciens injecteurs ou injecteurs occasionnels de plus d'une trentaine d'années décrits précédemment. Certains sont pères de famille et ont une activité
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professionnelle régulière ou non ; d'autres sont hébergés par la famille. Il s'agit donc d'usagers qui sont dans des situations sociales plus stables et moins précaires que ceux rencontrés dans les structures bas seuil du centre ville. Des moments de consommation collective de produits en injection en appartement, dans des cages d'escalier ou dans l'espace public, sont néanmoins rapportés par des usagers ou supposés par le voisinage au vu d'objets jonchant le sol (matériel d'injection, bouteilles et cannettes d'alcool, matelas indiquant une présence régulière) (HOAREAU 2010). Il y aurait également des rumeurs concernant des primo consommateurs de Subutex® âgés d'une vingtaine d'années.
3.2.4 Elaboration de signifiants et de limites à l'usage et situation de
relégation sociale
Selon une éducatrice, les fumeurs quotidiens de cannabis qu'elle rencontre (15-25 ans) parlent
d'un usage « pour (se) démonter la tête », soit un usage où la réflexion est anesthésiée, le questionnement et la projection dans le temps inhibés. « C'est facile de questionner sa consommation quand on a des références culturelles pour la mettre en perspective ». Mais chez les consommateurs des quartiers paupérisés, cette culture est insuffisante, absente ou du moins n'est pas positive, car imprégnée d'une histoire collective et de stéréotypes négatifs. Non seulement il n'y a pas de langage élaboré sur l'usage, sinon celui de « se démonter la tête », mais « il n'y a pas de fenêtre » qui motive, donne sens à l'arrêt ou à la gestion de la consommation. Le sens investi dans l'usage n'est pas positif, il n'accompagne ni n'agrémente un moment sur un mode ludique ou de détente, mais il comble un vide d'activité et un sentiment d'absence de perspective. Ceux, fragiles sur le plan socio affectif et psychologique, qui commencent le trafic, courent le risque de « l'abrutissement » par une consommation excessive de cannabis. La participation au trafic permet de consommer plus facilement (revenu, paiement en cannabis, parfois avance en cannabis) et l'ennui pendant l'attente du client favorise la consommation. D'autre part, le temps passé « au charbon » sacrifie toutes les autres activités qui stimulent sa réflexion et son épanouissement. Cet abrutissement n'est pas seulement une caricature : l'éducatrice décrit des jeunes adolescents rencontrés, qui sont incapables d'avoir une discussion cohérente tant ils ont fumé et tant leur vie sociale et intellectuelle s'est appauvrie. Seuls les échanges ayant trait au trafic ou lors des transactions avec les clients restent assurés puisque leur vie et leur réflexion s'organisent autour de cette activité. Enfin, ces usagers ne sont pas en contact ou très rarement - lors d'évènements festifs, dans l'établissement scolaire ou organisés par des clubs de loisirs -, avec des acteurs spécialisés dans la réduction des risques liés à l'usage. De fait, leur perception des risques s'élabore plus dans les interactions entre pairs, dans l'observation d'usagers plus âgés et/ou d'autres espaces de consommation (quartiers du centre ville, raves), et dans ce que leur donnent à voir les médias, que sur la base d'informations objectivées et dans le cadre d'interactions avec des intervenants spécialisés. Selon les intervenants, la mise en scène de l'usage de substances illicites dans les médias (presse, radio, émission, films et clips musicaux) tend à dédramatiser les prises de risques qu'il induit plus qu'à sensibiliser les personnes.
3.1 Dynamiques autour de la vente de cannabis et de cocaïne
Dans la plupart des quartiers du nord est de Marseille, les usagers non impliqués dans la vente
sont plus nombreux que l'inverse. Dix ans auparavant, les dealers consommaient rarement. Aujourd'hui, ceux qui vendent peuvent consommer, mais ceux qui ont des niveaux de consommation de produit trop élevés ne manipulent ni l'argent, ni le produit, et sont plutôt guetteurs – parfois après avoir été vendeurs. Certains jeunes impliqués dans le trafic et qui cumulent les difficultés (socio affectives, psychologiques, économiques, scolaires) demandent parfois aux intervenants d'aller en foyer ou cumulent les petits actes de délinquance pour y être placés. Ils perçoivent les foyers comme des lieux plus sécurisés que leur cité, tant sur le plan socio affectif que sur le plan économique.
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3.3.1 L'implication dans le trafic : source de ressentis paradoxaux
Selon les travailleurs sociaux, l'implication dans le trafic n'est pas un « va de soi », une banalité
pour les jeunes comme pour leurs parents. Certes, certaines personnes impliquées et certaines familles dont un proche ou tous les membres de la famille le sont, ne sont pas dans des questionnements sur les valeurs et n'en ressentent aucun scrupule. Mais dans la plupart des cas, cette implication suscite des conflits de valeurs opposées entre avoir une utilité socio économique et source illicite du revenu, des sentiments de honte sociale et de contrainte dans une logique de survie. Nombre de jeunes culpabilisent de voir leurs parents, souvent leur mère seule, « galérer » pour subvenir aux besoins de la famille, alors qu'eux-mêmes, qu'ils aient un niveau de qualification faible ou un diplôme élevé, ne peuvent les aider durablement et de façon stable par l'obtention d'un emploi. L'implication même ponctuelle dans le trafic leur permet à la fois d'assurer un rôle économique dans l'alimentation, le logement et l'éducation de leurs frères et sœurs plus jeunes, mais aussi d'améliorer les relations au sein de la famille et de moins se sentir « un poids » pour elle. Dans un contexte de précarité, voire de misère, l'argent obtenu grâce au trafic représente ainsi un apport que les parents sont en difficulté de refuser, tant sur le plan économique, que sur le plan symbolique et affectif de la participation de l'enfant à l'économie familiale. Pour autant, selon les travailleurs sociaux, nombre de mères/ de parents culpabilisent de « sacrifier un de leur enfant » au réseau pour assurer les besoins de l'ensemble de la famille. Cette culpabilité tient d'un sentiment de leur propre incompétence à subvenir aux besoins de la famille qui éviterait ce sacrifice et à avoir suffisamment outiller leur enfant pour qu'il puisse s'insérer professionnellement et socialement. Elle s'exprime aussi sous la forme d'un sentiment de déshonneur vis-à-vis des proches et de la part des proches : les frères et sœurs cadets parlent souvent de leur honte de voir leur grand frère dans le réseau, bien qu'ils en comprennent la nécessité économique. D'autre part, il semblerait que le réinvestissement du revenu ainsi gagné dans l'économie familiale ne serait pas aussi régulier ni d'un montant aussi élevée que ce que l'on peut penser. Dans les faits, tous les revendeurs, notamment les plus jeunes, ne participeraient pas aux besoins (alimentaires, scolaires, médicaux) de la famille, et ceux qui y participent ne le feraient pas de façon systématique comme ils pourraient le faire avec de l'argent obtenu par un biais licite. En fait, cet argent reste ‘sale' : il est dépensé plus souvent dans une logique de consommation éphémère et immédiate (sandwiches + canettes, vêtements, téléphonie mobile, lecteurs MP3…) que dans une logique d'accumulation de capital et d'investissement à long terme pour subvenir aux besoins de la famille (par exemple, en payant des frais de scolarité ou de formation professionnelle, en achetant une voiture aux parents pour faciliter l'activité professionnelle), logique à long terme que l'on peut observer dans d'autres milieux sociaux. Cette logique, croisée d'une intention ostentatoire, est illustrée, au niveau plus élevé du trafic, par l'achat de voitures neuves et particulièrement coûteuses. Elle explique également que ces petits revendeurs puissent dépenser tout ce revenu dans l'achat de cannabis qui leur permettra de passer le temps et de ne pas trop penser au conflit de valeurs. Ces sentiments et cette logique témoignent que si le trafic peut être perçu comme une activité commerciale en terme d'organisation, de logique « professionnelle », et d'acquisition de compétences par ceux qui y sont impliqués, il n'en reste pas moins problématique du point de vue des valeurs légitimes, (opposition entre « travailler » et « aller au charbon/ charbonner ») et de l'image de soi auprès d'autrui (« l'honneur »). Pour eux-mêmes comme pour leur entourage, cela reste des pratiques déviantes et comportant un risque important sur les plans pénal, de la sécurité et du déshonneur. De même, les habitants dont aucun proche n'est impliqué dans ces pratiques expriment, souvent avec violence, leur colère et leur rejet envers ces pratiques, perçues comme participant la stigmatisation dont ils font l'objet. Ainsi, dans un contexte de pauvreté et de ressources insuffisantes pour se pouvoir élaborer des projets d'avenir, l'usage et la participation au trafic seraient moins « banalisés » que mis en équivalence avec des consommations et une activité professionnelle licites et justifiées par leur rationalité sous jacente, sans cependant les percevoir comme ‘banales' ou normales.
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3.3.2 Un rajeunissement des petits revendeurs et des guetteurs ?
