Cocaïne smur final
Hôpital de La Chaux-de-Fonds
Service des Urgences
N°31 , novembre 2006 Auteur : Dr G. John
Responsable : Dr C.Sénéchaud
l'haloperidol (Haldol) peut être utile. Bien que les neuroleptiques
atypiques comme l'olanzapine (Zyprexa) ou la risperidone (Risperdal) devraient entraîner moins de problèmes cardiaques et
de syndromes extrapyramidaux, il n'existe pas encore d'étude clinique prouvant leur supériorité dans cette indication. Si l'état
Vous êtes appelé pour une patiente de 23 ans agitée, dyspnéique
psychotique ne régresse pas en quelques jours sous traitement,
avec paresthésies des mains et DRS. Sa TA est à 170/90, sa FC à
une autre étiologie que la prise de cocaïne doit être évoquée.
100/min, sa FR à 22/min avec 99% de sat à l'AA. Elle reconnaît
avoir sniffé de la cocaïne il y a deux heures. Quelles complications
Effet Cardiovasculaire :
sont à attendre et pendant combien de temps ? Quelle prise en
L'augmentation de la mortalité rencontrée chez les cocaïnomanes
charge en extrahospitalier ?
est liée aux complications cardiovasculaires. Les femmes
enceintes, les alcooliques et les patients HIV sont plus à risque.
Introduction :
L'augmentation du système adrénergique conduit à une
Bien loin de la consommation de feuilles de coca par les indigènes
tachycardie (β-adrenergique), à une hypertension augmentant les
d'Amérique du Sud ou comme ingrédient dans certains produits
besoins en oxygène du cœur et à un vasospasme (α-
commerciaux (Coca Cola jusqu'en 1903), la cocaïne a connu un
adrénergique). De plus, la cocaïne favorise l'agrégation
essor dans les années 1980 et est actuellement encore une des
plaquettaire. Elle est associée à des ischémies et des infarctus
drogues les plus répandues, motivant de fréquentes consultations.
pouvant atteindre virtuellement tous les organes (myocarde,
On a estimé en 1998 aux USA que près de 11% de la population a
mésentère, cutané (digital), cérébral, rénal (rare)…).
utilisé de la cocaïne au moins une fois dans sa vie ! Elle est
L'utilisation chronique de cocaïne peut entraîner des
principalement consommée sur le mode épisodique, mais un quart
cardiomyopathies dilatées et des myocardites (retrouvée chez 20-
des consommateurs sont dépendants. La polytoxicomanie et les
30% des patients autopsiés). Dans les premiers stades, elles sont
comorbidités psychiatriques (risque de tentamen) sont habituelles.
complètement réversibles après arrêt de la consommation. Notons
Ces patients craignent un sevrage forcé à l'hôpital. Il n'est donc
encore que la cocaïne fumée (crack) est responsable de 37% des
pas étonnant d'être parfois sollicité en extrahospitalier. La toxicité
cas de dissection aortique chez des patients jeunes.
de la cocaïne est multiple et touche pratiquement tous les
En dehors de son action décrite ci-dessus, la cocaïne inhibe
organes. Dans ce texte les complications principales seront
également des canaux sodiques voltage dépendant. Cela lui a
décrites (médicaments SMUR entre parenthèses).
valu d'être employé comme anesthésique local en ophtalmologie
et ORL. Au niveau cardiaque cette action, associée à la
Effet central :
stimulation sympathique, peut entraîner des troubles du rythme
Son action principale est d'inhiber une pompe présynaptique
allant de troubles de la conduction à la mort subite par FV en
responsable de l'élimination de la dopamine, de la sérotonine et de
passant par l'allongement du QT. Tous ces troubles du rythme (si
la noradrénaline contenue dans les synapses du système nerveux.
non mortel) s'arrêtent après métabolisation de la cocaïne.