Par rapport à la fin des années 90, différents informateurs observent un rajeunissement des
guetteurs et des vendeurs. Cette évolution se traduirait d'une part, par une visibilité plus importante de jeunes de 13-15 ans impliqués dans le trafic, même s'ils restent une minorité, alors qu'avant la tranche d'âge des vendeurs était plutôt entre 17 et 20 ans. Elle est décrite aussi en terme d'augmentation de la proportion de plus jeunes (moins de 15 ans) impliqués dans la vente : auparavant ils n'étaient pas autant nombreux t restés plutôt cantonnés au rôle de guetteurs. Plusieurs explications en sont données qui permettraient de justifier ce constat récurrent de la part des professionnels de l'intervention sociale. Ce rajeunissement est mis en relation avec l'absentéisme scolaire qui est en augmentation dans les collèges de Marseille (cf. supra). Ce départ précoce du système scolaire (parfois dés la 6e) n'est pas forcément consécutif à l'entrée dans le réseau de trafic mais lui succède ou lui est corrélatif. Des jeunes hommes déjà investis dans le trafic feraient également travailler leur petit frère pré adolescent et généralement désoeuvré, dans une double stratégie de l'occuper et de « placer » un membre de la famille dans l'activité commerciale - à l'instar de ce qui s'observe dans l'activité licite, généralement pour des jeunes plus âgés. Le racolage des plus jeunes consiste à leur faire « faire l'avion », autrement dit leur demander des services plus ou moins grands (de l'accueil des clients pendant que le vendeur va au toilettes à un déplacement d'un « savon » de shit d'un bâtiment à l'autre) en échange d'une cannette de boisson, d'un peu d'argent ou de cannabis pour ceux qui sont déjà consommateurs. Une autre éducatrice avance une explication structurelle à cette évolution valable au moins pour le territoire (cité) sur lequel elle intervient. Elle observe que ce rajeunissement des vendeurs et des guetteurs est consécutif à l'incarcération progressive des plus âgés qui s'occupaient de la vente et du guet, autrement dit de la génération précédente. Les entrées dans le trafic ou ses sorties et la progression dans l'échelle des responsabilités se feraient donc au rythme des incarcérations et des sorties de prison. En fait, le rajeunissement se ferait en cascade d'un échelon à l'autre de l'organisation et s'enchâsse dans des rapports intergénérationnels, quels que soient les âges respectifs. Récemment, un gérant a été incarcéré : les guetteurs de 12-13 ans sont devenus « charbonneurs », alors que les précédents étaient plus âgés. Dans la même période, elle croise un gamin de 9 ans porter d'un bâtiment à l'autre deux ‘savons de shit', elle n'en avait pas vu de si jeunes « faire l'avion ». Ses « grands frères » sont plus jeunes qu'auparavant : lorsqu'ils étaient âgés de 15-16 ans, ils sollicitaient des plus jeunes de 12-13 ans ; lorsque ce sont les 12-13 ans qui sont devenus vendeurs, ils ont sollicité des gamins d'une dizaine d'années. Si les âges restent ici à préciser, l'effet des incarcérations et des rapports intergénérationnels reste opérant pour expliquer le rajeunissement apparent des jeunes impliqués dans le trafic. D'autre part, ces guetteurs et ces vendeurs plus jeunes s'exposeraient plus aux risques sanitaires et judiciaires du fait que si, pour ces jeunes, le trafic a toujours été visible depuis qu'ils sont petits (personnes impliquées, lieux, conflits internes, présence/ intervention de la police), ils n'ont pas toujours suffisamment connaissance des normes, des techniques et des stratégies qui le régissent. D'après l'éducatrice, depuis que le gérant est en prison, le niveau de consommation des petits « charbonneurs » se serait élevé. Etant dans une phase d'expérimentation de l'usage et n'étant pas cadrés dans leur consommation par leur supérieur, ils n'ont souvent pas de limite dans la consommation de cannabis et « s'abrutissent » à force d'en fumer. En second lieu, ils ne sont pas formés à la stratégie quasi politique de discrétion, de partage de l'espace commun (cages d'escaliers, entrée d'immeuble) et de limitation des nuisances envers les habitants, qui permet de préserver la cohabitation et d'éviter que les habitants ne soient trop hostiles au trafic. Pour exemples, au lieu de sortir une ou deux barrettes dans leurs mains, ils les alignent toutes sur le trottoir devant le client ; lors d'une intervention policière, au lieu de partir le plus rapidement possible et de tout abandonner sur place, un jeune a d'abord pris tout le sac de barrettes. Dernièrement, la visibilité du trafic a diminué, suite aux rappels à l'ordre du gérant depuis la prison. Le gérant ne peut plus assurer son rôle de socialisation aux règles du trafic, ni contrôler et « mater » celui qui dérape dans son rôle (consommation abusive, ‘pioche' dans ‘la caisse', trafic à son compte, nuisances envers les habitants). Ceci pourrait expliquer le constat que font des travailleurs sociaux et des employés des organismes de location dans certains bâtiments d'une augmentation des attitudes agressives et de contrôle des entrées et sorties et des nuisances matérielles dans les cages d'escalier et les ascenseurs.
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IV. Approche par produits psychoactifs
1. Les opiacés
L'héroïne
Disponibilité
La disponibilité de l'héroïne serait réduite mais moins aléatoire qu'auparavant. Elle reste peu consommée
sur Marseille et dans des cercles restreints. Dans l'enquête OPPIDUM 2008, seuls 4% des usagers en
consomment, alors qu'au national, 18% des usagers sont concernés.
En même temps, des indicateurs font supposer une légère augmentation de sa disponibilité. En 2009, la
Brigade des stupéfiants de Marseille évoque trois affaires d'environ 100g d'héroïne chacune ; il n'y avait
plus eu de saisies de telle ampleur et de façon si rapprochée dans le temps depuis longtemps. L'Unité de
Prévention Urbaine évoque des interpellations de personnes originaires d'Irak et d'Afghanistan pour trafic
d'héroïne. Les usagers qui fréquentent les structures de première ligne la trouveraient de façon constante
et aux mêmes points de vente que ceux de la cocaïne (centre ville et nord est de Marseille), soit vendue
par des réseaux structurés (pas seulement en petite quantité par des usagers revendeurs). Mais cette
dernière information reste à vérifier : les personnes interpellées par la Brigade des stupéfiants pour vente
sont toutes usagères du produit. A Aix en Provence, elle serait plus présente dans l'espace urbain.
Selon les informateurs et les quartiers, la version sur la vente d'héroïne diffère. Dans une cité, qui a
longtemps été une « plaque tournante » de ce produit, il n'y aurait actuellement pas de vente car le trafic
n'est pas suffisamment structuré pour organiser la filière ; elle reste aussi perçue comme un « sous
produit », un produit de « tox », dont la vente n'est pas aussi ‘prestigieuse' que celle de cocaïne. Dans
une autre cité, située non loin d'un axe autoroutier, il y aurait un peu de vente. Usagers et revendeurs
restent peu visibles dans ces quartiers.
Dans l'espace festif, ce produit est rarement observé, signe à la fois de la persistance d'un tabou mais
également d'une disponibilité restreinte. En général, les consommateurs l'ont achetée en ville avant la
soirée. Par contre, selon deux intervenants et de façon plus marquée qu'auparavant, différents profils
seraient concernés, et il serait plus fréquent d'entendre parler de sniff et d'inhalation de ce produit.
Elle serait le plus souvent brune ; mais seraient également disponibles de l'héroïne beige et de l'héroïne
rose. La blanche serait quasiment introuvable. La qualité serait le plus souvent médiocre. Le prix avoisine
les 40€ /g, autant dans l'espace festif que dans l'espace urbain. Selon la Brigade des stupéfiants, le prix
serait plus élevé : les personnes interpellées le revendaient entre 60 et 80 €/g.
Profils d'usagers et représentations du produit
Dans l'espace urbain, l'héroïne est peu présente dans les usages. La majorité des usagers du bas seuil
n'auraient pas les moyens de s'acheter ce produit, sinon en début de mois. Il s'agit d'anciens injecteurs
(35-50 ans) aujourd'hui en TSO, des usagers plus jeunes et insérés qui ont consommé des opiacés
toujours occasionnellement, et des jeunes usagers en grande précarité.
Dans l'espace festif, la persistance d'un tabou sur l'usage de ce produit indique sans doute sa faible
diffusion. Cet usage serait plus visible chez les usagers habitant dans et à proximité de l'agglomération
marseillaise – elle serait peu utilisée par les usagers des zones peu urbanisées. Il s'agit de personnes en
insertion sociale ou en précarité. Une distinction est faite selon les générations d'usagers. Chez les 30-40
ans, ce sont des expérimentations par des personnes ayant une longue trajectoire dans l'usage
(stigmatisation du produit) ; certains se retrouvent en difficulté pour gérer leur consommation alors qu'au
départ ils pensaient pouvoir contrôler du fait de leur expérience. Chez les 20-30 ans, c'est un produit
expérimenté parmi d'autres, qui n'aurait pas de statut spécifique ; son usage est moins tabou que chez les
générations précédentes au même âge.
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Un autre profil est décrit qui ne s'identifie pas forcément à la culture festive techno, même s'il peut en fréquenter les évènements. Ainsi, il est décrit un groupe de travailleurs intérimaires, pour lesquels il s'agit d'un usage festif occasionnel, en soirée de semaine ou en retour de fête ; il n'a pas forcément pour cadre un contexte festif de grande ampleur, mais une soirée en appartement. Au niveau des représentations du produit dans l'espace festif, chez les non usagers, il reste perçu comme rendant vite « accro », y compris, comme cela est décrit à Aix-en-Provence, chez des jeunes de 20-25 ans, qui préfèrent prendre de la méthadone ou du Subutex®. Les usagers le perçoivent de façon ambivalente : produit mythique et fortement addictogène, dont il est possible d'avoir un usage régulé. Modalités d'usage et problèmes sanitaires Dans les structures bas seuil, la voie d'administration privilégiée est l'injection ; par contre, les personnes interpellées par la Brigade des stupéfiants (anciens injecteurs) l'utiliseraient en sniff. Dans l'espace festif, ce sont le sniff et l'inhalation qui dominent. Dans l'espace festif, sont décrits différentes fréquences et temporalités de l'usage et façons dont il s'insère dans le panel des autres produits consommés. Il peut être occasionnel ou régulier en descente, ou réservé au début de soirée, produit principal dans une soirée privée, produit consommé occasionnellement en association avec d'autres produits (un usager de 28 ans), ou produit consommé au quotidien soit seul, soit en association (un usager de 27 ans). L'association la plus couramment pratiquée est l'adjonction de cocaïne à l'héroïne (speedball). Le premier profil serait beaucoup plus répandu que le second. Les intervenants de l'espace festif soulignent qu'ils rencontrent plus souvent des usagers réguliers en sniff qui parlent de leur difficulté à gérer leur consommation et des crises de manque. Dans les squats, seraient parfois disponibles des échantillons d'héroïne ayant des dosages plus élevés que d'habitude. Il y aurait eu plusieurs overdoses.
La buprénorphine haut dosage (BHD ou Subutex®) et le générique Arrow®
Sa disponibilité est constante dans l'espace urbain. La plupart du temps, les usagers se le procurent sur
ordonnance. Certains recourent au marché noir, soit parce que ce mode d'accès aléatoire est investi
comme un mode de régulation de l'usage (couplé à un refus de suivi par un médecin), soit parce qu'ils
perçoivent le dosage prescrit comme insuffisant (cf. infra, Enquête Subazur). Ceux qui le revendent
utilisent l'argent pour acheter d'autres produits injectables (médicaments ou produits illicites). Selon les
usagers, « la tournée des prescripteurs est chronophage, stressante et « bouffant l'énergie » ». Au
marché noir, le princeps serait vendu entre 3 et 5€ (le week-end) le comprimé et 20€ la plaquette de 8mg.
Selon OPPIDUM 2008, la prise du générique concerne 30% des usagers, proportion équivalente à celle
de l'échelle nationale. A Aix-en-Provence, le générique serait très peu utilisé.
Dans le festif, des intervenants observent que le troc ou la vente se fait toujours dans une situation de
dépannage chez des personnes qui suivent un TSO. Mais il est observé aussi des usages en descente de
stimulants chez des rares personnes ne suivant pas un TSO.
La plupart des usagers sont en situation de précarité ; différents profils sont décrits :
des anciens injecteurs d'héroïne qui le prennent en TSO, le plus souvent stabilisés socialement ;
des injecteurs réguliers ou occasionnels qui le prennent sur prescription depuis plusieurs années,
soit, à certaines périodes, comme un traitement, soit à d'autres périodes (mal être, souci) comme ‘une drogue' – la fréquence et les quantités peuvent alors être plus élevées ;
des usagers qui, parfois n'ont jamais pris d'opiacés, ont initié cette consommation comme défonce
achetée au marché noir, et, s'y étant « englués », l'ont poursuivie dans le cadre d'un TSO ;
quelques rares teufers qui le prennent en régulation de descente de stimulants ;
avec la disparition de l'association Jeunes Errants et de son lieu d'accueil, des jeunes migrants –
parfois déjà usagers de benzodiazépines et cannabis à leur arrivée à Marseille auraient comme stratégie de s'injecter du Subutex® pour bénéficier des structures d'accueil réservées aux usagers de drogues actifs et plus particulièrement au Sleep'in.
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Au niveau des représentations, la BHD reste perçue soit comme médicament, soit comme drogue, soit comme médicament pris comme une drogue dans les moments de mal être. Quant au générique, les représentations se distinguent selon la façon dont les usagers en vivent les effets. Le cachet étant plus petit que le princeps, certains ont l'impression qu'il induit moins d'effets ; aussi, ils en prennent plus pour ressentir les mêmes effets qu'avec le princeps – ils perçoivent cet accroissement des prises comme une régression dans la démarche de traitement. D'autres n'arrivent pas à le garder en bouche (amertume, manque de patience, oubli, ingestion par inadvertance) et l'avalent : la libération prolongée ne fonctionnant donc pas, ils ont l'impression qu'il n'est pas efficace. La disparition de la dénomination Subutex® induit également une idée d'impureté, de moindre qualité qui ne favorise pas la mise en confiance. Une médecin souligne que combattre ces représentations et imposer le générique risquerait de favoriser un nomadisme médical pour obtenir le princeps. Inversement, les quelques patients que se le sont appropriés apprécient son effet doux et long et n'en font pas de critique. L'injection est la voie la plus utilisée par les usagers précaires ; chez les plus jeunes, les abcès seraient particulièrement fréquents. Certains injecteurs ont une consommation stable et un shoot propre, pour d'autres c'est l'inverse ; certains l'ingèrent dans une logique de défonce, d'autres dans une logique de soin. Certains en ont marre d'injecter, surtout les plus anciens qui ont un système veineux très dégradé, ils demandent à passer à la méthadone. Dans l'espace festif, le sniff et le sublingual dominent.
Résultats de l'enquête Subazur – ORS PACA : les facteurs associés à
l'usage de BHD par voie intraveineuse ou voie nasale
L'enquête a été conduite entre octobre et décembre 2004, auprès de 111 patients traités par
BHD depuis au moins 3 mois, recrutés de façon aléatoire dans les files actives de 32 médecins
des départements du Vaucluse et des Bouches du Rhône. Deux entretiens téléphoniques,
espacés de 6 mois, ont été réalisés auprès de 75 patients, les 36 autres n'ayant pu être
recontactés. Les objectifs étaient de décrire les caractéristiques démographiques et
psychosociales des patients traités par BHD, et la relation entre la voie d'administration
utilisée (sublingual, sniffing, injection) et la satisfaction vis-à-vis du traitement.
68% des patients enquêtés sont des hommes, avec une moyenne d'âge de 38 ans. La moitié
d'entre eux (56 pers.) a utilisé la BHD de façon détournée, 23 uniquement par injection et 21
uniquement par voie nasale ; 12 ont utilisé les deux voies.
« Chez le tiers des patients (35/111) qui se sont injectés la buprénorphine en cours de
traitement, les facteurs associés sont : une histoire de toxicomanie plus ancienne, les
antécédents d'overdose ou des tentatives de suicide. De plus, les patients qui perçoivent les
dosages de buprénorphine qui leur sont prescrits comme « inadaptés » à leur dépendance ont
plus de risques de (l') injecter ».
« Parmi l'autre tiers (33/111) des patients qui ont pratiqué le sniffing, les facteurs associés
sont : le fait de ne pas vivre en couple, d'avoir été élevé sans parents ou dans une famille
monoparentale, d'être injecteur récente et d'avoir des antécédents de sniffing avec d'autres
produits, comme la cocaïne, avant la mise sous traitement. De plus, ceux qui sniffent la
buprénorphine se déclarent plus souvent que les autres patients « insatisfaits du traitement
qui leur est prescrit » ».
En discussion, les auteurs soulignent qu' « en France, les dosages recommandés pour le
traitement par buprénorphine sont plus faibles que dans la plupart des pays où ce
médicament est accessible ». ils suggèrent également que « comme la persistance de la
consommation d'héroïne au cours du traitement par la méthadone, l'injection de
buprénorphine devrait plutôt être considérée comme une conséquence de soins inadéquats
plutôt que comme un simple ‘mésusage' qui serait de la responsabilité seule des patients ».
De même, les usagers qui sniffent la BHD, « ont des antécédents de pratique de sniffing de
drogues plus importants et ceci pourrait être l'expression d'un besoin d'adapter la prise en
charge médicale à ce type de pratique ».
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La méthadone
La prise de ce traitement reste observée seulement chez les personnes qui ont une prescription. Le plus
souvent il s'agit d'anciens injecteurs ayant un long parcours dans l'usage et actuellement dans une
situation sociale stabilisée. Ils fréquentent plutôt les centres de soin spécialisés et très peu les CAARUD.
Certains l'ont expérimentée avant de faire une demande de traitement. Un nouveau profil de patients
venant avec une demande de traitement est observé à l'Intersecteur des pharmacodépendances et au
Bus 31/32 : des polyconsommateurs, qui font des études ou travaillent, ont une sociabilité riche, peu de
problèmes d'ordre familial, social ou psychologique. Généralement, ceux qui sont maintenus avec le
galénique sirop sont les plus fragiles, ont des comorbidités psychiatriques et sont dans les situations les
plus précaires.
Certains usagers en traitement de Subutex® refusent le passage à la méthadone car ce traitement est
perçu comme une perte d'autonomie et une dévalorisation : « j'ai une tête à prendre de la métha, moi !? »
Méthadone gélule
Les usagers qui ont ce traitement sont les plus stabilisés : ils ont un logement, une vie de famille, un
emploi, partent en vacances… Une minorité vit à la rue ; à ceux là on évite de leur donner 7 jours de
traitement pour éviter qu'ils le perdent ou qu'on leur vole.
Lorsque la posologie de méthadone sirop baisse, les usagers demandent souvent à passer à la galénique
sèche par crainte d'être tentés par l'injection. La gélule permet de doser finement les quantités prises
alors que le palier de diminution d'un mg dans les flacons de 5 mg est difficile à doser. Protox a fait le
choix de ne pas prescrire la galénique gélule dans l'objectif de favoriser le passage des patients vers la
médecine de ville ; ce choix se heurte à la difficulté de trouver des médecins prescripteurs.
La méthadone sèche est vécue comme un traitement moins « lourd » que celui en sirop : la galénique est
plus discrète, induit moins de problèmes dentaires et de poids, et l'obtention est moins contraignante
(possible en pharmacie de ville). Elle est perçue comme un gain en terme de confort de vie. Il n'y a pas
les mêmes doutes quant à l'efficacité que l'on observe pour le générique du Subutex®.
Elle est aussi perçue comme symbole d'un passage à une autre étape dans le traitement et la sortie de
l'usage. Certains croient aussi que la forme sèche indique la fin prochaine du traitement. Certains
d'ailleurs font valoir l'ancienneté de leur traitement sirop pour l'obtenir.
Il est remarqué que le passage à cette galénique favorise une autonomisation des personnes vis-à-vis de
la structure où elles viennent moins. La structure leur rappelle de mauvais souvenirs : présence de pairs
avec lesquels ils ont consommé, auxquels ils ont ressemblé et pairs qui initient le traitement. Ainsi, que ce
soit le sentiment de passer à une autre étape de sa trajectoire ou cette autonomisation, le passage à la
forme sèche est valorisant pour les personnes.
De l'avis des professionnels, il est possible que quelques gélules soient « sniffées ». Un médecin rapporte
ainsi le cas d'une femme ayant pris de la méthadone en sirop pendant des années, et passée à la gélule.
Après quelques mois, elle lui a demandé de repasser à la galénique sirop parce qu'elle prenait la gélule
par voie nasale et qu'elle ne gérait plus ses prises. Elle expliquait que la sensation de brûlure des
muqueuses ressentie la première fois, était ensuite devenue seulement une sensation de chaleur.
Les sulfates de morphine (Skenan®, Moscontin®)
La seule observation faite quant au Moscontin® concerne un couple d'anciens injecteurs qui l'obtiennent
avec l'accord de la CPCAM car ils métabolisent mal la méthadone.
L'usage de Skénan® est plus répandu mais concerne un nombre restreint de personnes. Il est d'ailleurs
accessible au marché noir au prix relativement élevé de 50 € la boîte de comprimés au plus fort dosage
(200 mg) et de 10 à 15 € la gélule de 200 mg. Par exemple, l'ELF comptabilise 12 usagers sur sa file
active, dont une personne qui le prend pour des douleurs intenses au dos après un accident. A Aix-en-
provence, certains médecins et usagers ont été rappelés à l'ordre par la CPAM.
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Les usagers sont âgés de 18 à 45 ans, une majorité serait âgée d'une trentaine d'années et plus ; il s'agit aussi bien hommes que femmes. Ils sont généralement dans des situations précaires, même si certains ont un logement et perçoivent le RSA. Une grande partie vit dans des squats. Certains jeunes sont en situation d'errance et de passage dans les squats. Pour beaucoup d'usagers, c'est un produit perçu à la fois comme étant de qualité du fait de la stabilité et de la pureté de sa composition, mais aussi de façon ambivalente comme traitement de substitution et produit de défonce (effet opiacé particulièrement fort). Pour certains usagers, il s'agit du produit principal. La voie d'administration quasi exclusive est l'injection. Une gélule de 200mg représente le plus souvent deux injections. Quand d'autres produits sont consommés, selon les personnes, ce peut être des benzodiazépines ou des produits de l'espace festif (speed, LSD, champignons, etc…).
La codéine (Néocodion®)
Selon Protox, l'usage de Néocodion® ne concernerait que quelques patients. Il s'agirait surtout des
personnes qui n'arrivent pas à venir à leurs rendez vous méthadone car elles sont éloignées de la
structure, elles ont des difficultés à se lever le matin, elles viennent en transports en commun. Il serait pris
surtout comme un « produit-relais » de la méthadone en gestion du manque.
Des boîtes vides sont également visibles dans les quartiers excentrés du nord est de Marseille.