Tout comme l'extasie (amphétamine), le LSD ou la mescaline, elle
L'apparition de DRS est le motif le plus fréquent de consultation
est excitatrice pour SNC et son sevrage va refléter un manque
après prise de cocaïne. On retrouve un infarctus du myocarde
d'excitation et parfois une dépression extrême. L'augmentation
(IMA) chez 6% de ces patients (maximum dans les trois heures
des catécholamines et de la sérotonine explique l'anorexie, la
après la prise de cocaïne pouvant aller jusqu'à 4 jours). Mis à part
diminution du sommeil et l'euphorie. 40% des patients présentent
le tabac, ces jeunes patients n'ont en général pas d'autre facteur
des complications psychiatriques: anxiété, attaque de panique,
de risque cardiovasculaire et la coronarographie trouve des
hallucination et agitation. Il n'est pas étonnant que les états
coronaires saines chez 40% d'entre eux. La consommation de
psychotiques rencontrés après prise de cocaïne ressemblent à la
cocaïne est retrouvée chez un patient sur 4 de moins de 45 ans
schizophrénie puisqu'ils partagent le même mode
physiopathologique présumé par augmentation de la dopamine.
Les autres complications du SNC sont des mouvements
Diagnostic différentiel des DRS après prise de cocaïne
involontaires, des crises d'épilepsies type généralisée tonico-
Crise d'angoisse
cloniques et des AVC ischémiques (vasospasme et agrégation
Cardiovasculaire
plaquettaire) ainsi que hémorragique (HTA liée à l'activation sympathique).
Poussée hypertensive Ischémie/Infarctus
Tableau 1 : dose et cinétique de la cocaïne
Dissection aortique Trouble du rythme
Dose usuelle
Broncho-pulmonaire
I.V, fumée secondes
Infarctus pulmonaire
Pneumonie/Tbc/ Abcès par embole septique
L'infarctus touche dans 75% des cas le mur antérieur du ventricule
Prise en charge : Chez ces patients en hyperactivité il convient de
gauche. Il n'est pas en relation avec la dose ou la fréquence des
faire un minimum de stimulation. Trouver un endroit au calme,
prises de cocaïne. 50% des patients ont noté des épisodes de
parler doucement en expliquant que les symptômes sont liés à la
douleurs thoraciques précédant l'IMA.
consommation et qu'ils vont disparaître en quelques heures
Le diagnostic ECG est parfois difficile chez ces jeunes patients
(Tableau 1). Si l'agitation requiert un traitement, préférer les
présentant fréquemment une repolarisation précoce.
benzodiazépines aux neuroleptiques, comme le lorazépam
(Temesta) ou le diazépam (Valium, Stesolid). Se méfier de
Prise en charge : Le traitement d'un infarctus ou d'une ischémie
l'association fréquente de substances pouvant déprimer le centre
liés à la cocaïne diffèrent peu du traitement habituel et peut déjà
respiratoire comme les opiacés, l'alcool ou les benzodiazépines.
débuter en ambulatoire avec une oxygénothérapie, l'aspirine iv
Les moyens de contention sont à proscrire car ils augmentent la
contre l'agrégation plaquettaire, une benzodiazépine pour diminuer
rhabdomyolyse et l'hyperthermie. En cas d'état psychotique non
la tachycardie et l'HTA liée à l'anxiété et des nitrés contre le
contrôlé, une prise en charge médicamenteuse avec par exemple
vasospasme (1). Les béta-bloqueurs sont controversés et ne devraient par être employés. Ils risquent en effet de favoriser le
vasospasme, médié par les récepteurs α-adrenergiques. Si cette
Des hémorragies pulmonaires peuvent survenir avec ou sans
première ligne de traitement ne permet pas de faire céder la
hémoptysie. La cause en est souvent multifactorielle par infarctus
douleur ou de corriger les modifications ECG, un anticalcique ou
pulmonaire, infection, inflammation ou HTAP. Le traitement est
un antagoniste des récepteurs alpha (phentolamine) doit être
introduit (2). Les anticalciques comme la nifédipine (Adalat)
Au long terme l'utilisation de crack conduit à de nombreuses
augmentent la mortalité dans l'infarctus aigu et ne doivent pas être
complications pulmonaires. Les particules injectées (talc et autres
employés. Seuls le verapamil (Isoptin) ou le diltiazem (Dilzem) po
additifs) conduisent à la formation de granulomes.