2. Les stimulants
La cocaïne
Disponibilité La cocaïne est très disponible à la vente « Tu peux pas chercher un produit sans qu'on te propose de la coke ». Elle est vendue dans un grand nombre de quartiers où est vendu le cannabis . Dans certains, ce trafic n'est pas organisé parce qu'il répond à des logiques de partage du territoire entre réseaux mais aussi qu'il reste stigmatisé : selon un animateur de prévention de centre social, « Vendre de la cocaïne c'est ‘vendre la mort' ». Si la vente de cannabis est relativement valorisée, celle de cocaïne reste relativement taboue et toujours associée à la déchéance. Cependant, selon la brigade des Stupéfiants, depuis deux ans, le trafic de coke se développe beaucoup dans les quartiers paupérisés et il n'y aurait pas de problème d'approvisionnement et de stock. Avant 2008, c'était un épiphénomène : un petit trafic prenait place à côté d'un trafic plus important de cannabis. Aujourd'hui, une partie des réseaux de cannabis qui se sont enrichis, ont investi dans la vente de coke. Dans toutes les grandes cités, on trouve de la cocaïne, beaucoup plus rentable et plus facile à cacher que le cannabis (compressible et moins odorant). Les profils des vendeurs diffèrent selon les secteurs urbains : dans les quartiers paupérisés, le vendeur de cannabis et celui de cocaïne sont des mêmes classes d'âge (17-25 ans) et du même milieu ; dans le centre ville, les personnes sont âgées entre 16 et 40 ans et sont dans une diversité de situations socio professionnelles. De même, alors que les lieux festifs du centre ville, sont plutôt alimentés par les réseaux corses, les points de vente à la périphérie sont alimentés par les réseaux maghrébins. Dans l'espace festif, alternatif ou commercial, elle est systématiquement disponible à la vente et il n'y a pas de rupture de stock au cours de la nuit. Cependant, les aficionados l'achètent en ville avant la soirée. Dans l'espace urbain, selon les usagers qui s'approvisionnent principalement dans les quartiers périphériques, la qualité serait variable, mais à peu près constante d'un dealer à l'autre. La quantité servie varie au cours d'un cycle mensuel : en fin de mois, elle peut avoisiner les 0,3g. Aussi, certains vont
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s'approvisionner ailleurs (Espagne par exemple) où l'on peut obtenir un gramme de « bonne » qualité pour 30€. L'usage revente est pratiqué par les usagers qui parviennent à gérer leur usage, notamment ceux qui s'approvisionnent à moindre prix à l'étranger. Dans l'espace festif, les usagers « se plaignent » souvent de sa mauvaise qualité ; elle serait souvent coupée à un produit laxatif. « La plupart du temps, si tu connais pas le mec, tu te retrouves avec du « médoc » à 50 euros le gramme. ». L'amplitude des prix est plus grande, allant de 40 à 100 €. La cocaïne dite « végétale » est aussi onéreuse que peu disponible. La différence entre « végétale » et « synthétique » serait justifiée par le fait que l'une des deux fond lorsqu'on la base. Selon la Brigade des stupéfiants, la cocaïne vendue dans le centre ville et les quartiers périphériques a une qualité moyenne de 15% ; mais dans le centre ville elle serait plus élevée - 25%. Les prix varient de même, dans les quartiers, elle coûte 40-50 €, et, dans le centre ville, 60-80 €. Il signale le cas d'un homme vendant des pochons de 0,2 g car le produit était dosé à 95%. La couleur « coquille d'œuf », beige, est utilisée comme garantie de qualité, mais le dosage en principe actif est variable. La cocaïne de synthèse, fabriquée à partir de produits pharmaceutiques et dont on trouverait la recette sur Internet, serait plus disponible qu'auparavant. L'aspect de caillou serait un argument de vente. Profils d'usagers et représentations du produit Dans l'espace urbain, selon OPPIDUM 2009, les niveaux d'usage seraient équivalents à ceux du national. Tous les usagers en consommeraient au moins en début de mois. Ensuite, l'usage concerne plutôt des personnes de 30 à 45 ans, stabilisées socialement, qui le consomment en extra dans un contexte amical et festif. Pour ces usagers, la cocaïne serait préférée au cannabis, perçu comme de très mauvaise qualité et dénigré pour ses effets soporifiques. Le produit est perçu différemment selon l'usage qui en est fait : c'est un produit festif occasionnel (« extra »), quelle que soit la voie d'administration, ou c'est un produit de défonce, utilisé le plus souvent possible. Dans l'espace festif, l'usage concerne la quasi-totalité des participants, mais surtout les usagers les plus âgés qui ont les moyens financiers et les réseaux pour l'acheter, et en apprécient les effets peu perturbants. Du fait du prix et de sa qualité jugée médiocre, elle n'est pas consommée à chaque soirée et est achetée collectivement. La grande majorité en consomme un peu mais à des fréquences différentes (occasionnelle, régulière ou quotidienne). Dans les quartiers populaires, le développement du trafic de cocaïne s'accompagnerait d'un développement de son usage en sniff. A Aix en Provence, l'usage se développerait dans ces quartiers, l'ELF ayant d'ailleurs des demandes de kit sniff. Etant plus tabou que celui de cannabis, cet usage reste difficile à estimer. Selon les travailleurs sociaux, par comparaison aux années 80, où la cocaïne était associée à l'image du « tox », aujourd'hui cela se passe comme si il n'y avait pas notion de la dangerosité ni du statut licite/illicite. Comme s'il y avait une dédramatisation globale des risques ou comme s'ils étaient des considérations secondaires par rapport à d'autres. Ce qui pose aussi la question de la possibilité d'accès de ces usagers à une information de prévention et de réduction des risques. Selon la Brigade des Stupéfiants, les interpellations traduiraient un rajeunissement des usagers : parmi les 16-20 ans, la proportion d'expérimentateurs ou consommateurs serait équivalente à celle du cannabis quelques années auparavant. Voies d'administration, régulation et conséquences La majorité des usagers du bas seuil la consommeraient en injection. La voie nasale est perçue comme « gâcher » (gaspiller) le produit. Ceux qui ont un traitement méthadone, l'interrompraient pendant la session de consommation de cocaïne. Selon Protox, un gramme servirait à faire deux ou trois injections. Le nombre moyen d'injections par jour serait de cinq. En descente, le Subutex® serait utilisé ; le Stilnox® est signalé à Aix en Provence. On distingue deux catégories d'usagers précaires : ceux qui restreignent leur consommation au début de mois – et consomment ensuite des médicaments, dont la Ritaline® - et ceux qui veulent en consommer tout le mois. Une grande partie des usagers passent la quasi-totalité de leur RSA dans l'achat du produit.
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Certains usagers bien connus des structures d'accueil, stabilisés avec une faible consommation et/ou avec un TSO, auraient « disparu » de leur réseau de sociabilité, parce qu'ils auraient repris l'usage par injection et qu'ils consacreraient toute leur énergie et leurs temps à trouver du produit et à le consommer. Chez ceux-ci, dont la consommation régulière excède le niveau de ressources, on observerait la réémergence d'actes de délinquance secondaire pour se procurer l'argent nécessaire : vols à l'arraché ou aux distributeurs de billets, recours à la prostitution, et surtout usage-revente. Dans l'espace festif, la voie nasale reste la plus utilisée. Les injecteurs de cocaïne sembleraient plus nombreux, même s'ils ne représentent toujours que quelques personnes – âgées de 18à 30 ans, en situation de précarité ou en insertion sociale. On peut aussi penser qu'il s'agit de polyconsommateurs injecteurs qui réorientent leur consommation sur la cocaïne. En plus des désignations « speedball » et « Calvin Klein » (avec la kétamine), une nouvelle est signalée : « Marlboro rouge » pour le mélange avec la kétamine. En descente, ce serait l'héroïne et le Lexomil® qui seraient utilisés. Le Tipi (interventions en espace alternatif) remarque que les témoignages de ressenti du craving sont plus nombreux qu'auparavant. Les professionnels de santé constatent l'arrivée dans leurs services de consommateurs âgés de 30-50 ans, insérés socialement et qui fréquentent l'espace festif commercial. Certains viennent avec l'excuse de la consommation d'alcool et au fil de l'entretien, abordent la cocaïne et les difficultés dans lesquelles ils se trouvent avec ce produit. La plupart ont au départ des usages festifs les trois derniers jours de la semaine, avec un état dépressif en début de semaine, auquel certains font face à consommant à nouveau le lundi matin. Ces consommations finissent par déborder sur les soirées de la semaine ; dans ce public apparaît la problématique d'usage en milieu de travail. Selon la Brigade des Stupéfiants, il ne serait pas rare de rencontrer des consommations quotidiennes de 5-6 g / jour chez des personnes de différents profils socio-économiques.
Le crack/ free base
Le crack concerne toujours des usagers du bas seuil s'étant approvisionnés ailleurs qu'à Marseille. La pratique du free base concerne généralement des teufers précarisés et des punks de plus de 30 ans, plus rarement des teufers bien insérés socialement, qui ont un usage ancien de la cocaïne. Elle concernerait également dans une moindre mesure des injecteurs dont l'état veineux ne permet plus l'injection, ainsi que des personnes qui y ont été initiées en prison. Concernant une expansion de cette pratique, les avis divergent. Selon deux usagers, l'un pratiquant le free-base depuis 5-6 ans et participant de free partys, l'autre rencontré dans une rave, cette pratique serait plus étendue qu'il y a quelques années, tout en restant occasionnelle pour la plupart des usagers. D'après le premier, à l'époque où il a commencé (2003-2004), le free base était très mal perçu, peu de personnes de son entourage en consommaient, et il faisait évènement dans un groupe lorsque quelqu'un en consommait. Aujourd'hui, il serait moins rare de l'observer, cette pratique concernerait plus souvent plusieurs personnes qu'une seule dans un groupe. Il lui semble logique que l'accessibilité croissante de la cocaïne se traduise par un recours croissant à la pratique du free base. Cependant, il est possible que sa pratique se soit accompagnée d'une modification de son réseau relationnel, soit un recentrage des relations sur les personnes usagères de produits. Selon des intervenants cette expansion n'est pas notable, mais soulignent que cette pratique reste discrète puisque ayant pour cadre les appartements, notamment en retour de soirée, donc difficile à mesurer. Ils remarquent aussi qu'il s'agit généralement d'une consommation occasionnelle (moins de dix fois par an) ou cyclique : les usagers consomment souvent par périodes, qui durent quelques mois ou semaines. Pour certains usagers, le prix de la cocaïne et la connaissance des dommages psychologiques et sociaux et du risque d'évolution vers un usage addictif découragent un usage trop régulier. Chez d'autres, la pratique restant occasionnelle, elle n'est pas perçue comme rendant aussi « accro » que la cocaïne poudre – sans compter la persistance de l'idée de « purification » du produit par la préparation.
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Plus généralement parmi l'ensemble des usagers, les intervenants constatent une mauvaise connaissance des risques induits par la pratique (addiction, amaigrissement, enfermement, mal être).
L'ecstasy/ MDMA
Ce produit concerne toujours exclusivement les usagers de l'espace festif alternatif et commercial, ainsi que certains usagers précarisés qui se rendent dans les soirées techno alternatives et/ou ont conservé des liens avec des usagers insérés de l'espace festif insérés. Le comprimé étant peu onéreux (5 à 10 €), il attire plutôt les plus jeunes. La disponibilité de l'ecstasy (comprimé) et du MDMA (poudre ou cristal) a été particulièrement aléatoire cette année, avec une quasi disparition au second semestre. Dans certaines soirées, les comprimés sont complètement absents – ce qui peut indiquer aussi que la vente de médicaments vendus pour de l'ecstasy se fait moins. Cette disponibilité aléatoire n'est pas sans lien avec une moindre recherche de ce produit sous sa forme comprimé par les usagers. La forme poudre est plus disponible ; mais cela varie selon les soirées. Dans l'espace festif alternatif, elle serait moins disponible que le LSD. Selon des usagers, les ecstasy « bien dosés » sont encore présents mais rares. Si, au début des années 2000, il y aurait eu 1/3 de comprimés très peu dosés ou arnaques et 2/3 de bien dosés nécessitant un fractionnement des prises, aujourd'hui cette proportion serait inversée. Par contre, il y aurait rarement de plainte sur la qualité de la poudre MDMA, et d'autant moins s'il s'agit du cristal - on peut toujours s'interroger sur l'effet placebo de la galénique. Son prix varie entre 40 et 60 € le gramme. Cette moindre attraction pour les comprimés couplée à une moindre disponibilité de poudre MDMA se traduirait par un report de l'usage sur la cocaïne, la kétamine et le 2-CB vendu comme tel.
Les amphétamines
Les amphétamines restent principalement utilisées par les usagers de l'espace festif alternatif, ainsi que certains usagers précarisés qui se rendent dans les soirées techno alternatives et/ou ont conservé des liens avec des usagers insérés de l'espace festif insérés. Ce produit est ponctuellement disponible dans certains évènements festifs commerciaux. Leur prix, qui varie de 15 à 20 €/g, aurait légèrement augmenté depuis deux ans où il était alors plus fréquent de le trouver à 10€/g. La qualité est perçue comme se dégradant, et aussi aléatoire que celle de la cocaïne. Les « métamphétamines » seraient parfois présentes, vendues sous forme de cristaux et beaucoup plus chères que les amphétamines. Elles sont consommées par une majorité de personnes de l'espace festif, mais dans des quantités et des fréquences variables (certains en prennent une fois au cours d'une session de polyconsommation, d'autres le consomment en produit principal). Si elle concerne notamment les plus jeunes (18-25 ans), on ne peut pas parler vraiment « d'explosion de la consommation », leurs capacités financières limitées restreignant leur niveau de consommation. Le produit « métamphétamine » fait plutôt peur et serait davantage recherché par des consommateurs ayant une solide expérience des produits psychoactifs. La voie nasale et l'ingestion sont les principales voies d'administration, l'injection ne concernant que les usagers les plus précarisés. Le mélange speed/ kétamine est observé chez des jeunes usagers. Certains prennent un petit peu de cocaïne en descente car sa propre descente adoucit celle du speed. Ces usagers préfèrent le speed à la cocaïne malgré une nervosité et une tension plus grandes en fin de session de consommation (stimulation plus importante et plus longue) - d'autres préfèrent la cocaïne car la reprise de la semaine serait plus facile. Certains utilisent ces effets stimulants, ainsi que l'état de conscience modifiée par le manque de sommeil et le « bain sonore » de la nuit, pour faire d'autres activités en retour de soirée, notamment créer de la musique ou jouer à des jeux vidéos. Certains usagers n'en consomment pas du tout, le considérant comme un sous produit, un produit « inutile et merdique ».
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Etant perçue comme « une drogue qui permet de rester « soi-même » (n'induisant pas de changements
notoires dans le comportement), le consommateur aura tendance à en prendre davantage qu'un produit
induisant des modifications hallucinatoires ».
Chez les usagers précarisés rencontrés dans l'espace urbain, les amphétamines sont utilisées en
remplacement de la cocaïne, trop onéreuse pour pouvoir être consommée tout le mois.
La métamphétamine est perçue comme une amphétamine plus forte et non comme un produit spécifique.
3. Les hallucinogènes
Sa présence est systématique dans l'espace festif alternatif et ponctuelle dans l'espace commercial, lors d'évènements qui rassemblent scènes et publics de l'espace commercial et ceux de l'espace alternatif. Il reste principalement disponible sous forme de buvards et plus rarement de goutte. Il n'y aurait pas d'étoiles cette année, et seulement des micropointes, vendues parfois pour de la mescaline. Les informateurs soulignent la qualité très aléatoire : soit des effets bien marqués (« on a pris un buvard à 1h du mat ; à 14h on y était encore »), soit des effets faibles, soit aucun effet. Micropointes et buvards sont vendus entre 10 et 15 €, le prix peut descendre à 3 € lors d'un achat « en gros ». L'usage concerne tous les usagers mais surtout les plus de 25 ans. Les effets recherchés vont toujours des simples hallucinations, à la recherche intellectuelle, voire à l'expérience mystique. Il reste aussi un produit de première expérimentation comme l'ecstasy ou MDMA Le LSD garde un statut à part tant pour la singularité de ces effets, les ‘mythes' associés (Albert Hoffmann sur son vélo) et la crainte d'un risque psychiatrique « ça a l'air vraiment différent des autres drogues. Partir pour de bon, sans bad évidemment, ça serait bon. Mais ça me fait quand même un peu flipper.». Pour les plus jeunes et les moins expérimentés, la définition des risques liés à l'usage repose en partie sur le critère du degré de modifications des perceptions. Les produits les plus souvent associés, afin de rendre la prise moins anxiogène et réduire ainsi le risque de faire un « mauvais voyage », restent l'alcool et le cannabis.
La kétamine
Sa présence est systématique dans les évènements de type alternatif, elle serait plus régulière dans les évènements commerciaux de type rave, festival de musique électronique ou d'autres courants musicaux. Elle est principalement vendue sous forme de poudre, un peu moins sous forme liquide ; on entend parler un peu de cristal. Elle serait également disponible dans les réseaux de revente en centre ville. Les prix varient entre 40 et 60 €/ g. Ils ont donc augmenté par rapport à quelques années en arrière : en 2005, le gramme était vendu 30 € (CHATOT F., 2006) ; cette évolution indique une demande constante, voire accrue puisque l'offre a augmenté au cours de la même période. Il est constaté une tendance à la présence plus fréquente et plus importante qu'auparavant de produits de coupe dans les poudres - « Comme c'est un « phénomène de mode », toutes les qualités sont présentes et il y a beaucoup d'arnaques » - ainsi qu'une plus grande variabilité du dosage en principe actif. Pour certains échantillons, prendre une « pointe » (2cm de long, quelques millimètres d'épaisseurs) suffirait pour ressentir quelque chose de fort ; pour d'autres, il faudrait une « poutre » (8 cm de long). Cette variabilité des effets est aussi expliquée par le type de kétamine, explication qui alimente le discours sur la différence entre « vétérinaire », « humaine » et « indienne » - beaucoup moins disponible. La première aurait des effets plus forts que la seconde qui serait d'origine hospitalière. Un intervenant de RDR se demande si, une fois cristallisée, les effets ne sont pas différents entre « l'humaine » et « la vétérinaire ».
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Si le noyau dur des usagers reste ceux de l'espace festif alternatif, selon les intervenants de l'ELF, son usage s'étendrait à des personnes, en insertion ou en précarité, qui ne fréquentent par particulièrement cet espace. Les intervenants du TIPI soulignent pour leur part, que si « tout le monde en parle, tout le monde n'en prend pas, ni dans les mêmes proportions ». La moitié des teufers en prendraient régulièrement ou occasionnellement, mais pour certains c'est le produit de prédilection, d'autres en prennent seulement « une pointe ». Il semble que cet usage concerne une moindre proportion d'usagers chez les plus de 25 ans qui le stigmatisent plus souvent. D'après un usager, son usage régulier reste restreint à des réseaux d'interconnaissance, dans lesquels la coupe serait moins pratiquée. Certains usagers sont revenus de cette consommation car elle limite la communication, pensent que se retrouver dans un état comateux n'est pas faire la fête, ils peuvent réduire à très peu leur usage de ce produit. Elle est consommée par voie nasale, mais également en ingestion. Il serait fréquent que certaines personnes prennent du LSD en produit principal et un peu de kétamine pour avoir modification des sensations physiques et compléter ainsi l'effet plus cognitif du LSD – obtenir une expérience plus globale qu'avec un seul des deux. Les mélanges avec des stimulants (amphétamines, cocaïne) faits par certains consommateurs provoqueraient davantage de bad trips et de malaises Les perceptions du produit varie toujours de la valorisation comme « drogue chamanique (et) de connaissance de soi-même » à sa stigmatisation comme drogue de la perte de contrôle de soi. Elle est également appréciée car la descente n'induit pas de symptômes dépressifs comme avec le MDMA ou de grande anxiété comme avec le LSD. Quant à la perception des risques, « il y a toujours des gens qui s'effraient de l'état dans lequel ça peut mettre à certaines doses » ; et, d'autre part, le coma est tellement fréquemment vécu ou observé qu'il n'est pas perçu comme un risque.
Ce produit n'est pas observé dans l'espace alternatif, sinon par le biais d'usagers de l'espace festif commercial qui fréquentent occasionnellement l'espace alternatif. Les intervenants de l'ELF observent l'usage de ce produit sur le même groupe de personnes âgées entre 16 et 25 ans, observé en 2007 et 2008, qui fréquente l'espace festif commercial plutôt dans la région montpelliéraine. Depuis, ce groupe s'est agrandi, les prises de GHB se sont étendues aux nouveaux membres. Ce produit est généralement associé à une consommation d'alcool et d'autres produits. Les usagers ne font pas part d'un questionnement sur leurs prises de risques ; mais leurs discours sur l'usage ne se distingue pas de celui des consommateurs de leur âge : ils sont dans une recherche de leurs limites et de « défonce » au sens de plaisir. Ils peuvent se retrouver dans des états où ils ne se gèrent plus car, justement, ils ne connaissent pas encore leurs limites. On note la diversité des lieux de consommation évoqués (discothèques, free-partys, soirées privées, bars, parking, parcs) et en week-end comme en semaine. Cette année, la Fête de la Musique à Aix en Provence a été le cadre de consommations de ce produit, avec notamment un ou deux comas liés à l'association avec une prise d'alcool.
Les champignons et plantes hallucinogènes
Aucune observation particulière n'a été faite concernant ces substances : elles sont présentes
occasionnellement dans l'espace festif alternatif, il s'agit principalement des champignons psilocybes. La
salvia, le peyotl, les graines de LSA restent plutôt des expériences faites dans l'espace privé, à l'exception
des soirées transe ils sont plus disponibles et plus utilisés, mais toujours dans des petits cercles.
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4. Les médicaments psychotropes non opiacés
Le tribexyphénidyle (Artane®)
Ce médicament est obtenu soit sur prescription médicale, soit sur le marché noir, où une plaquette de 20 comprimés se négocie à 15€ Ses utilisateurs sont ceux qui consomment beaucoup de benzodiazépines, âgés de 35-40 ans et en grande précarité. Selon Protox, la majorité de ceux qui prennent de l'Artane® - ou du Rivotril® - ont des pathologies psychiatriques ; une minorité le prendrait dans une recherche de modifications des perceptions telle que celle induites par le LSD. De fait, s'il est consommé pour l'effet de confusion et d'amnésie qu'il procure, il peut aussi être pris dans une finalité d'automédication. On relève ainsi des consommations chez des personnes traitées pour des troubles psychiatriques graves, mais que le traitement n'équilibre pas tout à fait, qui en prennent pour faire « taire les voix qu' (elles ont) dans la tête ». Pour elles, ces médicaments diminuent leurs troubles du comportement et leur sensation de mal être. En même temps, selon une infirmière de Protox, cela accroît leur désinsertion et leurs troubles psychologiques. Lorsqu'il est associé à une consommation d'alcool, les personnes sont particulièrement vulnérables aux risques de se faire dépouiller, passer à tabac, agresser sexuellement, d'avoir un accident15. Les principales conséquences sanitaires signalées sont des comas, des hospitalisations pour soins somatiques et des suivis psychiatriques.
L'oxazépam (Seresta®)
Le Séresta50® n'a pas de grande popularité, mais il est consommé car les « médecins en prescrivent facilement » et qu'il est facile d'en trouver sur le marché noir.