voire iv peuvent-être employés, à condition qu'il n'existe pas
d'insuffisance cardiaque ou une autre contre-indication. La
Complications rénales :
phentolamine est contre-indiquée en association au viagra et dans
L'utilisation de cocaïne chez les patients souffrant d'insuffisance
l'insuffisance rénale. Elle peut conduire à une hypotension, une
rénale accélère la perte de la fonction des reins. L'activation
tachycardie ou à des arythmies. En cas de sus-décalage ST
sympathique, l'ischémie musculaire et l'entrée intracellulaire de
persistant après nitré et anticalcique/phentolamine, une
calcium conduisent dans les heures suivant une consommation de
thrombolyse ou une angioplastie sont licites (selon protocole des
cocaïne (principalement iv ou fumée) à une rhabdomyolyse (en
association avec la fièvre, l'épilepsie, l'hypotension ou d'autre
drogue). 5% des patients consultant les urgences présentent des
Tableau 2 : Prise en charge de DRS/modification ECG
troubles musculaires avec élévation des CK. Les myalgies sont
rares et il s'agit d'un diagnostic secondaire. Si le pic des CK est
٠Calmer le patient
٠Dilzem/Isoptin ٠Prise en charge de
supérieur à 5000 ou 10 000U/l une insuffisance rénale aiguë peut
l'infarctus selon s'installer. La prévention de l'IRA passe par une hydratation
٠Benzodiazépine
protocole (lyse ou
précoce (peu utile après 6 à 12 heures) et importante 1 à 2 litres
٠Aspirine 500mg i.v.
coronarographie)
par heures jusqu'à obtention d'une diurèse de 200 à 300 ml/h ou
٠Nitroglycerine
congestion pulmonaire. L'alcalinisation des urines par le
bicarbonate et l'emploi du manitol montrent des résultats contradictoires et peut entraîner des complications.
Voies aériennes et poumon :
L'hyperkaliémie par libération cellulaire de K+ peut compliquer le
La cocaïne sniffée entraîne une irritation des muqueuses ORL qui
tableau et doit être traitée.
provoque parfois un épistaxis et, associée au vasospasme,
conduit à une nécrose de la cloison nasale. Une atrophie muqueuse met les consommateurs à risque de rhino-sinusite
Diagnostic différentiel des états fébriles après prise de cocaïne
chronique ou d'épisodes infectieux aigus.
Réaction aux «poussières»/ hyperthermie
On trouve près de 15 à 50% de radiographies anormales chez les
Bactériémie transitoire
cocaïnomanes consultant aux urgences. La cocaïne fumée est le
principal responsable des complications pulmonaires, mais
Pneumonie/abcès
l'utilisation iv est également à risque. La pneumonie est 10 fois
Thrombophlébite, abcès profond
plus fréquente dans cette population. La précarité, l'infection HIV
et la dénutrition rendent compte d'une augmentation des cas de
tuberculose. Les abcès pulmonaires traduisent des emboles
Arthrite/ostéomyélite
septiques directes ou secondaire à un foyer infectieux
(endocardite notamment).
Etats fébriles :
La concentration des drogue est variable (40-60% en moyenne
Diagnostic différentiel des dyspnées après prise de cocaïne
pour la cocaïne), elle est coupée avec des produits divers et variés. Des états fébriles transitoires, communément appelés
Crise d'angoisse/ Hyperventilation
« réaction aux poussières», peuvent survenir en réaction à ces
Cardiovasculaire
substances dans les heures qui suivent l'injection et persiste
Poussée hypertensive
jusqu'à 24 heures. C'est un diagnostic d'exclusion. Même si les
Ischémie/Infarctus
hémocultures à la recherche de bactériémie sont de mises, en
Dissection aortique
pratique, devant un patient non inquiétant, sans signe localisateur
Trouble du rythme
il est possible de faire un traitement d'épreuve extrahospitalier par
paracétamol et de faire consulter si la fièvre persiste.
Cardiomyopathie et myocardite
L'injection se fait rarement après désinfection cutanée, des
Broncho-pulmonaire
complications locales sont donc à attendre: dermohypodermite,
abcès, phlébite et thrombophlébite. Les germes sont ceux de la
Œdème pulmonaire
peau (80% de staphylocoque, 10% de streptocoques, 10%
polymicrobiennes ou germes inhabituels). On retrouve des
Vasospasme/Infarctus pulmonaire
infections fongiques (candida principalement) lors de l'emploi de
Hémorragie alvéolaire
jus de citron comme dissolvant et de pseudomonas dans l'eau
courante. Le traitement sera parfois chirurgical et associé à une
Pneumonie/Tbc/abcès
antibiothérapie et parfois anticoagulation (thrombose).