Le méthylphénidate (Ritaline®)
L'usage de ce médicament concerne autant les usagers de Marseille que d'Aix en Provence. En 2009, des professionnels de santé ou de CAARUD ont lancé une alerte auprès des médecins prescripteurs de Ritaline®. En même temps, un contrôle de la CPCAM s'est mis en place. Aussi, on observerait une forte baisse de sa disponibilité dans les deux villes. Sont aussi signalés des vols et des trafics d'ordonnance. Certains usagers non consommateurs de Ritaline® sont sollicités pour s'en faire prescrire par leur médecin. Il existerait également un marché noir où la plaquette de 10 comprimés serait vendue 20€. OPPIDUM 2009 souligne que l'usage de ce médicament reste un phénomène local, mais s'étonne de l'ampleur du phénomène telle qu'elle est décrite par les professionnels. Dans l'étude, son taux de détournement reste faible : une personne sur dix. En fait, il concerne essentiellement des usagers en très grande précarité rarement suivis en CSST, c'est-à-dire les structures enquêtées par OPPIDUM. Au Sleep'in, cet usage concernerait une majorité de la file active ; principalement en injection – les usagers sont déjà injecteurs. En général, 5 comprimés servent à préparer deux injections. La sensation de manque particulièrement violente (douleurs physiques - abdominales essentiellement - et détresse psychologique) réduit la préoccupation de trouver un lieu discret pour injecter. La restriction de prescription par ordonnance sécurisée entraîne des périodes de manque plus longues et plus fréquentes, sans que les usagers bénéficient d'un traitement de substitution. Pour pallier ce manque et adoucir la
15 En début d'année, une femme d'une quarantaine d'années est décédée après avoir été écrasée par un véhicule ; elle était sur la route sous l'effet de ce médicament.
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descente, les usagers ont recours à « tout ce qui calme : Rivotril® (ingéré), ou Subutex® (injecté), ou
Artane®, et cannabis.
Les professionnels de santé rencontrés réfutent l'argumentaire des médecins prescripteurs de Ritaline®
(substitution de la cocaïne) : les usagers le demandent rarement dans une logique de substitution, mais
d'approvisionnement en produit stimulant moins cher que la cocaïne (« défonce du pauvre »). Ils
remettent également en cause l'idée que le méthylphénidate a les mêmes effets que la cocaïne et
soulignent que ses dommages sont plus graves – notamment du fait d'un dosage actif plus élevé – et qu'il
n'induit pas de sensation de plaisir, d'ailleurs les usagers en ont rarement une description positive.
En même temps, la disparition de certains médecins prescripteurs rend ceux qui continuent à le prescrire
plus exposés à la détresse et à l'agressivité (parfois des menaces) des usagers en manque. Aussi, pour
éviter que l'usager soit confronté au manque rapidement et revienne trop souvent, des médecins
prescriraient de grandes quantités (douze boites par mois et par usager par exemple) qui renforcent l'effet
addictif. Une médecin décrit que chez les personnes qui en consomment depuis 3-4 ans, le manque, que
la difficulté accrue de s'en procurer exacerbe, se traduit par un « effondrement sérotoninergique » (état
dépressif) qui n'est pas pris en charge lors de l'arrêt de la prescription16.
Chez les personnes les plus consommatrices, associé à une nutrition et un sommeil insuffisants, il induit à
la fois une grande faiblesse physique et une hyperactivité psychique. Cela donne, par exemple, des
patients qui chutent dans les escaliers mais sont toujours « à fond » mentalement, ils ne ressentent donc
pas la douleur. Surtout, ce médicament induit de façon systématique un état dépressif en descente qu'il
est très difficile de contenir et qui « plombe » l'ambiance dans les structures.
5. L'alcool et le cannabis
L'alcool
Dans l'espace urbain, l'alcool reste parmi les produits qui préoccupent le plus les professionnels avec le
Subutex®, la Ritaline® et l'Artane®. Les plus grandes consommations s'observeraient souvent chez des
personnes ayant des problèmes psychiatriques, induisant les risques liés aux interactions
médicamenteuses et amplifiant le sentiment de persécution de certains – et perturbant le fonctionnement
des structures.
L'alcool sert de produit de remplacement de tous les autres, car disponible constamment, accessible
partout et très bon marché. Les gens consomment surtout des « tord boyaux » les moins onéreux. Il évite
les galères de recherche de produit et l'épuisement induit, et d'avoir à produire les ordonnances justifiant
de la possession de médicaments. Moins ils disposent des autres produits, plus les usagers en
consomment ; alors même que nombre d'entre eux sont atteints d'hépatite C. Il y aurait eu cette année
plusieurs décès liés à l'usage excessif d'alcool.
« Beaucoup de personnes qui se perçoivent comme des UD (…) ont peur d'être assimilées à des
« poivrots ». Donc cette consommation, pour eux, n'est acceptable et acceptée que si l'alcool est
considéré comme un « produit ». Cette considération amène à tempérer les remarques d'utilisation de
l'alcool pour « faire monter » les autres produits, car si cela demeure vrai, il reste quelquefois le seul
utilisé. Le sevrage alcoolique soit n'est pas envisagé (puisqu'il ne reste « que ça »), soit est perçu comme
extrêmement difficile » (BLANC D., 2009).
Le cannabis
Les prix n'évoluent pas : 3€ à 7€ /g pour la résine ; 7 à 10€ /g pour l'herbe. Il ne serait pas toujours
disponible dans l'espace festif alternatif et onéreux par rapport à la qualité perçue par les usagers ; il peut
être vendu dans l'espace festif commercial, mais sans doute plus à des consommateurs occasionnels ou
16 Un patient de la Villa Floréal (Aix en Provence) s'est récemment suicidé en descente de Ritaline®.
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des consommateurs réguliers « en panne ». Dans l'espace urbain, il est plus considéré comme un extra
que comme un « vrai produit » par certains ; pour d'autres, il est fumé comme on fume des cigarettes.
Dans les quartiers du nord est de Marseille, sont distingués différents profils de fumeurs. Chez les 18-25
ans, il s'agirait plutôt de grands fumeurs en fin de journée : en général, ils ont une/des activité(s)
régulière(s), (emploi, études, engagement associatif) et ils fument moins que les plus jeunes. Dans la
large tranche d'âge des 13-20 ans, selon un directeur de centre social, il y aurait environ 40% de fumeurs
réguliers (quotidiens ou presque) mais selon des quantités et des fréquences variées. Ainsi, les
estimations de prévalence varient selon les informateurs et les territoires qu'ils observent.
Un animateur de prévention de centre social remarque que cet usage peut être un facteur d'intégration
comme un facteur d'exclusion du groupe de pairs, notamment chez ceux âgés d'une vingtaine d'années.
Si la personne ne fume ni ne boit, elle n'est pas acceptée dans les groupes où les personnes
consomment et ne comprennent pas son envie de rester avec elles. Du coup, certains jeunes
commencent à consommer seulement pour être acceptés dans un groupe qui les attire parce qu'il est
« cool » et semble s'amuser. Inversement, dans d'autres groupes qui ne consomment pas, celui qui fume
et boit est rejeté, ce n'est plus un ami le jour où il commence.
6. Les produits rares et les nouveaux produits
Le 2-CB est il vraiment rare ?
Cette année, le 2-CB a été particulièrement mentionné par les usagers de l'espace festif ; il a d'ailleurs été
disponible à la vente tant dans l'espace commercial qu'alternatif. Il se présente sous la forme de gélules
ou de comprimés vendus entre 10 et 15 € l'unité, ou encore de « poudre légèrement cristallisée ».
Son appellation « Nexus » est ancienne, mais les années précédentes, elle ne semble pas avoir été
mentionnée par les informateurs clés de TREND Marseille. Cette substance aurait donc une visibilité
nouvelle : elle serait moins souvent vendue comme « ecstasy » mais spécifiée comme du 2-CB. Cette
visibilité nouvelle serait liée à une disponibilité ponctuelle cette année et par l'appréciation positive de ses
expérimentateurs - deux des informateurs rencontrés en consommeraient de façon régulière. Ceci étant,
cette disponibilité n'est pas étendue : une autre consommatrice se rendant uniquement en milieu alternatif
dit ne pas en avoir entendu parler dans la région marseillaise – mais en Italie.
Quant aux effets, passée la phase d'euphorie, les personnes semblent surprises de leur intensité : « Au
début tu rigoles, t'es peinard. et ensuite t'as les effets visuels et quelques hallucinations qui arrivent. Y'a
pas vraiment d'effets secondaires et t'es pas tendu (mâchoire etc.). C'est violent comme produit.» (Jean,
28 ans). « C'est super fort, un comprimé te perche… T'en prends pas deux. » (Albert, 27 ans). On peut
supposer que le dosage étant apparemment moins aléatoire que celui des buvards de LSD, les personnes
n'ont pas toujours des expériences antérieures d'hallucinations particulièrement marquées avec le LSD –
l'expérience du 2-CB est alors perçue comme « violente ». Une personne décrit une « redescente »
également marquée « La redescente est très dure. T'es pas bien, mal à l'aise. T'as des remontées
bizarres (.) Je pense que si t'en prends pendant un moment, tu déprimes. » (Jean, 28 ans).
« Paradise », méthylone, MDEA et McPP
Le « Paradise », (vendu comme un mélange MDMA /mescaline sous forme d'étoiles rouges) ne semble
plus être disponible en 2009.
L'usager qui a consommé du méthylone au premier semestre n'en a plus retrouvé ensuite.
Par contre, serait disponible de la MDEA, perçu par l'usager comme un hallucinogène dangereux.
La McPP serait ponctuellement disponible : elle a été analysée avec la CCM par Médecins du monde et
régulièrement des usagers d'ecstasy décrivent des symptômes associés à cette substance.
Tendances récentes émergentes et nouvelles drogues Marseille 2009 – juin 2010
Bibliographie
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Tendances récentes émergentes et nouvelles drogues Marseille 2009 – juin 2010
Lexique
Ce lexique est extrait du rapport Trend Phénomènes émergents liés aux drogues en 2006, www.ofdt.fr.
Quelques ajouts ou modifications ont été introduits ; ils sont signalés par un astérisque en fin de phrase.
Amphétamines, amphétaminiques
Chef de file d'une famille de molécules, les amphétaminiques, l'amphétamine est le plus souvent appelée « speed ».
Celui-ci se présente généralement sous forme de poudre sniffée le plus souvent, ou ingérée. Les autres
amphétaminiques sont, entre autres, la méthamphétamine (« ice », « chrystal-meth », « yaba »…), la MDMA
(méthylènedioxyméthamphétamine, ecstasy), etc. Produits stimulants, les amphétamines effacent la sensation de
fatigue et entraînent une insomnie, donnent un sentiment de vigilance, d'euphorie et d'hyperconcentration, suppriment
la sensation de faim et augmentent la confiance en soi. L'ecstasy à forte dose, peut en outre modifier les perceptions
sensorielles. La consommation chronique entraîne une dépendance psychique et une tolérance. Utilisée de façon
thérapeutique par le passé, l'amphétamine n'est plus prescrite que dans le syndrome d'hyperactivité de l'enfant
(Ritaline®), uniquement par des spécialistes hospitaliers. La MDMA et la métamphétamine sont classés comme
stupéfiants en France.
Ayahuasca
Boisson hallucinogène issue de l'infusion de plantes d'Amérique centrale : Banisteriopsis caapi (une liane) et
Psychotria viridis (arbuste de la famille du caféier). La combinaison des deux permet la libération de
diméthyltryptamine (DMT), molécule hallucinogène. La DMT est classée comme stupéfiant en France. L'ayahuasca
est utilisée traditionnellement dans un cadre spirituel et/ou thérapeutique, selon un rituel très précis*.
Benzodiazépines (BZD)
Famille de molécules apparues dans les années 1960 en France. Produits sédatifs, les BZD sont prescrites
essentiellement comme anxiolytiques (ex : Valium®), Lexomil®) et comme hypnotiques (ex : Rohypnol®,Halcion®) à
plus forte dose. Elles favorisent en outre la relaxation musculaire et entraînent des troubles de la mémoire (voire
amnésie de quelques heures). Les différentes BZD se caractérisent également par des durées de vie variable dans
l'organisme, qui déterminent la durée des effets. Elles entraînent très rapidement une dépendance physique. La
dépendance est plus problématique lorsqu'il s'agit d'une dépendance psychique, qu'elle survienne dans un cadre
d'abus et/ou de mésusage et/ou de dépendance associée à d'autres produits (alcool en particulier). Ils peuvent
induire une tolérance.
2C-B(4-bromo-2,5-diméthoxyphénéthylamine)
substance, appartenant à la famille des phénéthylamines, dont les effets seraient proches à la fois de ceux de la
MDMA et du LSD, procurant à la fois énergie physique et hallucinations. Classé comme stupéfiant. (www.ofdt.fr,
glossaire)
Buprénorphine haut dosage (BHD) / Subutex®
Molécule opiacée agoniste et antagoniste de la morphine disposant d'une Autorisation de mise sur le marché (AMM)
dans les traitements substitutifs de pharmacodépendances majeures aux opiacés depuis 1995. La BHD est disponible
sous le nom de marque Subutex® sous forme de comprimés destinés à un usage sublingual. La prescription du
produit doit se faire sur ordonnance sécurisée pour un maximum de 28 jours avec des délivrances fractionnées par 7
jours. La BHD neutralise partiellement les effets de l'héroïne et calme le syndrome de manque. Elle n'expose pas à un
risque de tolérance mais donne lieu à une dépendance physique. Son classement comme produit stupéfiant est
actuellement en discussion.
Cannabis
Plante comprenant plusieurs espèces, le cannabis est surtout connu pour la production de marijuana (herbe), de
résine (haschich) et d'huile de cannabis. La teneur en principe actif (Delta9-tétrahydrocannabinol ou Delta9-THC) est
très variable selon les zones de production, les parties de la plante utilisée et le degré de « coupe ». Le plus souvent
fumé sous forme de cigarette (joint), le cannabis peut être consommé sous forme de gâteau (« space cake ») ou
d'infusion, ces modes de consommation restant rares. Souvent classés parmi les hallucinogènes, il possède des
effets euphorisants, désinhibants, relaxants. La substance peut induire une dépendance psychique chez les
consommateurs quotidiens. Le Delta9-THC est classé comme produit stupéfiant en France.
Caarud
Centre d'Accueil et d'Accompagnement à la Réduction des Risques pour Usagers de Drogues.
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Structures de réduction des risques, anciennement appelées structures de première ligne ou structures « bas seuil ».
Ces structures d'accueil pour les usagers de drogues appliquent des critères d'admission à faible niveau d'exigence.
Elles offrent des prestations à des usagers de drogues qui ne souhaitent ou ne peuvent pas (ou pas encore*) suivre
une prise en charge classique – ou estiment ne pas en avoir besoin*. Elles assurent également des activités liées à la
promotion de la santé et à la réduction des dommages : par exemples des boutiques, des programmes d'échanges de
seringues, des ateliers nutrition… En offrant un lieu de sociabilité et d'écoute par le biais des animateurs de
prévention et en officiant comme passerelle vers le système de soins et d'insertion sociale – d'où leur nom de «
première ligne », elles complètent le dispositif de prise en charge classique*.
Champignons hallucinogènes
Champignons contenant des substances hallucinogènes. Ils induisent des distorsions des perceptions sensorielles,
voire des hallucinations. Il existe de nombreuses espèces, certaines proviennent de l'étranger
(Hawaï, Colombie, Mexique…), d'autres poussent en France. Ils sont presque exclusivement utilisées par voie orale
soit tel quel, soit au sein d'une préparation culinaire. Les champignons les plus consommés en France sont les
psilocybes. Ils n'induisent pas de dépendance. Les genres stropharia, conocybe et psilocybe sont classés comme
produits stupéfiants.
Cocaïne
Stimulant obtenu chimiquement à partir de la feuille de coca (chlorhydrate de cocaïne). Le chlorhydrate de cocaïne se
présente sous forme de poudre blanche, généralement sniffée et parfois fumée ou injectée ; on peut également le
trouver sous forme de crack. La consommation de cocaïne induit une stimulation importante de la vigilance, une
sensation d'accélération de la pensée et entraîne une dépendance psychique forte – en cas d'usager régulier sur du
long terme*. La substance, quelle que soit sa forme, est un produit classé comme stupéfiant en France.
Codéine
Médicament opiacé, dérivé synthétique de la morphine et utilisé comme analgésique soit seul (Dicodin®, Codenfan®)
soit combiné à d'autres molécules (exemple : Codoliprane®), ou contre la toux à doses très faibles (exemple : Néo-
Codion®). Les comprimés sont avalés, parfois injectés. En cas d'injection, l'action pharmacologique de la codéine et
ses effets sont comparables à ceux de la morphine ; administrée par voie orale, elle développe une action
analgésique environ dix fois plus faible. L'accès possible à plusieurs de ces médicaments sans prescription a permis
à certains héroïnomanes, surtout avant l'accès aux traitements de substitution, de les utiliser comme substitut à
l'héroïne (mais cela nécessitait des quantités très importantes). Utilisée principalement par voie orale, elle permet
aussi de suivre un traitement de substitution hors du cadre médical, jugé trop contraignant par certains usagers*. La
codéine est classée comme stupéfiant en France.
Crack
Stimulant obtenu par adjonction de bicarbonate ou d'ammoniaque à du chlorhydrate de cocaïne. Le produit est
également dénommé « free-base » ou « cocaïne base » par les usagers. Il est généralement fumé mais peut aussi
être inhalé (pipe), plus rarement injecté (après avoir été dissous dans de l'eau additionnée à un milieu acide). Le
crack se présente sous forme de « galette » aisément débitable en morceaux (dits « rochers » ou « cailloux »). Le
produit provoque une sensation fulgurante de flash plus puissante que celle induite par la cocaïne. La dépendance
psychique s'installe plus rapidement qu'avec la cocaïne. Cette forme dérivée de cocaïne est un produit classé comme
stupéfiant.
Datura (Datura stramonium)
Plus connue en Europe sous l'appellation « herbe au diable » les feuilles de cette plante sont utilisées en infusion ou
fumées pour leurs propriétés hallucinogènes. Les espèces de datura stramonium sont répandues sur tous les
continents. Cette plante a longtemps été utilisée comme médicament, notamment contre l'asthme (sous forme de
cigarettes) mais son utilisation pharmaceutique est interdite depuis 1992. C'est une plante rarement utilisée en dehors
de certaines ethnies d'Amérique, du fait notamment du risque létal en cas de surdose*.
Descente
Période de décroissance des effets d'une substance. Cette phase, selon les substances, peut-être vécue très
désagréablement sur le plan psychologique en s'accompagnant notamment de symptômes dépressifs. Les usagers
utilisent fréquemment d'autres substances, notamment du cannabis ou plus rarement, des opiacés pour en atténuer
les effets*.
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Ecstasy
Dénomination la plus fréquente pour des comprimés dont le principe actif est la MDMA. A l'heure actuelle cependant il
semble
méthylènedioxyméthamphétamine – ceci étant argumenté chez les usagers par des descentes plus difficiles se
rapprochant de celle du speed*.
Free-party
Fêtes organisées le plus souvent sans autorisation des pouvoirs publics et qui durent généralement une nuit et une
demi journée. Elles se déroulent le plus souvent à l'extérieur dans un coin de nature, quelles que soient les conditions
climatiques, ou sur des sites industriels abandonnés. Ces manifestations réunissent le plus souvent deux cents à
deux mille personnes. L'entrée est gratuite ou sur donation. Les compositions musicales les plus diffusées et
appréciées sont le Hardcore, la Hard-teck, la Tribe, la Drum'n bass et plus rarement du punk rock et du ragga*.
Hallucinogène (ou psychodisleptique)
Substance psychoactive induisant des distorsions des perceptions. Celles-ci peuvent être visuelles, auditives,
spatiales, temporelles ou concerner la perception que l'individu a de son propre corps. La plupart des hallucinogènes
sont des végétaux ou des alcaloïdes extraits de ceux-ci et, plus rarement, des produits obtenus par synthèse
chimique. On distingue : les phényléthylamines (mescaline, ecstasy à forte dose), les dérivés indoliques (DMT,
psilocybine, ayahuasca, LSD) ou d'autres hallucinogènes à structures diverses : sauge divinatoire, cannabis, poppers,
kétamine. L'alcool est souvent classé dans ce groupe. Les hallucinogènes n'entraînent ni dépendance, ni tolérance.
Héroïne
Molécule opiacée, synthétisée à partir de la morphine, elle-même produite à partir du pavot. Introduite en 1878 en
thérapeutique humaine dans les traitements de la douleur, sous le nom de Héroin®, mais également en tant que
médicament de substitution de pharmacodépendance à la morphine, son usage médical a rapidement été interdit.
L'héroïne peut se présenter sous forme de poudre blanche (sel acide) ou marron (sel basique). Elle peut être injectée
en intraveineuse, fumée ou sniffée. Les propriétés pharmacologiques de l'héroïne, substance sédative, sont
comparables à celles de la morphine mais elle agit plus vite, plus intensément et plus brièvement. Du fait de sa forte
capacité à générer une dépendance psychique et physique ainsi qu'une tolérance, elle est devenue dans les années
1970 le principal produit illicite d'addiction en France. L'héroïne est un produit classé comme stupéfiant en France.
Iboga
L'Iboga est une préparation à base de racines d'un arbuste des forêts équatoriales d'Afrique de l'ouest, Tabernanthe
Iboga. Elle est utilisée dans le rituel Bwiti par certaines tribus africaines*. Son principal principe actif est l'ibogaïne.
Utilisée pour ses propriétés hallucinogènes, elle provoque des nausées, des vomissements intenses potentiellement
graves, une hypotension et des troubles du rythme cardiaque pouvant conduire à l'arrêt cardiaque, une dépression
respiratoire, une hyper ou une hypothermie. Psychostimulante, elle est à l'origine d'agitation, de tremblement,
d'incoordination des mouvements parfois de convulsions. La notion du temps peut être perturbée ; un état de
somnolence, une ébriété ainsi que des états comateux sont également rapportés. A dose plus élevée, des
hallucinations visuelles et auditives peuvent survenir ainsi qu'un sentiment de dépersonnalisation. Son usage est très
marginal en France. Il vise la réalisation de traitement psychothérapeutique « express » ou de sevrages radicaux chez
les personnes dépendantes à un produit. L'iboga est classé comme stupéfiant en France depuis 2007.
Kétamine
Produit hallucinogène utilisé en France, en anesthésie vétérinaire et humaine (chlorhydrate). Les cauchemars ou
hallucinations consécutifs aux anesthésies ont conduit à une forte réduction de son utilisation en médecine humaine.