HTAP, BPCO, Fibrose pulmonaire
L'injection de particules peut éroder des valves cardiaques
préalablement saines et permettre l'installation d'une endocardite
Dès une heure jusqu'à 48heures après la consommation peuvent
du cœur droit. La symptomatologie est souvent frustre. Lorsque le
apparaître une dyspnée, un wheezing et un état fébrile avec des
cœur gauche est atteint il y a en général des anomalies valvulaires
infiltrats pulmonaires, une éosinophile et une élévation des IgE.
et le pronostic est plus sombre.
Cette réaction nommée «crack lung» correspond à une réaction
d'hypersensibilité de type I qui nécessite des expositions répétées. Les corticoïdes sont fréquemment employés mais leur efficacité
Conclusion :
n'est pas encore démontrée.
Les complications et la cinétique des drogues dépendent non
Une autre cause de dyspnée soudaine avec hypoxémie et OAP
seulement des substances consommées, mais également du
radiologique est l'œdème cardiogénique (dysfonction ventriculaire,
mode de consommation et des additifs. Si les effets centraux et
vasospasme coronarien) ou lésionnel, non cardiogénique. Le
vasculaires sont inhérents à l'effet pharmacologique de la
traitement associe oxygénothérapie, diurétiques, aide respiratoire
substance, on trouvera plus fréquemment des complications ORL
et vasodilatateurs coronariens si nécessaire.
avec la cocaïne sniffée, pulmonaires avec la forme fumée et
Un Vasalva intense après inhalation de fumée est une pratique
infectieuses lors d'injections. Certaines complications surviennent
fréquente chez les consommateurs de crack, de même qu'exhaler
ou durent après l'élimination de la cocaïne, comme le risque de
avec force dans la bouche d'un autre fumeur pour augmenter la
vasospasme (jusqu'à 4 jours), de psychose (2-3 jours) ou de
prise de la substance. Ces gestes mettent à risque de
complications pulmonaires (jusqu'à 48 heures). Par ailleurs la
barotraumatisme avec pneumothorax, pneumomédiastin et
prise concomitante d'alcool et de cocaïne conduit à la formation de
pneumopéricarde.
cocaéthylène, plus toxique et plus lentement éliminé.
Le vasospasme intense des artères pulmonaires peut mimer une
Bibliographie :
embolie pulmonaire à la scintigraphie et seule l'artériographie
UpToDate 2006: Cocaine abuse in adults, Cardiovascular/Pulmonary complications
permet de faire la différence. On rencontre également des
of cocaine abuse, Drug-induced myopathie, Coronary heart disease and
atélectasies et des bronchospasmes, entraînant parfois une crise
myocardial infarction in young men and women, Calcium channel blockers in
acute myocardial infarction. Pathologies somatiques liées à la toxicomanie; Office
mortelle chez les asthmatiques.
fédéral de la santé publique ; brochure 1995 ; Pr T. Zeltner.
Source: http://revih.sts.free.fr/DOCUMENTS/smur_cocaine.pdf
Contents lists available at Toxicology Reports Extended release potassium salts overdose and endoscopic removal of a pharmacobezoar: A case report nón Jorge Guillermo , Pérez Hernández Juan Carlos , Bautista Albiter Mayré Ivonne , Terán Flores Herminio , Ramírez Pérez Rubén a Jefe del Centro Toxicológico Hospital Angeles Lomas, Vialidad de la Barranca No. 14, Colonia Valle de las Palmas, Huixquilucan, Estado
Department of Health and Human Services OFFICE OF INSPECTOR GENERAL PART D BENEFICIARIES WITH QUESTIONABLE UTILIZATION PATTERNS FOR HIV DRUGS Daniel R. Levinson Inspector General August 2014 EXECUTIVE SUMMARY: Part D Beneficiaries With Questionable Utilization Patterns for HIV Drugs, OEI-02-11-00170