Ce sont en partie ces sensations d'hallucinations qui amènent certaines personnes à utiliser la kétamine de manière
récréative. On la trouve le plus souvent sous forme de poudre, parfois sous forme liquide. Elles est principalement
sniffée, mais peut être avalée et beaucoup plus rarement injectée ou fumée. Classée comme produit stupéfiant.
LSD (acide lysergique)
Hallucinogène synthétique, le LSD se présente le plus souvent sous forme de buvard destiné à être avalé.
Plus rarement, on le trouve sous forme de micropointes ou de liquide (« gouttes »). Il a accompagné le mouvement
psychédélique et la montée de la contre culture américaine des années 1960-1970. Ce produit n'entraîne ni
dépendance, ni tolérance. Le LSD est classé comme stupéfiant en France.
MDMA Ou Méthylène-dioxy-3,4-méthamphétamine
Principe actif de l'ecstasy, il s'agit d'une molécule appartenant à la famille des amphétaminiques. Son usage s'est
développé en Europe parallèlement à celui de la culture techno. Les dénominations sont variées, reprenant souvent le
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logo ou la couleur du comprimé. Si la forme dominante est le comprimé, un développement de poudres supposées
contenir de la MDMA a récemment été observé. La MDMA est avalée dans 9 cas sur 10, rarement fumée ou injectée.
Les effets recherchés sont un renforcement de la résistance physique pour pouvoir faire la fête plus longtemps, une
amplification des sensations induites par la musique et un effet empathogène. La MDMA est un produit sédatif à
doses modérées et hallucinogène à fortes doses. Elle est classée comme stupéfiant en France.
Médicaments psychotropes
Médicaments dont l'effet recherché est de modifier le psychisme. Les principales classes de médicaments
psychotropes sont : les hypnotiques, les anxiolytiques, les antidépresseurs, les neuroleptiques et les
thymorégulateurs (régulateurs de l'humeur). Les médicaments psychoactifs constituent une classe plus large que les
psychotropes. Lorsque l'on ne parle pas des médicaments, les mots « psychotrope » et « psychoactif » ont la même
signification.
Mescaline
Principe actif du peyotl (echinocactus williamsii) et d'autres plantes hallucinogènes, la mescaline provoque des
distorsions de la perception visuelle, spatiale et temporelle. Ses effets sont qualitativement proches du
LSD mais elle est moins puissantes, les quantités nécessaires à l'induction des effets étant bien plus élevées*.
Comme avec d'autres hallucinogènes, sa consommation peut occasionner crises de panique, angoisse, paranoïa et
autres troubles psychiatriques, de manière plus ou moins durable. Classée comme stupéfiant.
Méthadone
Molécule agoniste des récepteurs opiacés disposant d'une Autorisation de mise sur le marché pour le traitement
substitutif des pharmacodépendances majeures aux opiacés. Elle est disponible en France sous forme de flacons de
sirop de différents dosages. Sa prescription doit se faire sur ordonnance sécurisée pour un maximum de 14 jours
avec des délivrances fractionnées par 7 jours. La prescription initiale doit être faite par un médecin exerçant en Centre
de soins spécialisés aux toxicomanes (CSST) ou en hôpital. Médicament classé comme stupéfiant.
Méthamphétamine
Les dénominations les plus connues de cette molécule amphétaminique sont ice (cristal de méthamphétamine appelé
encore crystal ) et yaba (comprimés de méthamphétamine). Les effets stimulants de la méthamphétamine sont plus
puissants et plus durables que ceux de l'amphétamine. La consommation chronique entraîne une dépendance
psychique et une augmentation des doses consommées. La méthamphétamine est classée comme stupéfiant.
Méthylone
« Le methylone (imite) les effets de la MDMA. Il se présente sous la forme d'une poudre sous forme cristalline de
couleur beige ocre. La durée des effets est présentée comme étant similaire à ceux de la MDMA : sentiment
d'empathie exacerbé, envie de partager et d'échanger. Les seules différences annoncées relèvent de la subjectivité
des usagers : « des effets plus philosophiques et moins sensuels » (CMSEA, ORSAS Loraine, Phénomènes
émergents liés aux drogues en 2008. Tendances récentes sur le site de Metz, 2009, OFDT)
Morphine (sulfate de)
Molécule agoniste opiacée disposant d'une Autorisation de mise sur le marché pour le traitement des douleurs
intenses et/ou rebelles aux autres produits analgésiques. Le traitement est disponible sous forme à action brève et
sous forme à action prolongée (Moscontin LP® et Skenan LP®). Les présentations d'action prolongée sont parfois
utilisées comme traitement substitutif des pharmacodépendances majeures aux opiacés. La morphine est un sédatif
classé comme stupéfiant.
Opium
Suc épaissi obtenu par incision, avant la maturité du fruit, des capsules d'un pavot. L'opium a donné lieu au XIXe
siècle au développement d'une opiomanie. En France, avant la première guerre mondiale, il était moins coûteux de
recourir à l'opium qu'aux alcools forts. La loi du 12 juillet 1916 a mis un terme à la consommation du produit dans les
fumeries. En pratique, l'opium est traditionnellement fumé ou inhalé sous forme de vapeurs, plus rarement ingéré
(généralement pour une utilisation thérapeutique) ou prisé (pour la poudre d'opium). Il est rarement utilisé en France.
Polyconsommation
Conduite associant de façon simultanée ou séquentielle la consommation de plusieurs substances psychoactives. Ce
comportement a des conséquences d'autant plus redoutables que les signes caractéristiques de l'usage d'un seul
produit ne sont plus visibles. Le diagnostic clinique devient alors difficile à établir en cas d'intoxication aiguë. Le
traitement de ces intoxications est également souvent délicat.
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Programme d'échange de seringues (PES)
Mise à disposition de seringues à l'unité ou de trousses de prévention dans des lieux fixes (associations, pharmacies)
ou mobiles (bus, équipes de rue) pour les utilisateurs concernés et généralement déjà connus des équipes de
prévention et de soins*. Par extension, sont nommés PES les lieux où sont distribuées les seringues. Ces
programmes ont été mis en place à la fin des années 1980.
Psychoactif (produit ou substance)
Qui agit sur le psychisme en modifiant le fonctionnement du cerveau, c'est-à-dire l'activité mentale, les sensations, les
perceptions et le comportement. Au sens large, beaucoup de produits possèdent un effet psychoactif (chocolat à forte
dose et café par exemple), mais tous ne posent pas problème. Dans un sens plus restreint, les substances
psychoactives sont celles dont l'usage peut être problématique. On classe habituellement les substances
psychoactives en trois catégories : les sédatifs, les stimulants et les hallucinogènes. En dehors du cas particulier des
médicaments (voir médicaments psychotropes), les termes psychotropes et psychoactifs ont la même signification.
Rachacha
Résidu d'opium obtenu par transformation artisanale du pavot. Il se présente sous forme de pâte molle de couleur
marron ou rouge qui peut être fumée (voie pulmonaire) ou ingérée (voie orale). Classé comme stupéfiant.
Rave party
Les raves parties rassemblent jusqu'à six mille personnes pour des soirées évènementielles organisées dans de
grands espaces loués pour l'occasion, voire en plein air pendant la saison estivale. L'entrée est payante et de prix
variable en fonction de la programmation. Les styles de musique écoutée sont différenciés et le plus souvent,
plusieurs dance-floors laissent le choix des genres : Trance, Jungle, Drum'n'bass, mais aussi des courants musicaux
plus ‘durs' comme le Hardcore et le Hard-teck.
Stimulants (ou psychoanaleptiques)
Produit qui ont pour particularité d'augmenter l'activité psychique. Les principales substances addictogènes
stimulantes sont la cocaïne (dont crack), les amphétamines (dont l'ecstasy à doses modérées). D'autres produits sont
considérés comme des stimulants mineurs : caféine et nicotine par exemple.
Stupéfiants (produits ou substances)
Substance inscrite dans l'une des listes de stupéfiants telles qu'elles sont été définies par la Convention unique de
1971 sur les stupéfiants. Si ces derniers constituaient initialement un groupe de substances réunies par leur propriété
commune à inhiber les centres nerveux et à induire une sédation de la douleur (opiacés essentiellement), ils
rassemblent aujourd'hui, au sens juridique, un ensemble de produits, variables quant à leur structure, leurs propriétés
pharmacologiques et leur capacité à induire une pharmacodépendance. Les critères de classement d'une substance
comme stupéfiant reposent sur deux principes : son potentiel à induire une pharmacodépendance et les dangers
qu'elle représente pour la santé publique.
Synthèse (drogue, ou produit ou substance)
Drogue produite artificiellement et non extraite de végétaux. Couramment, le terme de « drogues de synthèse »
constitue l'appellation générique de diverses drogues spécifiquement conçues (synthétisées) pour leurs effets
euphorisants, stimulants ou psychodysleptiques par exemple : LSD, ecstasy, kétamine, dérivés du fentanyl, GHB.
Ces produits se présentent généralement sous la forme de comprimés ou de gélules.
Teknival
Festival de musique techno organisé le plus souvent sans l'autorisation des pouvoirs publics. Il peut durer jusqu'à cinq
jours et rassembler de trois à quinze mille personnes.
Traitement de substitution aux opiacés (TSO)
Modalité de traitement médicamenteux d'une personne exprimant une pharmacodépendance, reposant sur
l'administration d'une substance ayant une activité pharmacologique similaire à celle de la drogue addictive (l'héroïne
ou un autre opiacé en l'occurrence). La substitution vise à stabiliser la consommation d'opiacés illicites ou, pour le
moins, à la diminuer, à insérer le patient dans une logique de soins psychiques et physiques. En limitant ou en
supprimant le manque psychique (besoin compulsif de consommer le produit illicite), elle permet d'échapper aux
risques de cette consommation et offre surtout un répit qui facilite l'élaboration et la mise en oeuvre d'un projet de vie.
Depuis 1995, les médecins disposent de deux médicaments : la méthadone et la buprénorphine haut dosage.
Quelques rares patients sont également traités avec des sulfates de morphine, mais il n'existe pas pour ce dernier
médicament d'Autorisation de mise sur le marché.
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Source: http://www.ipsipaca.fr/attachments/074_OFDT%202009.pdf
Keeping the Auckland Airport community informed Issue 73 April 2008 ISSN1176-9432 for airport emergency teamInside this issue: • Golf day benefits charity • Airport wins bronze award • Greening the airport • Auckland Cup race day • Plus much more… Cover: Brian Chase (left) and Tony Beattie (right) of the Airport
Original Research Timing of Oseltamivir Administration and Outcomes in Hospitalized Adults With Pandemic 2009 Infl uenza A(H1N1) Virus Infection Diego Viasus , MD ; José Ramón Paño-Pardo , MD , PhD ; Jerónimo Pachón , MD , PhD ; Melchor Riera , MD , PhD ; Francisco López-Medrano , MD , PhD ; Antoni Payeras , MD , PhD ; M. Carmen Fariñas , MD , PhD ; Asunción Moreno , MD , PhD ; Jesús Rodríguez-Baño , MD , PhD ; José Antonio Oteo , MD , PhD ; Lucia Ortega , MD , PhD ; Julián Torre-Cisneros , MD , PhD ; Ferrán Segura , MD , PhD ; and Jordi Carratalà , MD , PhD ; for the Novel Infl uenza A(H1N1) Study Group of the Spanish Network for Research in Infectious Diseases (REIPI) *